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Richard Wagner - Die Walküre - Der Männer Sippe en français (première mondiale)


Poursuite des investigations dans la Valkyrie telle que graphiée par Wilder.


Cet extrait existe par Germaine Lubin (dont je n'aime au demeurant pas du tout la diction très molle), mais elle omet le magnifique récitatif d'entrée :



D'où l'intérêt de proposer la courte séquence, même avec les moyens du bord. Je me suis dispensé d'enregistrer la suite où il est malcommode de chanter des sol tenus éclatants tout en jouant un accompagnement très touffu et saccadé... Pour cela, vous serez clairement en bonne compagnie avec Germaine Lubin.

Mais ainsi, vous disposerez de l'ensemble de la scène. Le texte de Victor Wilder opère quelques variantes (les parents des époux, ce n'est pas tout à fait la même chose que l'assemblée des hommes de Hunding), mais reste globalement très fidèle à la lettre, avec un plus une belle élégance - la qualité du vocabulaire et des rimes est assez remarquable.

Prosodiquement, du superbe travail. Vraiment, il faudrait redonner cela avec des chanteurs un peu diseurs, ce serait extraordinaire.

Remarque usuelle, sur le fait que je propose ici un document, imparfait : je joue et chante simultanément, ce qui n'aide pas à enregistrer quelque chose de propre, et le but est de toute façon de donner une idée de l'oeuvre, pas d'en proposer une référence interprétative.

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En lisant le texte, je crois qu'on se rend mieux compte de toute sa force poétique, pour un résultat assez supérieur au raide vers allitératif d'origine, et sans perdre non plus la dimension archaïque du mythe :

SIEGLINDE

Ecoute bien, ce que je vais t'apprendre !

Tous nos parents, groupés autour de nous
Fêtaient nos tristes fiançailles ;
Des gens sans coeur et sans entrailles
M'avaient vendue à mon époux.
Pâle et sans voix je les regardais boire ;
Un homme alors franchit le seuil :
Drapé dans une cape noire,
Sous sa large coiffure, un oeil
Se dérobait dans l'ombre,
Mais l'autre plein d'un feu sauvage et sombre
Lançait à tous un regard de défi.
S'il s'arrêtait sur moi tout à coup radouci
L'oeil du vieillard semblait se voiler d'une larme.
Dans sa droite, il tenait une arme,
Un glaive au tranchant acéré ;
D'un mâle effort et d'un bras assuré,
Il l'enfonça dans le coeur de ce frêne,
L'offrant à qui pourrait l'arracher de sa gaine.
Les plus hardis et les plus forts
Voulurent tenter l'entreprise ;
Fol espoir, inutiles efforts,
La lame, hélas, restait prise
Aux fibres tenaces du bois.
Vierge toujours, elle est là, tu le vois !
Alors j'ai lu dans la pensée
De cet étrange visiteur,
Et j'ai compris, qu'à mon vengeur,
Sa main destinait cette épée !


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Commentaires

1. Le lundi 9 mai 2011 à , par T-A-M de Glédel

Pour un mythe, Lubin n'est pas terrible je trouve, surtout que le passage n'a pas l'air non plus très dure pour une soprane. Elle n'avait qu'à soigner sa diction ici. Je vais le travailler, tiens !!

Oui, le texte est bon, surtout quand je vois que la traduction de ce type est un véritable calvaire. Je regrette quand même le « Dans sa droite », pas très heureux. « Dextre » rentrait, me paraît plus juste de sens, plus littéraire, et collait mieux au champ lexical (et le tout autre impact que ça ferait avec le « e » non élidé).

La traduction des titres à partir de l'allemand est toujours bizarre. La différence « W » / « V » n'est pas vraiment préjudiciable, même si La Valkyrie est tellement plus simple (et meilleur étymologiquement en plus). Par contre, on s'est moqué de moi parce que j'avais dit : « Tristan et Yseult ». Va comprendre!!

2. Le lundi 9 mai 2011 à , par DavidLeMarrec

Lubin n'est pourtant pas trop mal ici, il y a quelque chose de moelleux même si la diction est moyenne (et surtout pas très expressive).

Mais si tu compares à son Isolde, par exemple, c'est quasiment hystérique en Sieglinde. :) J'avais proposé un récital libre de droits il y a quelques années.

Dur pour une soprane, tout dépend de la soprane. L'extrait que j'ai enregistré est assez facile techniquement, parce que le récitatif ne réclame pas la même qualité de soutien, de timbrage et d'émission que des tenues, mais c'est très grave pour un soprano, c'est pourquoi Sieglinde est souvent chantée par des mezzos ou des sopranos assez dramatiques - alors que dans l'absolu le rôle ne réclame pas de passer un orchestre si sonore.

En revanche, les sol à pleine puissance, c'est très révélateur du soprano dramatique, les lyriques ont parfois des difficultés à marteler juste au-dessus de leur passage. C'est l'extrait que je n'ai pas enregistré, aussi bien parce qu'il est extrêmement périlleux pour conjuguer piano et chant - on ne peut ni écouter les tenues ni faire de pains sous peine de faire effondrer tout l'édifice musical... et les deux simultanément, c'est beaucoup quand on n'a pas la voix du rôle !

Bref, l'extrait que j'ai enregistré n'est pas dur si on a un minimum de graves, mais ce qui est suit (et qu'elle chante) est assez difficile, un des rares moments très exposés dans le rôle.

Ca n'empêche pas que d'autres y déployaient et y déploient une diction parfaite (en allemand, puisque je n'ai pas trouvé d'autres témoignages en français de ce moment), parce que Lubin chante mollement, vraiment un équivalent (en moins ferme et défini) de Flagstad, c'est amusant.

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Concernant la traduction, Wilder s'est autorisé quelques modifications rythmiques (ce qui a conduit les héritiers Wagner, après avoir parrainé sa traduction française, à s'en éloigner progressivement), mais à la marge, et ça reste un tour de force énorme.

Je lis son texte avec beaucoup de plaisir même sans musique, alors que celui de Wagner, même avec musique... :)

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"Dans sa droite". Pas vraiment d'accord, il y a déjà beaucoup de préciosités chez Wilder, et "dextre" aurait été un peu ostentatoire, ce qu'il évite toujours.

En outre, j'y vois une nuance non négligeable : la dextre, c'est la main glorieuse du guerrier, alors qu'ici, c'est la main droite d'un vieillard, ce qui crée justement l'émerveillement.

Enfin (et je devine que c'est la raison), "dextre" est un peu lourd en sonorités, ça casse un peu le phrasé.

Mais on est vraiment dans l'ordre du détail.

--

Oui, pas de différence, mais le "V" a en plus l'avantage d'indiquer la version française sans ambiguïté (et même plus précisément la version de Victor Wilder, puisque les autres utilisent le "W").

Et dans le même esprit, Tristan und Isolde - ou même Tristan et Isolde (!) - désigne spécifiquement, dans l'imaginaire collectif, l'oeuvre de Wagner. Ca fait bizarre effectivement d'entendre "Tristan et Yseut" ; c'est ton petit côté militant, mais l'Usage a ses décrets difficiles à combattre.


... merci pour toutes ces réactions !

3. Le mardi 10 mai 2011 à , par T-A-M de Glédel

« En outre, j'y vois une nuance non négligeable : la dextre, c'est la main glorieuse du guerrier, alors qu'ici, c'est la main droite d'un vieillard, ce qui crée justement l'émerveillement. »

Justement, je n'aurai pas été contre une rupture brutale dans la perception du vieillard. Mais, comme tu l'expliques, ça se défend. Point de détail, oui.

« c'est ton petit côté militant »

Je ne dis pas le contraire. Mais quitte à franciser, autant l'assumer jusqu'au bout.

4. Le mardi 10 mai 2011 à , par DavidLeMarrec

Ah oui, pour la traduction française, c'est vrai qu'Isolde ne se justifie pas forcément. Pourtant, même Wilder conserve le nom d'Isolde dans son Tristan - traduction moins réussie, c'est même légèrement moins bien que le texte de Wagner, que je ne tiens pourtant pas en très haute estime pour cet opéra...

5. Le mercredi 11 mai 2011 à , par T-A-M de Glédel

« Bref, l'extrait que j'ai enregistré n'est pas dur si on a un minimum de graves, mais ce qui est suit (et qu'elle chante) est assez difficile, un des rares moments très exposés dans le rôle. »

Je retire ce que j'ai pu dire. C'est carrément casse-gueule.

Il m'a fallu attendre les 3h00 du matin pour y arriver (les la en tête évidemment), et le résultat est, comment dire, assez laid, surtout la dernière tenue (un peu celle de trop, la voix chancelait sur les premières, là elle choit lamentablement).

Évidemment, à midi, je n'y arriverai plus, alors je savoure quand même.

6. Le mercredi 11 mai 2011 à , par DavidLeMarrec

Tout simplement, ça réclame une voix de femme ou ténor, donc pour un baryton, si peu qu'il ait peu d'entraînement, ce n'est pas accessible.

7. Le jeudi 21 août 2014 à , par Christelle

Cher David,
Cet endroit se révèle plein de surprises, surtout pour mes lubies nocturnes...
Merci !

8. Le jeudi 21 août 2014 à , par David Le Marrec

Hou-là, mes vieilles glossolalies wagnériennes… il faudrait que je réenregistre ça en chantant un peu plus proprement (et en respectant un minimum plus les valeurs écrites).

J'avais lié vers Wotan, parce que c'est plus rigolo (on dirait le petit frère de Brünnhilde).

Quoi qu'il en soit, je trouve la traduction de Wilder magnifique, ce qui est un atout non négligeable pour Wagner qui pèche souvent du côté littéraire. [Et de toute évidence ma seule opportunité pour devenir version de référence.]

9. Le mardi 27 mars 2018 à , par Andika

Quelle voix David !

10. Le mardi 27 mars 2018 à , par DavidLeMarrec

C'est gentil !

C'est mon ancienne voix (désormais on m'entend un peu, ce qui est la moindre des choses à l'opéra…), mais le truc que j'aimais bien, c'est que ça facilitait la mise en valeur des mots. Après, si on voulait du timbre, ce n'était pas vraiment la bonne adresse… dur chemin d'être autodidacte, on choisit les paramètres qu'on veut préserver, mais on tombe successivement dans toutes les chausses-trappes, très peu manquent à ma collection, et on en entend quelques-unes dans cette bande-ci.

Il est vrai que tu m'as rencontré un jour d'aphonie, donc m'entendre avec un filet de voix fonctionnel doit être très spectaculaire ! :)

De toute façon, tous ceux qui m'ont entendu chanter s'accordent pour dire que Sieglinde et Brünnhilde sont mes meilleurs rôles. Comment je dois le prendre, je me le demande toujours (mais je suis assez d'accord en fait).

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David Le Marrec

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