[indiscrétions] – Philharmonie de Paris : programmation 2015-2016
Par DavidLeMarrec, samedi 21 mars 2015 à :: Saison 2015-2016 :: #2652 :: rss
Eu égard à ses nombreux agents dormants disséminés dans toutes les allées du Pouvoir, Carnets sur sol dispose du contenu de la saison prochaine de la Philharmonie, qui ne sera annoncée officiellement que dans un mois. Comme il ne nuit à personne d'en dire un peu plus et que les milieux informés vont bientôt bruisser d'informations, ouvrons le ban.
1. Confirmation des principes
Conformément à ce que laissait percevoir cette première saison, la Philharmonie ne sera pas l'exacte addition de Pleyel et de la Cité de la Musique.

Les sièges en petits marteaux du second balcon de la Philharmonie.
On y verra de grands événements monumentaux qui n'étaient envisageables dans aucune des deux salles précédentes (en particulier les événements hybrides, comme cette saison la Jeanne d'Arc semi-mise en scène ou les Feux d'artifice façon « son & lumière ») ; mais dans le même temps, disparaîtront les programmes plus pointus de Pleyel (moins d'œuvres rares insérées dans les concerts) et surtout (complètement !) les programmes thématiques de la Cité de la Musique — je n'allais pas forcément voir ces derniers, justement parce qu'ils étaient très mêlés, dans des thématiques parfois lâches (la dernière, « guerre et paix », franchement !), ce qui imposait de changer de posture d'auditeur plusieurs fois dans la même soirée, sans pouvoir vraiment s'installer, ou de mélanger des pièces exaltantes avec d'autres qui font moins envie.
D'une manière générale, l'évolution va dans le sens du projet annoncé, de la musique classique qui s'ouvre davantage au grand public : plus de programmes spectaculaires (au sens le plus littéral du terme), et un peu moins de niches disséminées (les soirées sont en général plus homogènes dans leur programme, ce qui n'est pas forcément un mal de mon point de vue).
2. Bruyante hilarité
À la découverte du programme, je dois le confesser, j'ai ri ; tellement l'ensemble caricature l'image branchouille parfois (souvent) reprochée à la Cité de la Musique et au Centquatre, naviguant entre l' « ouverture aux des musiques populaires » et le concert-prétexte-à-faire-du-concept, permanent va-et-vient entre une forme de facilité (donner au public ce qu'il veut, les artistes à la mode et le Boléro de Ravel) et à l'opposé l'imposition massive de niches qui n'intéressent personne (musique contemporaine d'il y a longtemps, spectacles-concepts…) ; on aurait dit que les programmateurs se parodiaient eux-mêmes.
Lignes de force.
3. Présence hors classique
Ouverture aux autres genres.
¶ Chanson française chic : Jacques Higelin, Mathieu Boogaerts, « Piaf-Cocteau », « Hommage à Barbara », Émilie Loizeau (reprises de Lou Reed, sous quelle forme ?)…
¶ « Musiques du monde » vaguement starisées : Toumani Diabaté, Ibrahim Maalouf, Les Ambassadeurs (du Mali) — essentiellement des représentants « internationaux » (diversement authentiques), en général mentionnés par leur nom et non par leur style.
¶ Et même un peu de musiques amplifiées : le DJ Todd Terje.
4. Concerts très grand public
Beaucoup de concerts soit vendus avec une étiquette accrocheuse, soit réellement constitués autour d'une thématique propre à motiver les profanes.
¶ Des concerts spécifiquement conçus pour les enfants (incluant même un opéra d'Aboulker et un opéra de Dupin !).
¶ Des thématiques grand public : « les balades littéraires de Robert Doisneau », « Orient-Occident » (avec du Bach…), deux programmes « Chagall », « Paris-Bamako », « Piaf-Cocteau », « Boléro » (incluant le Concerto pour violon de Tchaïkovski et le Mandarin merveilleux – heu), « Le choc des titans » (Beethoven-Mahler… vraiment un titre a posteriori, le premier étant représenté par le très mineur et rétro Deuxième concerto !), « American Dream » (des Gershwin aux Miz), « Shakespeare », « Nouvel an chinois »…
¶ Concerts cinéma : ciné-concerts proprement dits, mais aussi des concerts autour des musiques composées par John Williams (par l'Orchestre Colonne, comme chaque saison) ou Alexandre Desplats (LSO !), des musiques utilisées par David Lynch, soirées « Standards du cinéma », « Mickey Mouse », « Pixar »…
5. Scies Classiques éternels
L'essentiel de la programmation (une bonne moitié des concerts) reste extrêmement traditionnelle : on y retrouve les mêmes compositeurs sans cesse au programme au fil des saisons, dans la même organisation (que la nouvelle programmation n'a pas servi, hélas, à briser) de type ouverture-concerto-symphonie — ce qui constitue vraiment un non-sens pour moi, le public qui a envie d'entendre un virtuose prendrait volontiers deux ou trois concertos, tandis que celui venu pour la musique plus symphonique n'est pas toujours très intéressé par ce pan du répertoire. Sans parler des contraintes supplémentaires en matière d'adéquation entre le soliste, le chef, l'orchestre et le programme, et du temps beaucoup plus contraint pour les œuvres à représenter (il reste de la place pour une œuvre courte en première partie et une œuvre moyennement longue en seconde partie).
¶ Les germaniques romantiques cardinaux : énormément de Beethoven (concertos pour piano partout, intégrale des symphonies par les Berliner Philharmoniker…), Mendelssohn (intégrale par le Chamber Orchestra of Europe), Brahms (concertos, symphonies, musique de chambre), Mahler (une fois la Cinquième, deux fois la Quatrième et la Septième, trois fois la Première et la Troisième)…
¶ Spécificité parisienne qui peut sembler luxueuse aux provinciaux, mais qui est très commune à Paris, les figures emblématiques du début du XXe siècle (très large public parisien pour remplir ces programmes). Il est vrai qu'on en a profité pour jouer des œuvres ambitieuses à vaste effectif comme le Boléro. On trouvera donc en grande quantité Schönberg (Gurrelieder), Ravel, Bartók (le Prince de bois, le Mandarin merveilleux deux fois, plus un concert monographique), Rachmaninov (culminant avec les rares et spectaculaires Cloches), Stravinski (plein de fois l'Oiseau et le Sacre, comme d'habitude, mais aussi des choses plus rares, comme Le Rossignol – suite d'orchestre ou opéra, je ne suis pas sûr de ce qui a été choisi), Chostakovitch (symphonies, mais surtout l'intégrale des Quatuors à la Biennale de quatuor).
6. Musique contemporaine
Dans le même temps, on trouvera beaucoup de concerts de musique contemporaine… avec toujours les mêmes noms qui reviennent.
¶ Vieilles avant-gardes : Varèse, Romitelli, Schnittke, Berio, Nono (Prometeo !), Stockhausen (un cycle, comme tous les ans), Boulez (comme toujours), (Pierre) Henry (une soirée), B.A. Zimmermann, Murail, Grisey, Aperghis (une soirée thématique), Henze, Manoury (multiples commandes), Ferneyhough…
¶ Quelques noms peu connus pour des pièces ponctuelles, sinon on retrouve surtout les noms de gens à la mode (hors Neuwirth et Pintscher, plutôt des gens de qualité… enfin, Ferneyhough rarement, mais il peut… et Lindberg même s'il fait tout le temps la même chose) : Rihm, un opéra de Jolas, Lindberg, Trojahn en assez grande quantité, Jarrell, une soirée Neuwirth, Pintscher, deux concerts avec Unsuk Chin. Et puis, beaucoup moins dans la ligne du Parti, Escaich (à l'occasion de l'inauguration officielle de l'orgue) et P.M. Davies.
¶ Et, pour un public bien différent, les amis planants : deux concerts avec Philip Glass (création française du Concerto pour deux pianos avec les sœurs Labèque, et un spectacle métissé avec Angélique Kidjo) ; et pas moins de huit soirées pour Arvo Pärt superstar (dont trois films, une double soirée monographique de l'Orchestre de Paris et trois autres soirs où il représente le tiers à la moitié du programme) !
Au passage, il doit y avoir un amant fana d'Esteban Benzecry dans l'équipe, parce que voilà deux saisons qu'on en a tout le temps dans plein de compléments de programme (quasiment le seul contemporain à être ainsi mis hors sol) – alors que son jeune âge (né en 1970) et sa musique mignonnette aux échos folklorisants sont assez en décalage à la fois avec les logiques de notoriété et les esthétiques dominantes dans l'écurie Bayle.
Cela dit, c'est une musique agréable et bien faite qui a tout pour séduire le public traditionnel, c'est donc à mon avis plutôt un bon service à rendre à l'image publique de la musique contemporaine (même si ce n'est, fondamentalement, pas majeur – mais Berio et Ferneyhough pas forcément non plus, il est vrai). La promotion de Benzecry vis-à-vis d'autres compositeurs tonals (dont certains nettement plus personnels et inspirés, à mon sens) paraît un peu arbitraire, cependant mettre à l'honneur un nouveau nom de façon un peu persistante, à la manière d'une résidence, pour créer une familiarité avec le public ne me paraît, là encore, pas illégitime du tout.
Voilà pour le profil majoritaire des programmations.
7. Invitations et résidences
- Compositeurs :
- intégrale des quatuors de Chostakovitch.
- série et week-end Stockhausen.
- série Pärt.
- Orchestres & chefs :
- fin de l'intégrale des Symphonies de Sibelius (3,4,5) par Paavo Järvi et l'Orchestre de Paris en 3 concerts différents.
- Simon Rattle et les Berliner Philharmoniker pour 5 concerts d'une intégrale des symphonies de Beethoven (novembre).
- Yannick Nézet-Séguin et le Chamber Orchestra of Europe pour une intégrale des symphonies de Mendelssohn en 2 concerts (février)
- Riccardo Chailly et le Gewandhaus de Leipzig pour 3 concerts de couplages Mozart-R.Strauss (octobre).
- Valery Gergiev et le London Symphony Orchestra pour 2 concerts Stravinski (Symphonie en ut, Rossignol, Sacre du Printemps) et Stravsinski-Bartók (Oiseau de feu, Suites de danses, Mandarin merveilleux), en octobre.
- Ensembles récurrents :
- 7 concerts (plus 7 ateliers !) des Arts Florissants : sélection de madrigaux de Monteverdi, Messe en si de Bach, airs de cour français, motets des Bouteiller, deux concerts Louis XIV, une collaboration de solistes du chœur avec l'Intercontemporain. D'ailleurs, leurs spectacles (Cité de la Musique essentiellement) sont très chers (32€ en tarif minimum), pour des œuvres qu'on a l'occasion d'entendre
- Jordi Savall pour les Vêpres de Monteverdi, La Resurrezione de Haendel et un concert thématique Ibn Batouta.
- Thématiques :
- série Louis XIV, à l'occasion de la très audacieuse programmation du CMBV autour de la figure la plus méconnue de cette période.
- week-end musiques (baroques) religieuses de Pâques.
- week-end bidouillages : concert à vingt pianos et électronique, ballet de Pierre Henry, Quatre Saisons de Max Richter…
- week-end vents.
- week-end féminin (où l'on invite des femmes pour jouer Beethoven et Liszt, c'est sûr qu'on ne fait jamais ça d'habitude).
- week-end Chagall.
- série Aix-en-Provence.
- week-end Avishaï Cohen
- week-end Piaf.
- week-end Higelin.
- week-end Ibrahim Maalouf.
- week-end arabe.
En termes d'invitations massives, rien de très hardi pour les programmes (mais c'est la norme, hélas) ; quant aux thématiques artificielles ou de « bonne conscience » des week-ends, chacun jugera à sa propre aune si c'est sympathique, pénible ou indifférent. [Je n'ai toujours pas compris l'intérêt de grouper les spectacles d'une même esthétique au même moment : des gens qui auraient pu, en une saison, aller deux ou trois fois entendre du Stockhausen ou des griots ne le feront probablement pas en un seul week-end… Est-ce pour créer artificiellement un événément et générer ainsi de la publicité qui, elle, fait encore mieux remplir ?]
8. Disparitions
En creux, on note aussi certaines programmations qui s'amenuisent sévèrement.
¶ Beaucoup moins de baroque, en tout cas de baroque italien — l'opéra seria, très représenté à la Cité de la Musique, semble avoir largement disparu (à part Don Chisciotte de Conti, qui est d'ailleurs à part, une œuvre bouffonne, moins fondée sur la virtuosité vocale). Du côté instrumental, les Italiens n'ont plus rien, je crois.
Le baroque français est mieux représenté (grâce surtout aux Arts Florissants et à une invitation des Talens Lyriques et d'Amarillis), mais on n'a plus de grosse production de rareté opératique ou balletistique comme autrefois (seulement Armide de Lully – 7 fois en Île-de-France en 7 ans ! –, que Rousset a déjà étrennée en province).
Les habituelles productions pionnières de Reyne et Rousset (ce dernier ayant en plus été quasiment rayé de la carte à Versailles, où il avait élu domicile ces dernières années) n'ont pas lieu. Où se retranchent-ils, alors ? Je commence à m'alarmer, je ne les vois nulle part dans les lieux susceptibles de les accueillir.
¶ Toujours très peu de la période classique : Mozart est abondamment représenté, mais essentiellement pour les mêmes concertos pour piano (deux fois 9, puis 19-20-21-24) et surtout beaucoup de musique vocale (opéra – Lucio Silla avec Fagioli et Equilbey –, musique sacrée en abondance, airs de concert, récitals vocaux à plusieurs…). En revanche, pour Haydn, deux symphonies (6 et 49) et un quatuor (Op.50 n°3), en tout et pour tout. Quant aux autres…
¶ Pas de lied. Seulement le Winterreise de Goerne & Hinterhäuser (quelle originalité…) mis en scène par Kentridge pour le Festival d'Aix. Autre gros pan des traditions de la Cité de la Musique qui s'envole — il y avait traditionnellement, en plus, des schubertiades à plusieurs chanteurs, permettant d'entendre les liederspiele de Schumann ou les petits ensembles de Schubert (voire la saynète du Lapin du repas de noces !). Avec la disparition de la série des Convergences à l'Opéra de Paris, il ne va plus guère rester que l'auditorium du Musée d'Orsay (où le lied n'est pas majoritaire par rapport aux mélodies, songs et miniatures vocales d'autres langues) du côté de la saison officielle. Il faudra donc fouiner du côté du Conservatoire Supérieur (avec les aléas de programmations annoncées au dernier moment et d'étudiants qui peuvent être fulgurants ou peu adaptés à l'exercice), des Invalides, de l'Institut Goethe et de petites salles ou divers à-côtés chez des institutions peu spécialisées… Frustrant.
¶ Peu de mise en avant de stars. Oh, bien sûr, les programmes ne contiennent que des célébrités (artistes les plus en vue internationalement ou interprètes à la mode en France – les seconds étant souvent plus intéressants que les premiers, d'ailleurs ; preuve supplémentaire de la vacuité des hiérarchies en la matière), mais les concerts sont présentés selon leur programme (changement agréable par rapport aux habitudes de Pleyel) et non avec seul argument la venue de leur interprète.
Seulement deux exceptions pour toute la saison (glottophiles comme il se doit) : Dessay dans de la mélodie française, et le couple Bartoli-Villazón dans Mozart-Rossini-Donizetti-Bellini.
Plutôt un changement agréable : ça évite l'ésotérisme inutile pour les profanes, et ça renseigne davantage les mélomanes sérieux.
D'une manière générale, à part les répertoires forts cités de §3 à §7, on trouve assez peu des autres styles et genres. J'ai l'impression, d'ailleurs, qu'il y a beaucoup moins de concerts à la Cité de la Musique.
9. Les événements de la saison
Quelques moments forts à signaler.
D'abord, le sommet absolu de la saison, vraiment le concert rare où il faut être, Berlin : Die Sinfonie der Großstadt, le film de Walter Ruttmann, accompagné par la partition d'Edmund Meisel, l'un des plus beaux exemples de musique postromantique, décadente et mécaniste (à la fois !), une œuvre d'une beauté proprement sidérante (et rarissime en concert). Interprétée par Frank Strobel (spécialiste des musiques de film germaniques décadentes, justement… version de référence pour Huppertz) et le « Symphonique de Strasbourg » (Philharmonique de Strasbourg ? Symphonique des Jeunes de Strasbourg ?).
Et puis pas mal d'autres choses :
¶ Oratorios Saint François de Gounod et Sainte Cécile de Liszt, le même soir ! Deshayes, Barbeyrac, Gautreau, Orchestre de Chambre de Paris, Équilbey.
¶ Intégrale des concertos de Carl Nielsen au fil de la saison ; ils sont très personnels et assez beaux… si ça pouvait donner envie de poursuivre avec une intégrale des symphonies la saison suivante — j'aurai peu de probabilité de pouvoir jamais entendre les deux premières, autrement.
¶ La fin de l'intégrale des symphonies de Sibelius par Paavo Järvi et l'Orchestre de Paris. La lisibilité et la tension de leurs lectures placent leur cycle au sommet de tout ce qui a jamais été produit dans ce répertoire… Il reste les 3, 4 et 5, chacune programmée dans un concert.
¶ Les Cloches de Rachmaninov (Orchestre de Paris, Rozhdestvensky), au sein d'une soirée tout Rachmaninov (Caprice bohémien, Quatrième concerto avec Postnikova). Leur caractère spectaculaire (dans la veine du Prologue de Francesca da Rimini) sied particulièrement au concert.
¶ Intégrale des quatuors de Chostakovitch par les quatuors les plus en vue (Arditti, Jérusalem, Danel, Hagen, Artemis, Casals, Modigliani, Béla, Zaïde, Tetzlaff, Pacifica)
¶ Concert-conférence autour des quatuors de Weinberg/Vainberg, avec les Danel, spécialistes (fulgurants) des quatuors soviétiques.
¶ Le monumental Gruppen de Stockhausen, ses trois orchestres et ses trois chefs obligés (Pintscher, Vis, Fitzsimon), par l'Ensemble Intercontemporain et l'Orchestre du Conservatoire de Paris. Son œuvre la plus immense et paradoxalement l'une de ses plus intelligibles et immédiatement séduisantes (elles ne sont pas si nombreuses dans ce cas !), rarement donnée en raison des effectifs requis.
¶ Autre monument de l'avant-garde d'il y a longtemps, le Prometeo de Nono contient, à la façon de Licht du camarade Sto, des œuvres détachables – dont certaines parmi les meilleures de son catalogue (¿ Dónde estás hermano ? provient de là, par exemple). L'argument d'un Prométhée déconstruit et pas vraiment narratif (mosaïque d'auteurs) n'est pas forcément attirant, mais la musique, dans le détail, en est tellement suggestive que l'aventure est très tentante. Vaste fresque et grande rareté, de surcroît.
De mon côté, je ne pourrai par être à Gruppen (La Liberazione di Ruggiero de Francesca Caccini que je veux voir depuis dix ans, encore plus rare – et un peu plus séduisante tout de même – a lieu simultanément à Versailles, dommage). En revanche, je tâcherai d'aller voir tout ça (sauf les concertos de Nielsen, très épars dans les programmes). Curieux aussi de l'opéra de Betsy Jolas, malgré son titre façon resucée conceptualisée des mythes grecs : « Iliade l'Amour ».
À cela, j'ajoute quelques non-raretés qui me font personnellement envie :
=> Armide de Lully par Rousset, dans une distribution à se rouler par terre : Marie-Adeline Henry, Julian Prégardien, Marc Mauillon, Andrew Schroeder, Judith van Waroij, Marie-Claude Chappuis (et Julien Véronèse, Fernando Guimarães et Hasnaa Bennani dans de plus petits rôles). Ça me fera trois Armide de Lully en six ans, bon rendement.
=> Récital baroque français de Patricia Petibon, avec l'Ensemble Amarillis : magiciennes de Charpentier, Marais, Leclair et Rameau. Donc Médée et Circé en perspective ! Vu sa qualité dans ce registre dans son disque avec les Folies Françoises, et l'évolution plus adéquatement dramatique de sa voix, ce devrait être très persuasif.
=> Motet (Singet dem Herrn !) et cantates de Bach par l'Ensemble Pygmalion. Vu la qualité hallucinante du chœur, le motet le plus virtuose de Bach promet d'être ébouriffant, le reste bouleversant. Me déplaçant pour du Bach, les habitués mesureront toute la certitude de l'excellence de la chose.
=> Symphonie fantastique de Berlioz par l'Orchestre du Capitole de Toulouse et Tugan Sokhiev. Je crois que c'est l'orchestre le plus engagé que j'aie vu sur une scène, et dans du Berlioz en plus… Le déplacement s'impose.
=> Motets de Mendelssohn par l'Orchestre de Paris et Thomas Hengelbrock : Psaume 95, Von Himmel noch et le rare Christus (en entier ?)… que des musiques merveilleuses, par un chef qui claque… (Couplé avec le Magnificat de Bach, bien sûr – ouvertement pastiché par Mendelssohn dans son propre Magnificat.)
=> Requiem de Verdi par Noseda : avec l'Orchestre de Paris et surtout son Chœur, dans l'acoustique généreuse et confortablement réverbérée de la Philharmonie, voilà qui tente assez fort (Borodina, Meli et Pertusi, qui à défaut d'être mes modèles ne sont pas des manchots de petites glottes, devraient être de la partie).
=> Lieder contemporains avec ensemble de P.M. Davies, Rihm, Jarrell et David Hudry, par le liedersänger Georg Nigl avec l'Intercontemporain (direction Heras-Casado).
Peut-être aussi le concert Louis XIV des Arts Florissants mêlant opéra (Atys, Armide, Médée), petit (Lully) et grands (Charpentier, Lalande, Desmarest) motets, divertissements (Lully, Charpentier, Lalande)… rien que du célèbre, mais un sympathique raccourci de ce qui s'est fait de mieux dans la période. (En tout cas, pour ce qui est du pionnier, l'ensemble est vraiment dans une période gaste.)
10. Bilan
D'abord, bien sûr, il ne s'agit que d'informations indirectes, de recoupements de bruits de couloir et d'indiscrétions… je ne puis pas garantir qu'elles soient toutes exactes, ni qu'il n'y ait pas de changement avant l'annonce officielle de la saison. Mais, dans l'ensemble, ça devrait assez ressembler à ça (Prometeo est déjà annoncé par le Festival d'Automne, par exemple).
Ensuite, entendons-nous bien sur les râleries quant à l'orientation des programmes : il est très normal qu'un projet aussi vaste, avec une ambition affichée aussi vigoureuse, mène à des changements. Et, on peut le voir, vu la quantité de l'offre, j'ai en ce qui me concerne largement de quoi remplir mon calendrier, et même de quoi renoncer à pas mal d'entre ces concerts. Je suppose que pour ceux qui s'y rendent moins souvent, ou qui sont un peu moins grincheux, la mission est d'autant plus facile.
Mon amusement porte surtout sur la structuration très caractéristique de l'offre musicale, selon un schéma très familier du discours des élites politiques actuelles sur la musique classique : on lit littéralement la note d'intention dans le grand écart qui enjambe des styles entiers, mais bichonne simultanément la chanson à la mode et les compositeurs du sérail.
Car mes doutes portent davantage sur la justification des choix idéologiques des programmateurs : je ne suis pas persuadé que mettre Higelin à deux jours d'intervalle de Neuwirth crée la moindre porosité entre les genres… on y parviendrait plus facilement avec des concerts de format moins traditionnel (toutes les thématiques cinéma proposées sont à mon avis infiniment plus efficaces de ce point de vue) ou avec la présentation de compositeurs contemporains moins solipsistes, accessibles avec un bagage auditif standard. Mais c'est une très vaste question, où il faut forcément prendre un parti et faire de l'idéologie à un moment donné… en ce sens, d'accord ou pas, la position choisie n'est pas illégitime. Et personne n'a jamais cru que la construction d'une nouvelle salle règlerait d'emblée tous les enjeux de l'accès à la musique classique et de la pénétration de la création contemporaine.
Commentaires
1. Le samedi 21 mars 2015 à , par Pierre
2. Le samedi 21 mars 2015 à , par Ugolino le profond
3. Le samedi 21 mars 2015 à , par DavidLeMarrec
4. Le samedi 21 mars 2015 à , par DavidLeMarrec
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6. Le samedi 21 mars 2015 à , par Ugolino le profond
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8. Le dimanche 22 mars 2015 à , par Diablotin :: site
9. Le dimanche 22 mars 2015 à , par Faust
10. Le dimanche 22 mars 2015 à , par DavidLeMarrec
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13. Le dimanche 22 mars 2015 à , par Faust
14. Le dimanche 22 mars 2015 à , par Diablotin :: site
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16. Le mardi 24 mars 2015 à , par Ugolino le profond
17. Le mercredi 25 mars 2015 à , par Faust
18. Le mercredi 25 mars 2015 à , par Ugolino le profond
19. Le jeudi 26 mars 2015 à , par DavidLeMarrec
20. Le vendredi 27 mars 2015 à , par Faust
21. Le dimanche 29 mars 2015 à , par DavidLeMarrec
22. Le samedi 4 avril 2015 à , par Berwald
23. Le samedi 4 avril 2015 à , par David Le Marrec
24. Le dimanche 5 avril 2015 à , par Berwald
25. Le mercredi 8 avril 2015 à , par David Le Marrec
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