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Versailles 2015-2016 : rare et beau


… comme d'habitude, en somme. Depuis la rénovation de l'Opéra Royal, quelle farandole de gourmandises !

Ça a paru sur le site, mais pas toujours très clairement.

Essai d'ordonner cela (avec quelques conclusions et interrogations) :

Répertoire italien « archaïque » XVIIe

Monteverdi — La favola d'Orfeo
Dans la Galerie des Glaces. L'événement est le retour à Gardiner dans cette œuvre : ce n'est clairement pas l' « instrumentateur » (on est en deçà de l'orchestration à proprement parler, tout de même) le plus aventureux, mais sa version fut et demeure la plus sensible à la danse de toute la discographie. Distribution pas encore annoncée.

Caccini (Francesca) — La Liberazione di Ruggiero
L'œuvre, un des plus beaux exemples de recitar cantando, a déjà été donnée, mais pas dans de très bonnes conditions (Torres & Garrido, pas dans leur meilleur jour). Un plaisir de la retrouver, ici avec l'ensemble Huelgas, ce qui est une association rare vu la spécialisation prébaroque de l'ensemble. Néanmoins, considérant leur merveilleux enregistrement des divertissements pré-opératiques de la Pellegrina, on peut leur faire confiance pour trouver la couleur juste — et, je l'espère, ce qui sera plus nouveau pour eux, le juste débit des récitatifs.

Rossi — Orfeo
Une œuvre importante de la période, d'autant plus rare mise en scène (par Jetske Mijnssen). Avec l'Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon.

Falvetti — Il Diluvio universale
Falvetti — Nabucco
Les deux par la Cappella Mediterranea de Leonard García Alarcón (qui après avoir beaucoup défriché, refait tournée sur tournée avec les bijoux exhumés — position qu'on peut trouver un brin paresseuse, mais qui se défend par ailleurs, si l'on veut imposer ces titres une fois ressuscités) et le Chœur de chambre de Namur. Deux productions qui ont déjà circulé dans la région, mais deux très belles œuvres : le Diluvio, très habile adaptation très vivante d'une (déjà très belle) œuvre allégorique du premier XVIIe, et Nabucco, qui lorgne déjà vers l'ère du seria, avec ses numéros plus vocaux, mais qui demeure baigné de l'inventivité musicale du XVIIe siècle.

Baroque français

Lully — Monsieur de Pourceaugnac
Mise en scène de Clément Hervieu Léger. Avec Les Arts Florissants.

Lully — Persée
Version de concert avec Niquet (mais contrairement à sa gravure, avec son propre orchestre) et une distribution démente : Guilmette, Santon, Kalinine, Watson, Hache, Vidal, Dubois, Wilder, Christoyannis, Dolié, Teitgen !

Lully — Armide
Reprise de la production de Marshall Pynkoski donnée il y a quelques saisons, avec la même équipe canadienne : Colin Ainsworth, Olivier Laquerre, Opera Atelier Toronto, Tafelmusik Baroque Orchestra…
En moins de dix ans, Armide aura été donnée au moins six fois en Île-de-France (Le Point du jour, Christie-Carsen, Perbost-Cavagnac-Palaiseau, Plante-Rambert-Genevilliers, Versailles première, Versailles seconde série) ! Jolie performance, l'œuvre devient à bon droit un standard de la scène baroque. Elle sera aussi représentée en juin de cette année à Nancy.

Gala Lully
Par la Cappella Mediterranea et avec Jodie Devos, Hélène Guilmette, Judith van Wanroij, Reinoud Van Mechelen, Thibault Lenaerts, Patrick Bolleire, Thomas Dolié et Jean Teitgen.

Lully & Campra — Te Deum & Requiem
Par la Grande Ecurie et la Chambre du Roy, avec le concours des Petits Chanteurs de Sainte-Croix de Neuilly, sous la direction de Jean-Claude Malgoire. Avec Hasnaa Bennani, Robert Getchell et Benoît Arnould. Pas mes compositions de prédilection chez ces auteurs, mais je suis curieux de constater où en est l'ensemble de Malgoire, en perte de vitesse (et de style !) dans les années 90, mais qui semble s'être fortement renouvelé en qualité au cours des années 2000 (même si les critiques lui reprochent souvent, et pas très opportunément à mon sens, un manque de virtuosité par rapport aux nombreux ensembles formatés pour le seria ultra-expansif).

Nivers, Collasse & Clérambault
Trois figures assez différentes (pré-lullyste, lullyste et italianisante), dont les étonnants Cantiques spitiruels (que je n'adore pas pour ma part) de Collasse. Par les Pages & Chantres du CMBV et La Rêveuse.

Charpentier — Motets de Noël
Par Les Talens Lyriques de Christophe Rousset… et Anders J. Dahlin, Emiliano Gonzalez-Toro, Benoît Arnould, distribution qui augure assez favorable de ce que le Magnificat annoncé soit celui H.73 !

Charpentier — Motets funèbres
De qualité plus ou moins phénoménale, mais ça reste du Charpentier, regorgeant de surprises harmoniques. Avec les Pages et les Chantres du CMBV, La Rêveuse, et sous la direction alternée de Benjamin Perrot, Florence Bolton et Olivier Schneebeli.

Lalande — Miserere et Leçons de Ténèbres
Des bijoux, sombres petits motets pour voix seule, par Sophie Karthäuser et l'Ensemble Correspondances de Sebastien Daucé. Déjà gravés par Lefilliâtre et Dumestre (et donné cette saison, il me semble), vous pouvez aller vous en convaincre.

Lalande (et autres) — Funérailles de Louis XIV
Ensemble Pygmalion.

Gilles — Requiem (version funérailles Louis XV)
Par le Collegium Vocale de Gand, Capriccio Stravagante et Skip Sempé. L'un des plus beaux requiems de tout le répertoire, même si la vision de Sempé en est un peu étrange (exaltant les vents ajoutés tardivement, dans une vision plus coloriste et moins dramatisée).

Opera seria XVIIIe

Haendel — Arminio
Mis en scène par Max Emanuel Cenčić. Opéra rare de Haendel, sur un sujet qui appartient à la veine historique (assez fréquente dans le seria, contrairement à la tragédie en musique presque exclusivement mythologique), mais dans une période et un lieu inhabituels — d'ordinaire, les sujets d'Histoire extra-romaine se situent plutôt en Orient. Avec Armonia Atenea et George Petrou.

Pergolesi — Adriano in Siria
Mis en scène par Max Emanuel Cenčić. Pergolèse est encore un compositeur assez peu enregistré dans le domaine du seria, quoique de grande qualité. Avec Julia Lezhneva, Franco Fagioli et la Capella Cracowiensis.

Répertoire français d'après le baroque

Gluck — Orphée & Eurydice
Version de Paris avec haute-contre, plus rarement donnée. Avec John Eliot Gardiner.

Cherubini — Hommage funèbre à Louis XVI
Par Niquet.

Neukomm — Hommage funèbre à Louis XVI
(Auteur par ailleurs de l'un des plus beaux quintettes avec clarinette.) Par Malgoire.

Plantade — Hommage funèbre à Marie-Antoinette
Par Niquet.

Godard — Dante
La grande rareté, avec les mêmes protagonistes que Cinq-Mars : Véronique Gens, Andrew Foster-Williams (Jean-François Lapointe en sus), la Radio Bavaroise et Ulf Schirmer. Vu leur adéquation fulgurante à ce répertoire lors de la résurrection de Cinq-Mars, il y a beaucoup à espérer. D'autant qu'il n'existe à ce jour aucune bande officielle des opéras de Godard — parmi ceux que j'ai lus (Dante n'en fait pas partie), la langue en est très consonnante, mais pas sans densité. Ce devrait être beaua fortiori si le sujet prête à quelques audaces musicales supplémentaires.
Dommage que le Code Civil ne permette pas encore d'épouser des personnes morales, sinon j'aurais fait ma demande à Bru Zane depuis longtemps.

Autres

¶ Et puis les Vêpres de Monteverdi avec Gardiner, Alcina de Haendel (avec Yoncheva, Galou, Jaroussky et Dantone), The Messiah par McCreesh, Lucio Silla de Mozart (avec Skerath, Fagioli, Fanale et Insula Orchestra), le Requiem avec d'Hérin, les Noces avec Minkowski, Don Giovanni avec l'Opéra de Rouen (et Jean Teitgen !), de la musique sacrée de Haendel (parfois par des interprètes ou dans des couplages inattendus, je vous laisse regarder), bien sûr Bartoli (à 85€ minimum, mais pas dans un nouveau programme) et même les Variations Goldberg par Tharaud dans l'Opéra Royal (étrange, n'est-ce pas)… et pas mal d'autres choses.

Premier bilan

Beaucoup plus de concerts que les années passées, j'ai l'impression. À l'occasion du tricentenaire Louis XIV, énormément de musique de Lully et de ses cadets directs (Charpentier, Lalande, Collasse, Gilles…), donc surtout un vaste choix en musique sacrée.

En opéra baroque français, que du Lully. Il est toujours bon de parcourir à nouveau des fondamentaux si glorilleux… mais quel sera le compositeur mis à l'honneur par le CMBV ? Un compositeur de musique sacrée, alors ? Ou cela se limite-t-il au cycle des offices funèbres des rois, en lien avec une exposition « Le Roi est mort » ?
On pourrait alors y pressentir l'influence funeste de Château de Versailles Spectacles qui a désormais la haute main sur l'agenda musical. On attend la programmation du CMBV pour voir ce qu'il advient de la musique instrumentale (qui, personnellement, m'intéresse moins dans cette période, et qui est par ailleurs très bien représentée dans nombre de petits concerts parisiens)… et de la thématique de l'année, qui ne sera manifestement pas représentée à l'Opéra Royal.

Je remarque aussi qu'à l'exception d'un concert Charpentier (que Rousset disait d'ailleurs trouver péniblement chichiteux), Les Talens Lyriques disparaissent de la programmation et ne proposent pas d'opéras rares comme les autres saisons. De même pour Les Agrémens de Guy van Waas. Il faut dire qu'avec les jubilés Gardiner et Pichon, plus l'embauche massive de Niquet et García Alarcón, il ne restait pas forcément de la place pour tout le monde. J'admets que ce ne sont pas les meilleurs ensembles spécialistes, du point de vue de la technique et du prestige… mais ils restent excellents et surtout produisent en quantité des résurrections de premier choix, presque toujours des œuvres qui mériteraient des reprises régulières : Bellérophon de Lully, Céphale & Procris de Grétry, Les Danaïdes de Salieri, Thésée de Gossec… J'espère qu'ils pourront être accueillis ailleurs pour leurs activités de premier intérêt.

Quoi qu'il en soit, il reste de quoi se régaler, même si l'opéra français est probablement moins bien servi que les deux dernières saisons (mais il faut dire qu'il était impossible de faire mieux !).

Pour moi, ce sera assurément Ruggiero, Persée et Dante, mais j'espère pouvoir trouver aussi le temps pour les deux Orfeo, Nabucco et quelques concerts sacrés (Noël Charpentier, au moins un Lalande)…
Vu le temps nécessaire pour se rendre à Versailles, il faudra peut-être se contenter de cette courte sélection.



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Commentaires

1. Le dimanche 8 février 2015 à , par Faust

Il se confirme que CSS est le seul endroit où l'on trouve des commentaires éclairés - et quasiment en temps réel - sur la saison nouvelle qui s'annonce !

Je suis toujours étonné par la variété et l'intérêt de la programmation du château de Versailles.

Oui, vous seriez parfait au Palazetto Bru Zane !

2. Le dimanche 8 février 2015 à , par DavidLeMarrec

Oui, programmation impressionnante, n'est-ce pas ?

Promis, si Bru ou Drawicki me couchent sur leur testament, je ne déclinerai pas.

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