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Henrik IBSEN - Rosmersholm (1886) par Stéphane Braunschweig (Théâtre de la Colline)

Vu aujourd'hui.

Les thèmes brassés et les façons convient à une expérience du même ordre que Brand mais avec un texte et une réalisation scénique plus fins encore, s'il est possible.

On y retrouve les questions obsédantes d'Ibsen : la pureté est indispensable à la réussite, et la conservation de cette pureté implique tous les sacrifices, jusqu'à la destruction de l'individu (qui ne peut donc plus réussir). Ici, ce n'est plus l'esprit fanatique d'un pasteur idéaliste, mais un jeu entre plusieurs personnages autour d'un ancien pasteur veuf, dont on ne parviendra jamais véritablement à démêler qui manipule qui, et avec quel degré de conscience.
Le poids de l'ascendance et du Nord du pays sont toujours écrasants.

On y retrouve aussi les questionnements politiques d'Ibsen : la nouveauté et la réforme sont admirées par leur panache, mais elles sont toujours erronées. Elles perdent aussi, mais la société conservatrice, qui a raison sans doute dans son analyse du monde, est elle laide, désabusée et corrompue. De ce fait Ibsen semble épouser aussi bien l'aspiration à l'amélioration du monde que l'affirmation que le changement est forcément insensé et mauvais, l'oeuvre de fanatiques. On voit bien cette plongée dans l'absurde du règne de Julien l'Apostat dans Empereur et Galiléen.

Mais dans Rosmersholm, on atteint un faîte dans la finesse psychologique. Ces théories qui se bousculent, formulées avec sincérité mais pour se mentir à soi-même, ces contradictions crédibles mais non résolues restent à la fois ouvertes et pleinement cohérentes. Chez Ibsen, ce sont les contradictions de discours qui brossent le mieux le portrait des personnages. Ils se révèlent par où ils se fissurent à l'épreuve de la vie.

La traduction est toujours la nouvelle d'Eloi Recoing pour Actes Sud.

Même si Maud Le Grevellec (Rebekka West) fait entendre une déclamation qui sonne comme du théâtre pensé, qui manque un brin de naturel initialement, on finit par adhérer totalement à sa présence scénique, une façon d'occuper l'espace très réussie - les indications de Braunschweig sont très bien servies. La voix, émise dans un médium grave à la fois légèrement rauque à la mode du théâtre et douce, est d'une très belle étoffe.
Claude Duparfait (Johannes Rosmer) compose lui aussi un personnage assez complet, presque claudicant sous le poids de ses incertitudes bipolaires, un intellectuel dont l'esprit semble boîter. Christophe Brault (Kroll) impose de beaux moyens de basse brillante avec un plaisir évident à jouer les sentencieux, et une grande justesse de ton. Annie Mercier (Mme Helseth) joue les gouvernantes dans la belle tradition de l'opéra, où elles étaient tenues par des voix de ténor (Arnalta dans l'Incoronazione de Monteverdi, Cadmus de Lully, une vieille dans la musique de scène de Charpentier pour le Malade imaginaire...) - son timbre presque masculin sert sa truculence discrète, qui procure juste ce qu'il faut d'allègement, sans jamais aller chercher les rires.

La mise en scène de Braunschweig est comme toujours une admirable réussite scénographique et scénique. Le décor se concentre essentiellement sur un intérieur oppressant, un mur de marbre noir, comme zébré de légères blancheurs, un noir sans opacité, et présenté en coin - Braunschweig crée toujours des espaces très dynamiques en évitant avec résolution les parallélismes visuels. On est ainsi d'emblée plongé dans un intérieur présent, dans la profondeur de la scène, et les murs s'écartent comme pour contenir le spectateur.

Les costumes sont à son habitude sans âge, et on échappe même au petit pull gris habituel. Le blanc radieux de Rebekka West est extrêmement magnétique dans cet univers sombre.

Avec sa gestique simple mais intense, son refus de l'entracte (2h30 d'une traite), il nous plonge durablement dans une atmosphère, où ne figurent que les accessoires essentiels (le nombre de chaises strictement nécessaire, une porte-fenête, quelques portraits d'ancêtres, des vases près de la porte).

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Une fois qu'on en a pris l'habitude, c'est moins éprouvant, mais il vaut mieux prévenir que cette puissance-là se prend en pleine figure. Ne pas compter sur une soirée de divertissement, mais plutôt d'introspection...

Il n'empêche que c'est magnifique visuellement et dramatiquement et que nous le recommandons chaleureusement, un très grand moment de théâtre. Il faut juste y être préparé et ne pas y aller n'importe quand. Le public réagit souvent avec tiédeur, d'ailleurs, parce qu'il est dérangé ou accablé par ce qu'il a subi.

Ca se joue jusqu'au 20 décembre environ, le mercredi, le vendredi et le week-end, dans le même temps que la Maison de poupées que nous n'avons pas (encore) vue, et qui se joue un peu partout à Paris cette saison. Néanmoins, s'il faut aller chercher quelqu'un qui serve au mieux cette esthétique, c'est Braunschweig qui faut aller voir, à n'en pas douter.

Vivement qu'il nous monte Les Prétendants à la Couronne, je rêve de voir l'évêque Nicolas sur scène. Mais ce drame de jeunesse écrit sur le patron évident de Hakon hin Rige d'Oehlenschläger ne doit pas être trop en cour malheureusement.



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Commentaires

1. Le mardi 24 novembre 2009 à , par thelxinoe

J'ai également assisté à une représentation de Rosmersholm (celle du 18/11).
Je partage globalement tout ce que vous exposez sauf quelques points que je ne peux m'empecher d'exprimer ici.
Tout d'abord sur la pièce. Ibsen est juste un monstre du théâtre et c'est sur son seul nom que j'accours à des représentations. Je n'avais jamais vu Rosmersholm et pour être élégant je dirai qu'il y avait peut être une raison. Certes, les leitmotives d'Ibsen sont tous présents, la construction générale de la pièce est plaisante, quelques bons mots (plutôt que fulgurances) mais 1h de trop, 1h d'imprécision, 1h de mélasse! La salle en riait sur la fin et moi il a fallu que me visse à mon siège pour y rester (jusqu'à la fin pas dans le sens littéral, quoique...). Quelle déception!
Second point: les acteurs. Comment dire? J'ai failli partir également avant la fin (et ce dès le début pensant que je m'étais trompé de théâtre et que je ne pouvais pas être à la Colline). Certains sont parfaits (Brault, Mercier), d'autres transparents ou même légers (Duparfait) mais Grevellec... je ne comprends pas. Loin de moi l'idée d'attaquer qui que ce soit, mais il faut lui rendre service. Elle a certes une voix intéressante (comme 75% de la population française par ailleurs), un physique agréable mais qu'elle ne s'entête pas trop dans le métier d'acteur: mono-atittude (qui ne correspond pas au rôle et je vois pas quel serait message subliminal de Braunschweig), la seule fois où une émotion transparaît c'est dans la demande en mariage (sa première mimique: je me suis dis au bébut qu'elle était effrayée, puis ravie, puis effondrée puis... je n'ai rien compris), déplacement hasardeux et anticipation systématique (je fais un pas vers la droite et ensuite je dis mon texte uniformément, texte qui spécifie que j'ai envie de me déplacer vers la droite)... Bref, insupportable. Je suis sorti de ce purgatoire avec une telle intérrogation que je me suis même demandé si Braunschweig n'avait pas fait exprès de lui demander (parce que ça ne peut être qu'une demande, il est impossible que cela soit naturel) de jouer comme ça dans le but de souligner un des cheval de bataille d'Ibsen: la lutte vaine de l'individu face aux normes sociales/religieuses/historiques etc. Bref, forcer le spectateur à penser qu'elle n'avait eu le rôle que grâce à des procédés que la morale réprouve et ainsi rappeler la dure condition de la femme... (je plaisante bien sur mais j'ai failli VRAIMENT le penser).
Quelle horrible, affreuse déception! Je comptais aller voir Une maison de poupée (pièce nettement mieux réussie et équilibrée que Rosmersholm) mais le traumastisme est trop grand. Je vais, que dis-je, je dois passer.

En aparthé, je tiens néanmoins à vous dire que c'est un véritable régal que de vous lire. Votre blog/site est pertinent, une mine (plus adapté que le puit je trouve) de science, et même si parfois je ne partage pas tout, toujours délicieux à lire. Merci encore pour votre talent.

2. Le mardi 24 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Bienvenue, Thelnixoe !

mais 1h de trop, 1h d'imprécision, 1h de mélasse!

Je ne l'ai pas vue, cette heure de trop. Où cela ? C'est justement dans cette durée un peu gluante de la fin que se joue toujours le plus de choses chez Ibsen, c'est le lieu où les contraditions en viennent à un point où les personnages semblent se nier alors qu'ils sont au bout du chemin. Pour Brand, c'était bien la dernière heure et demie qui semblait patauger dans les incertitudes brouillonnes. Ca fait vraiment partie intégrante du charme de l'Ibsen de maturité, pour moi, même si on peut y voir, et peut-être à raison - qui sait - des maladresses. Je suis client au bout du compte en tout cas.

La salle en riait sur la fin

Oui, j'ai constaté cela avec un certain étonnement, j'avais l'impression d'un public d'opéra qui s'apercevrait au bout de trois heures que les gars chantent au lieu de parler et que ça amuserait. Avec une pièce et une mise en scène aussi intense, j'ai eu peine à me mettre à leur place pour comprendre leur capacité de distanciation.

Concernant les acteurs, je l'ai dit, j'ai été moi aussi vraiment étonné au début de Maud Le Grevellec, mais il y a une présence qui se diffuse au bout d'un moment, avec beaucoup d'efficacité. Oui, ça peut manquer de naturel au départ, j'en conviens tout à fait, on sent la pose de théâtre, mais l'impression a assez vite disparu au cours du premier acte, et à partir du troisième des quatre actes j'adhérais vraiment pleinement. Oui, il y avait de la marge pour faire mieux, mais ça suffisait amplement aux réjouissances de mon point de vue.

Elle a certes une voix intéressante (comme 75% de la population française par ailleurs)

Quand je dis "voix intéressante", c'est bien le résultat de la voix après travail, pas une affaire de potentiel...

Quelle horrible, affreuse déception! Je comptais aller voir Une maison de poupée (pièce nettement mieux réussie et équilibrée que Rosmersholm) mais le traumastisme est trop grand. Je vais, que dis-je, je dois passer.

Si je passe mon tour, de mon côté, ce sera uniquement faute de pouvoir soutenir une seconde rossée en si peu de temps, mais j'ai fort envie d'aller voir la Maison de Braunschweig.

En aparthé, je tiens néanmoins à vous dire que c'est un véritable régal que de vous lire. Votre blog/site est pertinent, une mine (plus adapté que le puit je trouve) de science, et même si parfois je ne partage pas tout, toujours délicieux à lire. Merci encore pour votre talent.

Merci à vous pour vos compliments et votre commentaire ! Vous êtes bien sûr le bienvenu pour commenter à votre guise.

3. Le dimanche 20 décembre 2009 à , par Agnès

Vous pouvez y aller sereinement, David. Point de rossée dans la Maison. Pas de violence, pas de claque. Mais c’est magnifique. Une impression de naturel.
(Je n’ai ni lu ni vu Romersholm.)
- Dans la Maison aussi, le lieu est certes inquiétant. De hauts plafonds pour mieux étouffer la petite Nora, des murs parcourus de moirures sur lesquels se détachent d’autant mieux le mobilier dont la blancheur clinique, aseptisée éblouit ou aveugle. Le lit qui sert à cacher les macarons/pralines défendus. Et surtout le fauteuil à bascule dans lequel seule Nora a le droit de prendre place pour se bercer d’illusions. Une chaise droite pour les autres, ceux du monde extérieur, qui n’en apparaissent que plus raides quand ils s’y assoient. Le chauffage ne réchauffe rien. La seule touche de couleur : un tableau posé à même le sol mais qui représente … la fin de la terre se jetant dans la mer. C’est tellement pur et tellement glacé que ça pétrifie sans alourdir. Je me répète : c’est magnifique (il faut dire que j’avais vu Chénier la veille à Bastille, j’avais encore les décors sur l’estomac + le dimanche dans les Grands magasins : pour une provinciale, c’est rude !). Les indications d’Ibsen allaient plutôt dans le sens d’une décoration bourgeoise, en tout cas chaleureuse.
- Tout aussi précis les costumes. Le pull gris qui vous manquait, c’est Christine Linde qui le porte, avec une jupe grise droite et serrée. Nora : du rouge, un jean, la robe de bal, puis rouge et jean de nouveau. Le noir est pour Rank, figure macabre. Helmer finit torse nu, dévoilé.
- Et dans ce décor, on assiste à un ballet. Nora ne se déplace qu’en glissant, sautillant, valsant. Elle implore, elle minaude. Elle manipule. Elle découvre une épaule. Elle se décoiffe les cheveux. C’est magnifique, jamais ennuyeux (2h30 sans pause) mais jamais pesant non plus. C’est cela qui est étonnant – et inattendu pour moi : ça reste léger. Tout rend parfaitement compte, et jamais lourdement, avec des touches d’humour aussi, du narcissisme, de l’autisme et de l’orgueil de la femme enfant… Mais jamais son désespoir ne vient me frapper au visage. Pas de claque là non plus.
- Quant à l’explication finale entre les 2 époux, elle se déroule sous nos yeux, sans cri (en tout cas pas dans mon souvenir), sans effusion de sentiments, sur le même ton égal. Toutes les « petites » phrases qui constituent le dialogue sont enchaînées, sans que l’une ait plus de poids que l’autre. Du coup, ce qui m’avait paru un peu appuyé à la lecture, passe très bien ici. J’attendais par exemple, le « et moi ? » de Nora après le « je suis sauvé » de Helmer. Il est là, il est porté par Nora qui immobilise son regard à ce moment-là, mais rien de plus. Prodigieuse direction d’acteurs ! C’est si simple !

Les moments forts ne font pas mal. L’effondrement de Nora après avoir répété la tarentelle, est ici plus hystérique que tragique.
- Le moment saisissant, c’est pour moi celui où s’ouvre un pan du mur, quand on pourrait imaginer que Nora va se jeter dans l’eau glacée. Nora nous tourne le dos, là-bas au fond à droite, et s’immobilise en plein saut. La tension est immense. Telle belle ouverture sur une tragédie repoussée.
- Et la boîte aux lettres aussi, démesurément grande, encore plus angoissante quand la l’enveloppe de Krogstadt s’y trouve : on a du mal à détacher les yeux de ce grand rectangle blanc.
- Mais la découverte, c’est pour moi le docteur Rank. Ce personnage qu’à la simple lecture je n’avais par repéré parmi ces personnages de dehors entrant dans les maisons ibséniennes, est vraiment singulier chez Braunschweig. Il est là, avec son grand corps malade dont il ne sait que faire, il tord ses jambes comme dans un tableau de Schiele, il allonge son cou comme un Modigliani. Il est pathétique. Au début juste intrusif, encore plus que Christine, avec sa dépression complaisante, il est poignant quand il annonce son amour sans espoir et sa disparition prochaine.

Du coup, oui, le public rit beaucoup. C’est surprenant, mais c’est le risque de cette mise en scène et de cette direction qui, tout en modestie et simplicité, ont évacué pour moi le tragique. J’aimerais bien prendre le temps de relire Ibsen maintenant…
(A propos de diction théâtrale, ici c’est Mme Linde qui l’a. Déplaisante. Cela correspond certainement à une volonté de Braunschweig, mais je suis passée à côté !)
Y êtes-vous allé entre temps? Représentations supplémentaire prévues en janvier, je crois.

4. Le lundi 21 décembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Bonjour Agnès !

Je vous remercie pour cet ample compte-rendu. Je vais y répondre bien sûr.

Effectivement, j'en reviens, et je suis beaucoup moins séduit (ou moins cocotifié, comme on voudra) que pour Brand et Rosmersholm, mais c'est surtout la pièce qui est inférieure, notamment à cause des traits de vaudeville et du personnage-repoussoir du mari (ce qu'on ne trouve pas d'habitude dans les autres Ibsen).
Le traitement de Braunschweig, lui, m'a enchanté.

C'est terrible lorsqu'on s'aperçoit qu'on est devenu groupie et qu'on perd par conséquent toute crédibilité dans ses avis.

5. Le lundi 21 décembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Agnès :
Vous pouvez y aller sereinement, David. Point de rossée dans la Maison. Pas de violence, pas de claque. Mais c’est magnifique. Une impression de naturel.

Oui, c'est aussi l'impression que j'ai eue, l'émission vocale des acteurs retranscrivait même une sorte de désinvolture bourgeoise assez particulière. Comme toujours, il me faut quelques minutes d'acclimatation, et ensuite la magie opère pleinement.

- Dans la Maison aussi, le lieu est certes inquiétant. De hauts plafonds pour mieux étouffer la petite Nora, des murs parcourus de moirures

Ces murs sont ceux utilisés dans la pièce principale de Rosmersholm (hors la bibliothèque, blanche elle aussi).

De la même façon, la béance dans le mur noir qui se referme soudainement est là aussi pour le vieux professeur de Rosmer. L'effet étouffant est vraiment saisissant dans la Maison. Pas seulement parce que ça se referme, mais parce que ça réduit considérablement la profondeur de la scène.

Les indications d’Ibsen allaient plutôt dans le sens d’une décoration bourgeoise, en tout cas chaleureuse.

Mais évidemment Braunschweig se garde toujours de ces précisions-là ; on est sans cesse dans un présent indatable. (Ce qui vaut bien le passé daté de Del Monaco... Pas vu Chénier, mais je le tiens pour le pire metteur en scène de tous les temps au vu de fréquentations antérieures.)

- Et dans ce décor, on assiste à un ballet. Nora ne se déplace qu’en glissant, sautillant, valsant. Elle implore, elle minaude. Elle manipule. Elle découvre une épaule. Elle se décoiffe les cheveux. C’est magnifique, jamais ennuyeux (2h30 sans pause) mais jamais pesant non plus. C’est cela qui est étonnant – et inattendu pour moi : ça reste léger. Tout rend parfaitement compte, et jamais lourdement, avec des touches d’humour aussi, du narcissisme, de l’autisme et de l’orgueil de la femme enfant… Mais jamais son désespoir ne vient me frapper au visage. Pas de claque là non plus.

Non, c'est vrai, pas de claque pour moi, même si c'est très prenant. Ca tient grandement à l'oeuvre, je voudrais avoir l'occasion d'y revenir, mais j'ai déjà esquissé quelques pistes.

- Quant à l’explication finale entre les 2 époux, elle se déroule sous nos yeux, sans cri (en tout cas pas dans mon souvenir),

Ca crie seulement au moment où Helmer se fâche, plus ensuite, c'en est presque du monologue intérieur tant c'est invraisemblable.

Prodigieuse direction d’acteurs ! C’est si simple !

Même chose pour l'usage des accessoires d'ailleurs. Toujours réduits, mais toujours essentiels et porteurs de sens.
Le siège la flamme éteinte et le siège de Rank, ce pourrait être téléphoné, mais c'est fait avec tellement de naturel et de vérité...

Les moments forts ne font pas mal. L’effondrement de Nora après avoir répété la tarentelle, est ici plus hystérique que tragique.

C'est vrai. Je l'ai remarqué aussi.

- Le moment saisissant, c’est pour moi celui où s’ouvre un pan du mur, quand on pourrait imaginer que Nora va se jeter dans l’eau glacée. Nora nous tourne le dos, là-bas au fond à droite, et s’immobilise en plein saut. La tension est immense. Telle belle ouverture sur une tragédie repoussée.

Ca ne m'a pas particulièrement bouleversé, d'ailleurs, un peu trop ostentatoire justement : faire bouger la scène, mettre de la réverbération pour ces quelque secondes...

- Et la boîte aux lettres aussi, démesurément grande, encore plus angoissante quand la l’enveloppe de Krogstadt s’y trouve : on a du mal à détacher les yeux de ce grand rectangle blanc.

C'est typique de Braunschweig, ça, un petit accessoire pour montrer la permanence du tragique. Ce n'était pas forcément très puissant ici, mais la présence de la lettre sur scène est en tout cas révélatrice de sa conception de l'espace scénique. Tout y est.

Du coup, oui, le public rit beaucoup. C’est surprenant, mais c’est le risque de cette mise en scène et de cette direction qui, tout en modestie et simplicité, ont évacué pour moi le tragique.

C'est vrai.

J’aimerais bien prendre le temps de relire Ibsen maintenant…

Je ne suis pas si pressé de faire la comparaison, j'ai remarqué que j'étais déçu après une mise en scène de Braunschweig - je suis condamné à espérer le DVD et l'acheter...

Heureusement, il n'a pas encore mis en scène les Prétendants, celui-là je peux me le bichonner et me le relire tout à loisir. C'est vrai que du fait que la langue d'Ibsen n'a pas vraiment de plus-value à la lecture, même le lesedrama fonctionne amplement aussi bien sur scène, et si peu que ce soit inspiré...


(A propos de diction théâtrale, ici c’est Mme Linde qui l’a. Déplaisante. Cela correspond certainement à une volonté de Braunschweig, mais je suis passée à côté !)

Je l'ai au contraire trouvée admirable, ça traduit une sorte de rigidité morale, avec finalement une sorte de vérité. Non, rien à voir avec ce qui a pu être écrit sur Maud Le Grevellec.

Y êtes-vous allé entre temps? Représentations supplémentaire prévues en janvier, je crois.

Tout à fait. 7 à 9 janvier, il me semble.
(Et je m'y suis donc rendu hier. :) )

Merci beaucoup pour tous ces détails !

6. Le vendredi 19 novembre 2010 à , par Jimbowww

Mmmmh.. Très enrichissant ce site.
Vif et lumineux. J'aime la lucidité de vos analyses.
J’adhère !

7. Le samedi 20 novembre 2010 à , par DavidLeMarrec

Dans ce cas, bienvenue Jim !

Et merci.

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David Le Marrec

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