Vidéos en pagaille
Par DavidLeMarrec, vendredi 26 juin 2009 à :: Disques et représentations - En passant - brèves et jeux - Musique, domaine public :: #1292 :: rss
Arte nous gâte ces jours-ci, grâce à sa récente plate-forme web, qui diffuse gratuitement des choses appétissantes en parallèle de ses productions télédiffusées... Nous avons sélectionné Le Roi Roger de Szymanowski, les deux derniers récitals parisiens de Waltraud Meier (Chausson et Richard Strauss), le Concours International de Chant de Strasbourg et Falstaff à Glyndebourne.
Liens directs vers les vidéos, références et commentaires.
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1. Le Roi Roger (Król Roger [1]) de Karol Szymanowski dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski [2]
http://liveweb.arte.tv/fr/video/Le_Roi_Roger_de_Karol_Szymanowski_a_l_Opera_Bastille/
Soirée avec le Roi de Mariusz Kwiecień [3], jeune habitué du rôle - en alternance pour cette production avec l'immense Scott Hendricks, dont le répertoire ne cesse d'étonner par la variété des langues et des raretés qu'il peut brasser avec cette présence ravageuse.
Donné en ce moment à l'Opéra Bastille à Paris. Musicalement, une version tout à fait sérieuse, n'étaient les choeurs assez pâteux de l'Opéra de Paris, comme à l'accoutumée. (Mais pour du polonais chanté en coulisse, ça fait l'affaire.) Visuellement, la plus-value n'est pas certaine : le Regietheater dans ce qu'il a de plus radical.
Au contraire des mises en décor traditionnelles, qui fondent tout sur la joliesse (relative) et le respect (pas toujours complet au demeurant) de la lettre (époque) plus que de l'esprit théâtral, Krzysztof Warlikowski a pour lui la grande vertu de proposer une direction très active à ses acteurs, digne du théâtre parlé dont il est lui-même issu. En revanche, ce qu'il raconte n'a plus grand rapport - par exemple, en lieu et place de la célébration liturgique grandiose et kitschouillisante qui début l'oeuvre, on assiste à une rêverie assez désabusée au bord d'une piscine sous des éclairages cliniques.
Ce n'est pas que tout le monde soit passé à côté, le metteur en scène lui-même dit que le livret ne l'intéresse pas, et n'a pas, semble-t-il, fourni ample explication sur le sujet.
On est donc plutôt dans une vertu de type 2 (mobilité théâtrale), et on pourrait reprendre la suggestion de Patrick Loiseleur pour préciser que rarement le quatrième critère (rapport de la mise en scène avec l'oeuvre) aura été plus radicalement .
On songe, quoique ce soit plus mobile et cohérent chez Warlikowski, au Crépuscule des dieux de Peter Konwitschny à Stuttgart en 2003. En tout cas, ici aussi, le metteur en scène parvient à tenir la vedette - alors qu'il s'agit de la création scénique française d'un opéra considérable d'un compositeur très apprécié.
L'avantage restera toujours, par rapport aux crimes contre l'intelligence du Met, que cela fait réfléchir, précisément parce que n'ayant aucun rapport avec l'oeuvre, l'esprit est sans cesse en éveil pour retisser les liens. En revanche, si l'on ne connaît pas l'oeuvre ou même si l'on souhaite se concentrer sur la musique, c'est un peu plus compliqué.
Attention, pas de sous-titres... ce qui est un peu aberrant.
(Il faut préciser que ce bref avis n'est destiné qu'à lancer des pistes : les lutins n'ont que visionné l'exposition et collecté quelques informations, toutes ces choses sont amenées à être étayées ou infirmées.)
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2. Chausson, Poème de l'Amour et de la Mer - Bernstein, Sénérade pour violon & Danses Symphoniques de West Side Story
Myung-Whun Chung - Orchestre Philharmonique de Radio France - Svetlin Roussev (violon) - Waltraud Meier (mezzo-soprano)
Deux solistes pour un concert.
La Sérénade est une oeuvre extrêmement séduisante, virtuose et violonistique mais peu ostentatoire. Son entrée progressive des pupitres est particulièrement réussie.
Le Poème de Chausson souffre, dans ce qui reste de la musique française malgré ses effluves wagnériennes, si bien qu'il ne supporte pas la lourdeur, de l'épaisseur du son du Philharmonique, plus adéquat pour des oeuvres françaises plus tardives. Waltraud Meier n'est, comme d'habitude, pas très claire en français, et la voix blanchit au changement de langue - ceux qui ont entendu son Eboli du Don Carlos du Châtelet s'en font une idée - comme cela arrive parfois (syndrome Fischer-Dieskau, et problèmes des jeunes chanteurs). C'est au demeurant très engagé de sa part, et ce poème étant rarement correctement articulé, y compris par des francophones (surtout dans le cas des interprètes féminins), on ne lui en portera que modérément grief !
Très beau programme au demeurant qui mérite d'être vu et en entendu ; et fort bien interprété en dépit de tout cela.
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3. Les Vier Letzte Lieder de Richard Strauss (Waltraud Meier, Deutsche Symphonie-Orchester Berlin, Ingo Metzmacher)
(La remise en ligne après diffusion en direct a pris un peu de retard, ce sera sans doute pour le début de la semaine prochaine, et reste à ne rater sous aucun prétexte pour les amateurs de ces oeuvres.)
- Claude DEBUSSY, La Mer
- Richard WAGNER, Prélude de Tristan et mort d'Isolde
- Gustav MAHLER, Adagio de la ''Dixième Symphonie
- Richard STRAUSS, Les Quatre derniers Lieder.
Waltraud Meier, Deutsche Symphonie-Orchester Berlin, Ingo Metzmacher.
Donné Salle Pleyel.
L'un des plus grands orchestres de la planète (le plus admirable sans doute des berlinois), spécialiste ultime de la littérature décadente (vous le retrouvez au disque, parmi tant d'autres oeuvres du même type, dans les Gezeichneten avec Zagrosek et Nagano). Il s'agit de l'ancien orchestre de radio de Berlin-Ouest (la fameuse RIAS de Fricsay), désormais pourvu d'un niveau instrumental, d'une précision, d'une clarté instrumentale et d'une variété de coloris qui en font l'un des orchestres les plus passionnants à suivre, répertoire aidant.
Ce soir-là, il ne fait pas mentir sa réputation, surtout avec son directeur musical depuis 2007, particulièrement sensible lui aussi à ces répertoires. L'Adagio de la Dixième, en plus de l'intensité qui lui sied, fait valoir un détail, en particulier dans les pupitres défavorisés des bois, qui réjouit.
Et, surtout, les Vier Letzte Lieder. Waltraud Meier, dont on chante partout le déclin à cause des trois suraigus d'Isolde qui ne sortent plus très bien, époustoufle dans une tessiture qui est pourtant destinée à un soprano lyrique, elle qui a longtemps tenu des tessitures de mezzo très central ! La clarté de la diction est assez hallucinante dans une oeuvre pourtant sérieusement tendue et tarabiscotée.
Le ton est évidemment loin d'être éthéré, parfois même très combattif (Beim Schlafengehen... !), mais qui pourrait lui envier cet investissement, cette électricité ?
Le plaisir de dire et chanter, son émotion sont palpables. On remarque aussi qu'elle décroche fort peu la mâchoire, n'ouvre parfois presque pas la bouche, contrairement aux recommandations majoritaires des professeurs de chant, et que tout se passe à l'intérieur (on se rend bien compte qu'elle arrondit au maximum le palais mou).
L'orchestre se fait plus discret dans cet accompagnement (les farfadets n'ont pas pu tout entendre à cause de coupures intempestives du flux web, en raison d'une surcharge du service), presque anonyme, et on en attendrait en vain les moirures de Pappano avec Covent Garden (ce n'est pas le genre de Metzmacher de toute façon). Mais en ce qui concerne le chant, nous serions bien en peine de citer une lecture plus passionnante que celle-ci...
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4. Le Troisième Concours international d'art lyrique de Strasbourg
http://liveweb.arte.tv/fr/video/Finale_du_concours_international_d_art_Lyrique_de_Strasbourg/
Exclusivement peuplé de représentations extrême-orientaux et de slaves orientaux. Avec de très belles surprises. On a en projet d'en faire un petit commentaire très prochainement.
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5. Falstaff de Giuseppe Verdi à Glyndebourne
http://plus7.arte.tv/fr/detailPage/1697660,CmC=2701500,scheduleId=2665290.html
Attention, si les autres vidéos sont disponibles pour deux mois, pour celle-ci le visionnage expire bientôt (dimanche sans doute ?), il s'agit du service de rediffusion hebdomadaire des programmations traditionnelles d'Arte et non d'une captation spécifique pour la Toile.
Orchestre Philharmonique de Londres, Vladimir Jurowski. Mise en scène de Richard Jones. (9 et 12 juin 2009)
Côté distribution : Christopher Purves (Falstaff), Dina Kuznetsova (Alice Ford), Tassis Christoyannis (Ford), Jennifer Holloway (Meg Page), Marie-Nicole Lemieux (Mrs Quickly), Adriana Kučerová (Nanetta), Bülent Bezdüz (Fenton), Peter Hoare (Dr Caius), Alasdair Elliott (Bardolfo), Paolo Battaglia (Pistola).
Seul le troisième acte est disponible sur le site.
La mise en scène, sans originalité, est parfaitement fonctionnelle, très agréable à suivre, ni statique ni dérangeante, assez idéale pour ce type d'oeuvre. L'intérêt principal, outre le plaisir de voir Falstaff, réside, au sein d'une distribution solide, mais pas particulièrement remarquable individuellement, dans la tenue du rôle-titre : Christopher Purves dispose de tout le mordant et la densité de timbre nécessaires au baryton-Verdi, sans la dureté du métal qu'on trouve chez les italiens. Quelque chose d'à la fois percutant et soyeux, dans la meilleure veine de la tradition anglaise - la personnalité du timbre peut-être en moins. Par ailleurs acteur tout à fait valeureux, qui doit compenser par sa mine déconfite l'absence de bedaine postiche.
Adriana Kučerová est sans surprise d'une fréquentation tout à fait délicieuse également.
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Bref, un service Arte à surveiller de près, au même titre que Medici.tv...
Commentaires
1. Le dimanche 28 juin 2009 à , par Ouf1er
2. Le dimanche 28 juin 2009 à , par DavidLeMarrec
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