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A la découverte du LIED, un mode d'emploi - VIII - Gustav MAHLER, Richard STRAUSS

La suite de notre parcours (initiatique?).


3.13. Gustav Mahler

Voir ici pour la présentation en plusieurs étapes (descendre dans la page pour voir les quatre articles correspondants). Restent à traiter quelques beau lieder de jeunesse, dont la fantaisie sur Don Juan, et Das Klagendelied, dont il y aurait surtout à constater un certain aspect tapageur.

Il est vrai que nous n'y avons pas caractérisé l'art vocal de Mahler, ce n'était pas notre objet. Mais c'est généralement une appropriation très musicalisée des textes, avec de grandes lignes lyriques, à la fois proches du texte et avant tout pensées en musique - qui semble préexister à la prosodie, il faudrait se pencher sur la génétique des compositions pour confirmer.







3.14. Richard Strauss

Signalons tout de suite que nous écartons de notre propos les Quatre Derniers Lieder, sur lesquels nous avons un petit exercice en préparation.




3.14.1. Catalogue

On pourrait répartir grossièrement les lieder de Richard Strauss en trois catégories.

On joue à peu près toujours les mêmes titres, dont certains ressortissent hélas à la catégorie des inoffensifs, de charmantes bluettes écrites pour Madame, que Richard jetait sur le papier pour se détendre de ses travaux d'importance.
Parmi les plus intéressants, on trouve quelques pièces au geste ample, qu'il soit délicat et rêveur, ou (troisième catégorie) tempêtueux, presque opératique.

Beaucoup de variété dans ce catalogue. Peu de pièces graves ; le plus souvent badines (jusqu'à la superficialité), parfois méditatives et extatiques. Rarement de tonalités désespérées, contrairement à l'habitude du lied. Les textes traités ne sont pas nécessairement des sommets, même chez de bons auteurs, on est loin de la clairvoyance de Debussy sur la poésie de son temps, par exemple.




3.14.2. Caractéristiques

En règle générale, ces pièces sont vocalement inconfortables, avec des montées périlleuses sur des syllabes atones, ou de grands sauts d'intervalle à traiter très legato. Du Strauss, en somme.

Le traitement textuel est généralement assez lointain, dans plusieurs sens. D'abord, la prosodie n'est pas toujours respectée, des voyelles sont dédoublées, des syllabes atones accentuées. Ensuite, la mise en musique traite globalement un climat suggéré par le lied, mais très rarement les termes précis, les variations d'esprit au fil des vers.[1] Par la musique, on développe une émotion plus qu'on ne prolonge du langage. Enfin, le flot mélodique prévaut de toute évidence sur les considérations expressives : il est lui-même l'expression, et le texte n'est qu'un support, qui le sert. On ne rompra pas une mélodie pour rendre une nuance du texte, par exemple.

Cette 'superficialité' (sans jugement de valeur) peut décevoir les amateurs de lied ; mais elle est aussi la clef d'une expression musicale d'une force ineffable dans ses meilleurs moments (Morgen Op.27 n°4, par exemple).




3.14.3. Corpus et suggestions discographiques

Il existe plusieurs cycles fondés autour d'un seul auteur (pas les plus réputés, il est vrai), qui ne sont, à part les quatre Mädchenblumen, à peu près jamais joués d'un seul tenant, au profit d'anthologies, toujours les mêmes. Strauss est peut-être le compositeur de lied qui dispose, en comparaison avec la largeur et la disponibilité de son catalogue, du moins de curiosité chez les interprètes.

Côté recommandations discographiques, deux disques dominent pour nous, au milieu d'un flot de sucreries parfois superficielles ou un rien minaudantes.

=> Pour qui ne parle pas allemand, on peut tout à fait recommander la musicalité sans faille de Kiri Te Kanawa et Georg Solti, dans un superbe complément de programme à leurs Vier Letzte Lieder (de très haute volée, soit dit en passant).

L'allemand est vraiment déformé, l'expression très floue, mais encore une fois, dans la plupart des lieder de Strauss, ces manques sont très secondaires. La musicalité suprême du duo, le piano aiguisé de Solti font merveille. Il vaut mieux aimer les voix très sucrées, et ne pas trop s'irriter du traitement assez moyen de la langue allemande. Mais il s'agit là d'un très beau disque.

Kiri Te Kanawa, soprano lyrique. Georg Solti, piano. Studio Decca.

=> A l'opposé, le disque de Cheryl Studer à Salzbourg, malgré une petite tendance à détoner (la justesse "glisse", parfois), séduit par son incroyable diction (parfaite, claire, éloquente), et la force qui habite chaque mot. Du niveau de sa Salomé avec Sinopoli. Beaucoup plus sobre vocalement, musicalement moins lyrique, mais au coeur des choses.
Cela fait aussi, ajouté au beau piano un peu ampoulé de Gage (surtout si l'on compare à la justesse extrême de Solti), que ce disque est moins séduisant au premier contact. A chacun de choisir, mais les deux procurent des plaisirs différents.

Cheryl Studer, grand lyrique. Irwin Gage, piano. Pris sur le vif à Salzbourg. DG.




3.14.4. Compléments

On peut se reporter à la discussion avec Bajazet autour d'un lied atypique, Frühlingsfeier.

Et, à venir sur CSS, une considération plus précise sur le rapport entre musique et prosodie dans les Quatre Derniers Lieder.

Notes

[1] Prenez l'exemple de Beim Schlafengehen, où la césure entre strophes est si radicale, si propre...


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Commentaires

1. Le dimanche 2 septembre 2007 à , par Anna :: site

Un blog très interessant!!

2. Le dimanche 2 septembre 2007 à , par DavidLeMarrec :: site

Soyez-en remerciée, Anna.

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