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[Carnet d'écoutes n°76] – Trouver les héroïnes mozartiennes, guitare électrique chez Monteverdi, Alcyone, Taddia, Tcherniakov, Kampe, Zanetti, Palumbo, guide d'écoute atonale, Atterberg…


Séries de brèves autour d'écoutes ces derniers temps.

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A. Quelques œuvres et disques

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Kurt ATTERBERG : Älven, Symphonies, Concerto pour cor, Quatuors

Après avoir longtemps considéré qu'en dehors de sa Première Symphonie (que je révère complètement), Atterberg s'était largement limité à un style postromantique allégé agréable, je reviens fortement sur ce sentiment. Il faut dire que sur ces compositeurs dont on parle peu (et Atterberg est loin d'être le plus mal loti), il est difficile de trouver l'aiguillon pour vous encourager à poursuivre lorsque votre avis est mitigé – sans cette (amicale) pression prescriptive des ouvrages et des pairs, il est évident que je serais passé à côté de Bach, de Bruckner, de Ligeti, de plusieurs Wagner… Sur ces personnages moins célébrés, il faut faire soi-même les choix de ce qui mérite d'être réécouté pour réévaluation et de ce qu'on n'a pas le temps de retenter. Je m'étais un peu dit que, justement, les symphonies d'Atterberg n'étaient pas une priorité.

À tort, donc, puisqu'à la réécoute de l'intégralité du corpus, je suis extrêmement séduit. Par la Première toujours, sorte de Dixième de Dvořák (en un peu plus lyrique et un peu moins « facile »), mais aussi par la Deuxième, dans une veine très proche ; par les références foklorisantes de la Quatrième, par les timides modernités de la Sixième, par la grande mise en scène narrative des chants de la Neuvième, par les influences françaises de la Troisième…

Les Quatuors, eux aussi, méritent amplement d'être écoutés régulièrement, d'un romantisme généreux mais sans ostentation, un plaisir de la juste mesure qui sied tellement bien au genre.

Quant au Concerto pour cor, c'est l'un des très rares, peut-être le seul que j'aie entendu, à ne pas chercher l'épate sautillante, et à plutôt montrer ses capacités en termes d'atmosphère et de coloris… Assez belle veine mélodique aussi, ce qui n'est pas là non plus la qualité la plus évidente de la littérature pour l'instrument.

Enfin, Älven, « La Rivière », évident équivalent de la Symphonie Alpestre, à l'argument très détaillé, mais dont le résultat paraît tellement plus poétique, peut-être à cause du sujet et de ses effets de flux miroitant, ses soudains changements de caractère, son évolution organique… En tout cas, là encore, la qualité du lyrisme et, chose moins audible auparavant, la finesse d'une orchestration traditionnelle mais non dépourvue d'effets suggestifs, en font une œuvre vraiment jubilatoire, surtout en suivant les étapes qui nous conduisent vers le large…

… et honnêtement, ces œuvres feraient un tabac en concert.

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Marin MARAIS – Alcyone – Minkowski

Cette tragédie, malgré sa belle musique, est surtout restée célèbre à cause de sa tempête, usant d'effets d'orchestration nouveaux qui ont beaucoup surpris à l'époque, et qui de notre point de vue postérieur ouvrent la voie aux figuralismes ramistes.
Il faut dire que le livret de La Motte, suite complètement décousue de situations-types, n'est qu'un prétexte aux effets de couleur caractéristiques de la tragédie en musique (chœurs d'hyménée, prières dans des temples antiques, songes agréables, scènes d'enchantements infernaux, danses de marins…), et se résume au schéma extrêmement simple d'un mariage interrompu par un amant jaloux servi par un grand prêtre véreux. Tout s'emballe un peu (oracle, dieux, enfers, tempête, enlèvement…), et les obstacles finissent pas se lever à grands coups de deus ex machina. On se situe dans la lignée de Dardanus et de Glaucus & Scylla, dans un genre qui doit beaucoup à La Motte, précisément (Omphale est tout à fait dans le même genre prétexte, où en plus il ne se passe absolument rien – réjouissances à la cour d'Omphale, plutôt un sujet de ballet en fait… et encore…).


En revanche, malgré une distribution que je n'aime pas vraiment (Huttenlocher assez couvert et très sombre et uniforme, pas vraiment en style ; Jennifer Smith déjà très aigre et pas très exacte en déclamation), et où émergent tout de même Ragon dans le meilleur rôle de sa vie et la jeune Gens (qui sonne alors vraiment soprano léger, tout en ayant déjà toutes les qualités de timbre, de souplesse et d'éloquence qui font sa gloire aujourd'hui)… malgré cette distribution donc, je suis fasciné par l'interprétation un peu passée de mode désormais de Minkowski.
Ce n'est pas vraiment nerveux, ça sonne un peu « baroqueux d'il y a longtemps », plus génération Pinnock-Parrott que Fasolis-Spinosi, mais l'artifice du studio est exploité à son meilleur : ces récitatifs accompagnés au théorbe solo (superbes réalisations, ce n'était pas Monteilhet chez les Musiciens du Louvre à l'époque d'ailleurs ?), murmurés par les chanteurs, sur les harmonies mouvantes de Marais, c'est une jubilation qui n'est pas possible en concert – où la nécessité de traverser l'espace conduit nécessairement à l'usage de la viole de gambe et à privilégier la plupart du temps le clavecin, voire à multiplier les instruments du continuo.

C'est réellement une belle qualité, que de nous faire entendre ce qui n'est possible que dans des salles d'un format où, désormais, l'on ne monte plus d'aussi coûteuses productions.

Le disque est complètement épuisé, mais on peut l'écouter gracieusement à basse qualité ici.

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Kronthaler – The Living Loving Maid

L'album vient de sortir. Concept original : du baroque du XVIIe (Monteverdi, Purcell), pour soprano et deux guitares amplifiées. Assez amusant et plaisant, mais on reste un peu au milieu du gué : la chanteuse fait la plupart du temps du vrai lyrique (soprano léger, donc ce n'est pas trop tonitruant, mais l'émission reste de la véritable voix de tête renforcée) et captée d'assez loin, avec un champ naturel, tandis que le signal des guitares est écrêté comme dans les mix discographiques de pop.
Ce n'est pas mal, mais l'écart est un peu bizarre.


Ce ne sont pas non plus de grands réalisateurs de basse continue, ce qui fait qu'on reste dans une approche à la fois traditionnelle (pas vraiment de groove là-dedans, ni de réécritures) et plutôt moins riche et originale que ce qu'y font les spécialistes actuels (qui font paradoxalement bien plus de recherches de textures, de rythmes et de contrechants).

When I Am Laid in Earth est vraiment meilleur, avec son chant plus relâché (la voix est moins soutenue, dans une tessiture beaucoup plus basse, et prend ainsi une jolie couleur voilée plus à propos) et ses (modestes) diminutions instrumentales… il faut dire que la pièce s'y prête très bien, elle aurait tout pour devenir, dûment arrangée, un hit de pop !

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Trouver les véritables héroïnes chez Mozart

En lisant un peu la partition de Così fan tutte, je remarque que Fiordiligi (dont la voix est pourtant plus longue et le centre de gravité plus… central) fait en réalité systématiquement les parties hautes dans les ensembles, par rapport à Despina (qui a pourtant des lignes qui suggèrent plus de liberté dans l'aigu). Je suppose qu'il s'agit de mettre en valeur l'héroïne (ou le chanteuse, je ne peux pas certifier la nature de la logique) dans les ensembles, ce qui n'est pas forcément confortable vocalement mais paraît assez logique. Une façon d'éviter le syndrome Berta (dans le final du premier acte du Barbier de Rossini, la voix qui tient la mélodie est celle du personnage le plus secondaire…).
On retrouve le même procédé dans Die Entführung aus dem Serail, où dans le quatuor de l'acte III « Nichts ist so hässlich als die Rache », Konstanze, qui a certes du suraigu mais aussi plus de poids vocal, chante des lignes à la tierce de Blondchen (alors qu'il doit être plus difficile, pour un grand lyrique avec des graves, voire un « dramatique d'agilité » comme les nomment les nomenclatures italiennes, de chanter sotto voce, comme indiqué, des lignes aussi hautes).


Il est plus difficile de le remarquer dans les Noces (où Susanna a à la fois la tessiture, l'âge et la place dramatique de la jeune première), même si certaines chanteuses illustres ont choisi d'inverser leurs lignes dans les ensembles en fonction de leur aisance personnelle – en particulier dans le trio avant le final de l'acte II (« Susanna, or via sortite »), qui demande plusieurs montées legato vers le contre-ut.
Pour le reste, Mozart apparie très souvent les voix aiguës, quelles que soient leur couleur, leur largeur et leur caractère : Servilia et Vitellia dans les deux finals de la Clémence, le chœur final de Don Giovanni

Mais ce choix dicté par la logique hiérarchique des rôles ou par le drame, plutôt que par le simple caractère pratique de l'aisance vocale et des équilibres choraux, m'a toujours intrigué.

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B. Glottologies (et vidéos)

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Wagner – Parsifal – Tcherniakov, Kampe, Schager, W. Koch, Pape, Staatsoper Berlin, Barenboim

Joué dans l'annexe réduite de la Staatsoper (le Théâtre Schiller ne fait que 990 places, contre 1400 sous les tilleuls), l'occasion pour Tcherniakov de faire du théâtre. On se situe ici davantage dans la micro-direction d'acteurs (comment cela passe-t-il, au fond de la salle ?) et dans la relecture critique, comme son Onéguine (très intense sans s'éloigner forcément des ressorts du livret) qu'aux relectures sauvages de son Don Giovanni ou de son Trouvère (qui ne conservaient que des liens très lâches avec l'original).
La portée « philosophique » change (mais vu ce que vaut Wagner dans ce domaine, ce n'est pas un crime), et la légitimité de la foi est par exemple remise en question, mais le fonctionnement dramatique de l'œuvre reste assez échangée, fondée sur une communauté de pauvres hères qui attend une purification surnaturelle pour revivre, posant toutes les questions de l'enfermement et du rapport entre le groupe et la foi intime. Les chevaliers (devenus des vagabonds) sont peut-être un peu dégradés, mais ils ne sont déjà pas très admirables chez Wagner, et l'antithèse avec l'acte II où se posent toutes les questions de l'existence individuelle dans le monde demeure intacte. Pas vraiment d'audaces visuelles ou conceptuelles qui feraient lever le sourcil, plutôt un travail de théâtre assez bien fait. On peut s'interroger sur la nécessité de faire moche visuellement pour y parvenir, mais là encore, le sujet autour de la décadence l'autorise assez facilement.

J'ai été plutôt intéressé, en fait : un Parsifal un peu plus mobile et narratif qu'à l'accoutumée, sans que Tcherniakov ne parte dans ses délires personnels.

Musicalement, chacun est conforme à sa réputation : Barenboim épais, Wolfgang Koch un peu dur mais très vaillant, Pape un peu gris et pas très profond, mais irréprochable. Andreas Schager, qu'on n'entend jamais en France (je ne crois pas qu'il ait jamais fait autre chose que l'Apollon de Daphne en 2014) est assez idéal : voix claire mais ferme, jamais forcée, expression soignée mais simple, et acteur investi, alors même que le rôle s'y prête peu et que la mise en scène ne lui fait pas exactement camper les héros intrépides.



Mais la grande sensation, qui justifie vraiment le visionnage, c'est Anja Kampe, qui consume totalement le plancher, rien qu'en restant plantée sur scène – ce qui, considérant la structure du rôle de Kundry, s'avère fort utile. Et alors, vocalement, on se situe sur les plus hauts sommets : souple comme un soprano, mais bas-médium plein comme un mezzo, tout en sonnant avec clarté, et éloquente avec ça.
La voix, ronde et plutôt en arrière, semble très présente, et peut solliciter un squillo soudain (éclat trompettant) très impressionnant dans l'aigu. Et ses grimaces espiègles sont à fondre…
J'ai testé à l'audio seul, le verbe manque peut-être de précision, mais cela reste magnifique… et avec le visuel, à peu près hors de pair.

Comme on peut toujours le voir sur CultureBox, condisciples wagnéropathes, ne vous faites pas prier.

La minute glottophile de Carnets sur sol vous a été présentée avec le soutien de la Caisse des Héros et Orthophonations.


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Iphigénie en Tauride : Bruno Taddia

Diffusé en février sur Arte Concert, mais plus tard que prévu m'a-t-il semblé. Antonacci promettait beaucoup, mais le rôle la place (étrangement, alors qu'il n'est pas tendu) plutôt dans ses soirées totalement floues (comme ses Nuits d'été, par exemple), où le texte n'est absolument plus articulé… si bien que la différence avec une autre se fait plutôt avec le timbre, qui n'est ni le plus séduisant, ni le plus juvénile du marché. Davislim est certes un excellent Pylade, mais la millième mise en scène à poupées (Hemleb), l'orchestre un peu mou (la Suisse Romande, mais pourtant Haenchen a beaucoup travaillé le répertoire classique, et de façon pas imperméable à la musicologie – peut-être même le répertoire qu'il a le plus enregistré) ne font pas de la soirée une référence absolue.

En revanche, j'ai été fasciné par l'Oreste de Bruno Taddia, d'une rondeur et d'une souplesse exceptionnelles ; en réalité, il chante en permanence en voix mixte, ce qui est très rare pour un baryton. Et j'ai été très surpris de constater que malgré l'homogénéité soyeuse de la voix, le larynx est extrêmement mobile, et peut remonter très haut dans les aigus en nuance piano. Fascinant, et superbe incarnation, très différente des héros combattifs habituels.

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Diriger Verdi

Verdi est rarement un compositeur où les chefs ont l'occasion de briller (encore que…), mais à Liège, où le répertoire italien est une spécialité, et où l'orchestre est d'excellent niveau, plusieurs productions attestent, coup sur coup, de la possibilité de fasciner absolument de ce côté-là : la Luisa Miller dirigée par Massimo Zanetti (avec Ciofi, Kunde, N. Alaimo, Szabó, Montanaro et l'époustouflante Cristina Melis) et le Rigoletto dirigé par Renato Palumbo (avec Rancatore, Terranova, Nucci et Montanaro) en attestent en se distinguant par la nervosité de leur trait, la palpitation constante des petites détails d'écriture, menant un drame haletant et non sans grâce. Du Verdi raffiné, si, si.

Les deux productions, au demeurant parmi les mieux chantées qu'on puisse trouver, sont toujours disponibles sur CultureBox.

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C. Trouvailles éparses

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Encore une dette de Wagner…

… envers Meyerbeer. En réécoutant les Huguenots, je trouve l'introduction aux bois avant la prière des femmes dans la chapelle, au début de l'acte III, d'une parenté impressionnante avec le début du même acte dans Tannhäuser, en prélude aux rêveries de Wolfram et… à la prière d'Élisabeth. Aussi bien l'orchestration (pourtant très atypique) que l'harmonie ont beaucoup en commun.

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Schönberg, Op.11

Une présentation vidéo remarquablement faite de l'agencement et de l'évolution des motifs. Le résultat reste assez moche, mais le métier et la hauteur de vues nécessaires pour l'écrire fascine forcément. Et on y prend beaucoup plus de plaisir après : le meilleur parti possible a été pris de l'outil vidéo.

[Ce n'est pas à proprement parler de l'atonalité à cette date, mais les repères commencent déjà, à force de chromatisme, à se brouiller très sérieusement.]

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CIMCL 2015

Je l'avais introduit ici, comme chaque année. J'en reparlerai sans doute lorsque je les aurai visionnées, mais les vidéos des épreuves demi-finales et finales ont paru, si vous êtes intéressés :
https://www.youtube.com/watch?v=YYcTMCX16a4 ;
https://www.youtube.com/watch?v=BtVW9Ojqv3Q#t=384.

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The Opera Platform

Ce site, fédérant plusieurs grandes maisons européennes, s'ajoute à ceux déjà existants pour la diffusion de vidéos actuelles. Il vient de diffuser son premier spectacle ce soir : Traviata au Liceu, avec des titulaires amplement documentés, mais promet dans l'avenir (Krol Roger, une création lettonne, le Crépuscule à Vienne…) d'assez belles choses, pour le moins intriguantes.

http://www.theoperaplatform.eu/

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À suivre.


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Commentaires

1. Le samedi 9 mai 2015 à , par Xavier

Euh... l'opus 11 de Schoenberg, si ce n'est pas atonal, je veux bien que tu me dises en quelle tonalité on est... à la mesure que tu veux!

2. Le samedi 9 mai 2015 à , par David Le Marrec

J'aurais dû faire confiance à mes oreilles alors. :)

J'étais simplement prudent, vu la date il me semblait qu'il était encore dans une subversion interne au système, qui précède la véritable période d'atonalité libre. Mais c'est vrai qu'on est après le Deuxième Quatuor de toute façon…

En ce qui me concerne, j'entends quelque chose de totalement atonal en effet, et je suis bien content d'avoir les motifs pour suivre ce qui se passe.

3. Le samedi 9 mai 2015 à , par David Le Marrec

Ah oui, et je suis flatté que tu aies cliqué sur un lien sous la mention « diriger Verdi ». J'apprécie que tu préjuges à quel point je puis être passionnant. :)

4. Le samedi 9 mai 2015 à , par lu

mais c’est très beau l’opus 11.

5. Le samedi 9 mai 2015 à , par David Le Marrec

Mais toi tu trouves Lully, Mozart, Mendelssohn et Ravel moches. :)

Et pour moi, il y a peu de Schönberg que je pourrais dire très beau : même dans ses périodes tonales tradi, je le trouve ou lisse (Verklärte, Pelléas…) ou surchargé (premiers lieder). Je ne suis pas un inconditionnel, mais dans les œuvres que j'aime beaucoup (Hängenden Gärten, Pierrot, Von Heute auf Morgen, Concerto pour piano…) je ne suis pas persuadé que je les décrirais par leur beauté. Les Symphonies de chambre, oui, le Deuxième Quatuor (même si le nœud se situe ailleurs, à mon sens), pourquoi pas, et on pourrait pousser (à cause de l'orchestration principalement) jusqu'à l'opus 16, mais l'opus 11, non, certainement pas pour moi.

(Ça se situe même assez exactement dans les frottements ouvertement moches, comme pour Erwartung, sans la stylisation imposée par les séries.)

6. Le samedi 9 mai 2015 à , par lu

ah mais non : j’aime assez Lully, Mozart m’ennuie un peu mais je n’irai jamais dire que c’est moche, j’aime beaucoup certains Mendelssohn (donc oui, c’est beau), je trouve souvent Ravel fade ou gentiment chatoyant (et je n’aime pas ça) mais pareil il ne me viendra pas à l’idée de dire que c’est moche.

mais l’opus 11 de Schönberg, si, et ce n’est pas une façon de dire que j’aime, il s’agit bien de beauté.
(je serais moins catégorique sur les pièces pour piano ultérieures.)

7. Le samedi 9 mai 2015 à , par lu

enfin si, les concertos de Ravel, c’est peut-être quand même un peu moche, au moins par moments.

8. Le samedi 9 mai 2015 à , par lu

(quand je dis c’est moche, je veux dire je trouve ça moche, évidemment ; pareil pour c’est beau.)

9. Le samedi 9 mai 2015 à , par David Le Marrec

Oui, je taquinais. (Curieux des Lully et Mendelssohn que tu aimes, je ne crois pas t'en avoir vu parler…)

Si on est autorisé à parler en toute subjectivité, c'est plus simple (en particulier pour un sujet aussi versatile et insaisissable que la beauté)… et sans plus ample argumentation, je déclare l'opus 11 bien moche.

(Je suppose que tu es au contraire sensible à sa rugosité, un peu comme un minéral dentelé ?)

10. Le dimanche 10 mai 2015 à , par lu

bah, je ne trouve pas ça si rugueux que ça... c’est une beauté contemplative et sinistre (la deuxième pièce, en particulier)... je pourrais écouter ça de la même façon que les pièces tardives de Liszt par exemple.
je trouve ça proche de Decaux et de Roslavets, en fait, pour te donner une idée.

11. Le dimanche 10 mai 2015 à , par David Le Marrec

Même logique « libre » que les deux premiers Clairs de lune de Decaux ou que Roslavets, c'est possible, mais l'effet est très différent : en réalité, je trouve qu'on est tout à fait dans la continuité de ses premiers lieder, déployant des couleurs déjà assez terrifiantes, voire désespérantes.

Et je trouve ça beaucoup plus mobile et architecturé que les derniers Liszt, effectivement contemplatifs, mais nus et finalement assez apaisés, tout le contraire de ce sourd bouillonnement.

(Mais je vois ce que tu veux dire.)

12. Le dimanche 10 mai 2015 à , par antoine

David, vous pourriez faire avec Casella la même chose qu'avec Atterberg, apprécié par mes oreilles depuis un bail...

13. Le dimanche 10 mai 2015 à , par Xavier

Par rapport à Decaux ou Roslavets, il manque quand même l'harmonie... (idem par rapport aux premiers lieder de Schoenberg dont tu parles)
Pour moi, ça n'est pas un détail.

14. Le dimanche 10 mai 2015 à , par lu

eh oui, c’est toujours pareil, “il manque l’harmonie”.

15. Le lundi 11 mai 2015 à , par Jeremie

Je trouve que ceci était bien plus réussi dans le même genre:
http://www.dailymotion.com/video/x994rp_iko-emilie-simon-remember-me_music

Effectivement parce qu'ils n'ont apparemment aucune idée comment réaliser un continuo, et que les harmonies sont (volontairement?) pas juste.

En parlant de Verdi et Monteverdi, j'ai appris quelque chose d'amusant il y a quelques jours (ce à quoi je fais référence commence en bas de page 124):

https://goo.gl/2zoBCp

Le savais-tu ? :)

16. Le lundi 11 mai 2015 à , par David Le Marrec

Bonjour à vous !

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@ Antoine : Mais ça fait longtemps que j'aime les symphonies de Casella, je n'ai pas besoin de faire amende honorable. :) Après, dans mes dernières découvertes (Notte di maggio, et puis j'ai des pastiches en attente), je n'ai pas été fondamentalement touché, même si ça reste de la musique de haute tenue.
Le pauvre a souffert de ce que je l'ai découvert dans ses œuvres néo (notamment La Favola d'Orfeo et ses couleurs consensuelles et un peu blanchâtres, peu ou prou ce que serait du Monteverdi joué par Marriner… oui, vous tremblez, je le vois) .

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@ Xavier :
Il y a vraiment de l'harmonie fonctionnelle dans la deuxième pièce de Decaux ou dans les Préludes de Roslavets ? Peut-être, parce que je perçois une logique et je trouve ça très beau, mais je ne la ressens certainement pas comme plus limpide que dans l'opus 11 (au contraire, peut-être).

Les premiers lieder de Schönberg, oui, sont plus lisibles, je parlais de leur couleur très sombre, un peu l'ambiance déréliction des âmes des suppliciés de la géhenne, le folklore en moins. Pour moi, l'univers de ces œuvres décrit vraiment une continuité qui va de ces lieder jusqu'à Erwartung (voire aux Variations pour orchestre) en passant par cet opus 11 ; j'y entends, chacune dans leur langage assez fondamentalement différent, sensiblement les mêmes émotions.

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@ Jérémie :

Oui, dans ce genre, ta version Émilie Simon a pour elle s'assumer sa couleur fantaisiste – j'aurais aimé un accompagnement plus exotique (même si le consort de violes avec voix est déjà bizarre en soi), tant qu'à faire, avec guitare basse ou contrebasse, synthé et batterie, mais ça sonne avec plus d'évidence. Chez Kronthaler, j'ai un peu l'impression qu'ils essaient de s'encanailler sans trop trouver comment faire. (Mais j'aime bien quand même – simplement à côté des fantaisies virtuoses des spécialistes, ça paraît tellement rétro, comme façon de jouer ce répertoire).

J'avais conscience de l'admiration de Verdi pour Palestrina et de maîtres anciens, mais je découvre qu'il avait étudié des maîtres pourtant plus du tout joués, me semble-t-il, à l'époque – et pas ceux auxquels on s'attendrait… Marenzio, Cavalli, Lotti, Leo ! Allegri, Carissimi ou Piccinni me semblent plus logiques (en termes de réputation ou de tempérament, le lien est plus facile à établir.)

Son jugement sur Monteverdi n'est pas si étonnant : d'un point de vue lyrique, il est sûr qu'il peut paraît court dans certains moments, comparé au contrepoint virtuose de ses prédécesseurs (Agostini, Marenzio) ou à l'élan mélodique d'autres compositeurs un peu postérieurs comme Carissimi. Mais effectivement, reprocher à Monteverdi sa conduite mélodique (alors qu'il y a quand même de sacrés moments, ce n'est pas une carence mais l'adaptation à une esthétique qui vaut tout aussi bien pour ses contemporains…) et exalter dans le même temps Cavalli, c'est étonnant – il n'y a quand même pas beaucoup d'épanchements équivalents aux stances d'Orphée, à l'entrée de Télémaque ou au final de Poppée (sans parler d'Arianna ou de Zefiro torna !) chez Cavalli.

Très intéressant, merci !

17. Le lundi 11 mai 2015 à , par Ugolino le profond

Kronthaler a le mérite de confirmer qu'une partie du public du baroque ne souhaite au fond entendre que de la pop et se donne un vernis culturo-intellectuel en écoutant des machins vieux de 400 ans.

18. Le lundi 11 mai 2015 à , par Xavier

David: harmonie fonctionnelle, non, mais de l'harmonie quand même, des couleurs harmoniques reconnaissables oui, beaucoup plus que dans ce Schoenberg.

19. Le lundi 11 mai 2015 à , par David Le Marrec

@ Xavier :
Ah, ça me rassure. C'est peut-être ce qui me plaît là-dedans, d'ailleurs – si bien qu'en regardant la partition des Préludes de Roslavets, je suis toujours décontenancé par la gratuité de ce que je lis, et absolument séduit par la beauté de ce que j'entends. :)
(Je devrais décidément faire davantage confiance à mon oreille !)

@ Ugolino :
Le problème de Kronthaler est de ne faire ni du bon baroque, ni de la pop enthousiasmante. Mais oui, les convergences entre les deux esthétiques sont de toute façon structurellement grandes : goût des formes fixes, des diminutions, d'une forme de geste déclamatoire codifié… En tout cas un certain versant de pop qui met en valeur une forme d'exaltation de la voix, pas forcément la musique d'ambiance.
Ce n'est pas un troll, tout velu qu'il soit, tellement subversif. :)

20. Le lundi 11 mai 2015 à , par lu

parce qu’il n’y a pas de couleurs harmoniques dans ces jolis nocturnes que sont les trois pièces de Schönberg ?

21. Le mardi 12 mai 2015 à , par antoine

David, tant mieux si vous aimez les symphonies de Casella mais cela ne se voit pas beaucoup...et si vous cherchez la petite bête...

22. Le jeudi 14 mai 2015 à , par David Le Marrec

Considérant les milliers de compositeurs à écouter (et les autres milliers à découvrir), je ne peux pas parler de tous… donc je parle en priorité de ceux qui m'intéressent le plus. Ça ne veut pas dire que je n'aime pas Casella (au contraire d'ailleurs), mais je prendrai, avant lui, le temps de parler des symphonies d'Alfano, par exemple. (Pour la musique de chambre, et dans une moindre mesure pour l'opéra, c'est déjà fait.)

On ne peut pas mettre sur mes frêles épaules la responsabilité de parler de tout ce qui se fait de bien ! (J'en suis flatté, et j'aimerais, mais…)

23. Le lundi 18 mai 2015 à , par antoine

Mon cher David, ne prenez pas mal mes observations puisqu'elles soulignent tout simplement la pertinence de vos analyses, sinon on s'en passerait...Pour le reste, je n'ai pas l'impression que les symphonies d'Alfano soient davantage dignes d'intérêt que celles de Casella.

24. Le mercredi 20 mai 2015 à , par David Le Marrec

Dignes d'intérêt dans les deux cas, c'est sûr. C'est surtout que celles d'Alfano me font plus grande impression, peut-être à cause de la source de leurs influences et de leur coloration très différente.

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