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Pile ou face

Quoi de plus réjouissant que ces domaines où les spécialistes peuvent se contredire aussi profondément que possible ? Ils confondent la rationnalité du candide, et lui laissent la place au rêve, voire au jugement à l'emporte-pièce, sans risquer de se tromper plus largement que tel ou tel professionnel renommé.

On peut donc battre les cartes et jouer à la bataille sans le moindre risque.

Les temps récents en sont particulièrement farcis.


  • L'arsenal nucléaire du Pakistan. La chaîne du commandement est sûre, les militaires ont en horreur les islamistes. A ceci près que l'un des plus hauts responsables depuis des années a été découvert comme vendant les secrets à toutes les puissances offrantes des environs.
  • L'élection américaine. Même les comptes sont incertains. Alors les chances de l'un ou l'autre, et les interprétations de qui parle à quel électorat.. Avec des chiffres largement interprétables qui circulent, comme la proposition d'hommes blancs votant pour Obama - on peut trouver que c'est beaucoup pour un 'noir', ou déséquilibré pour un candidat (puisqu'il s'agit d'un électorat démocrate, donc a priori moins clivé sur les questions 'raciales').
  • Réception des Républicains par ici.
    • Adhésion de principe aux Démocrates, correspondant en effet à la droite française. Adhésion de principe aussi au vent frais Obama, alors que sa posture très théorique du rassemblement sans programme (ni même méthode) a quelque chose d'un peu terrifiant. Voix splendide et envoûtante, cela dit - on suivra ses discours par plaisir.
    • Huckabee est-il en fin de compte pour ou contre l'intervention irakienne ? On lit les deux. Etrange présentation en épouvantail en Europe à cause de son christianisme militant (ancien télé-évangéliste, ce qui lui permit en 1992 de se lancer en politique) et de son conservatisme moral. Pourtant, le créationnisme ne fait pas courir les mêmes risques que les velléités belliqueuses du sympathique indépendant McCain. On note d'ailleurs une inflexion des réflexes critiques vis-à-vis de l'Irak depuis que McCain, plutôt apprécié des Européens semble-t-il, laisse entendre qu'on n'est pas sorti de l'auberge, voire qu'on pourrait en étendre les dépendances. Quant à Mitt Romney, il terrifie de ce côté-ci de l'Atlantique par sa religion. Malgré leur démesure doctrinaire (avec les cérémonies funèbres pour sauver des défunts du monde entier) et leur culte douteux du chef (« le Président-Prophète »), les Saints des Derniers Jours n'ont pas le caractère intéressé et nuisible de la Scientologie. Il s'agissait pourtant d'un candidat plus sérieux économiquement et plus modéré, malgré son discours de circonstance - par exemple sur le ridicule doublement de la taille de Guantanamo (souci de confort honorable cela dit).
    • Ainsi, des soutiens de principe qui tiennent du réflexe ethnocentré, et pas forcément pertinents pour nos intérêts propres. Dieu merci, les Européens ne votent pas, et on ne pourra imputer le résultat catastrophique qui se prépare pour l'Amérique et les autres qu'aux votants tout là-bas.
  • L'Irak. Catastrophe, la seule solution est d'en partir. Ou bien le départ serait encore pire, tout s'effondrerait, vers un nouvel Afghanistan. Ou bien la nouvelle doctrine en cours est plutôt efficace.
  • La Société Générale. Impossible de laisser passer de telles sommes. Mais encore plus invraisemblable de jouer à cela sciemment (les engagements d'achat à terme dépassaient les fonds propres de la banque !). A-t-on bien fait de liquider tous ces placements instables si hâtivement, selon la tradition banquaire, au point d'ébranler un peu plus la bourse ? Ou y avait-il délit d'initié dans les jours précédents, et nullement une affectation si majeure qu'on l'a dit par les subprimes ? N'aurait-il pas fallu prendre l'improbable risque d'une fuite vers les concurrents qui en cas de non liquidation (au plus mauvais moment) de tous ces titres, auraient pu acculer la société à la faillite ?
  • Le Tchad.
    • La France a semble-t-il hésité à protéger Déby. Pour s'épargner les reproches des observateurs, c'est entendu. Et peut-être pas particulièrement attachée à un allié pas spécialement propice à son image - ou trépignait-on au contraire de pouvoir enfin protéger qui tient la région contre des rebelles Khartoum-like ?
    • La récente proposition de grâce. Déby mange-t-il son chapeau ? Si oui, est-ce par nécessité de renvoi d'ascenseur devant les prochaines difficultés qui s'annoncent ? Dans ce cas, étrange que la diplomatie française ait insisté, puisque l'opinion française a totalement abandonné les malheureux inconscients sous le feu nourri des critiques et les préoccupations plus concrètes de niveau de vie. Ou bien y est-il contraint pour racheter l'image des soldats français qu'il a contribué à désigner comme des mercenaires auprès de sa propre population, et sur lesquels il se repose en partie aujourd'hui ? Si non, est-ce une perfidie pour obliger ce gouvernement - qui a balancé à le défendre - à s'humilier en lui adressant la demande de grâce, alors que juridiquement, l'avis du gouvernement français n'a aucune valeur (et que les demandes des condamnés lui sont déjà parvenues) ?


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Sinon, en période de vaches maigres, on peut toujours se rassurer avec la chronique quotidienne d'Alexandre Adler. Toujours passionnant sur l'explicitation de rouages secrets, cherchant toujours la perspective optimiste. Et toujours totalement faux au bout du compte.

Ou en se remémorant la formidable saillie d'Henry Laurens, professeur au Collège de France (histoire contemporaine du monde arabe) :

Non, le Hezbollah n'a aucun lien avec l'Iran.

Moment de bravoure qui détend encore les zygomatiques des heureux auditeurs de ce matin d'été 2006.

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Et d'une façon plus générale, lorsqu'on pense aux approximations dans la presse sur nombre de sujets (aussi bien pour Elektra sans entracte que, plus fâcheux, pour les comptes-rendus juridiques, farcis d'impropriétés et de contresens divers), on imagine bien qu'on a tout le loisir de se tromper pour ces questions plus vastes, où même les spécialistes détiennent des données erronées.

En somme, le Café du Commerce dispose d'alibis bétonnés, un vrai glacis.

Et notre interrogation sur la nature du réel nous occupe plus que jamais.

Pour mémoire :



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Commentaires

1. Le vendredi 8 février 2008 à , par sk†ns

« La pensée du suicide est une consolation puissante, elle aide à passer plus d’une mauvaise nuit. » (Nietzsche, «Par delà bien et mal», IV, §157)

Laurens dit des âneries, Adler aussi, Kepel s'est trompé, Huntington dit faux, Védrine a toujours raison, Fukuyama n'a pas fini d'en finir, Sloterdijk met tout le monde d'accord… Laisse tomber tout ça, achète un abris à Zoug et plonge toi dans les moralistes (Cioran, au hasard, qui se shootait à Bach).

Sinon, j'ai découvert Bellerofonte Castaldi, un genre de proto-Francis Lalanne : sublime.

2. Le vendredi 8 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Oh non, pas les moralistes, ils sont moins drôles. Surtout s'ils écoutent du Bach - pas assez décadent, tout ça. Mais Bellerofonte est un joli prénom qui nous rappelle opportunément à l'un de nos sujets habituels, à savoir la seule tragédie lyrique de Lully non encore ressuscitée - on pourrait aussi se lancer sur Scarlatti ou Mysliveček.

3. Le vendredi 8 février 2008 à , par sk†ns

« Être, c'est être coincé. » (Cioran, «Écartèlement»).

4. Le vendredi 8 février 2008 à , par sk†ns

En parlant de Laurens, je vois ça à l'instant, c'est Guillemette qui chante sur le Castaldi (disques α) (et Rose Laurens, tu la mettrais quoi, baryton ?) (allez, j'arrête et je vais me coucher).

5. Le samedi 9 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Ah oui, effectivement, la parution Alpha faisait partie des disques que je voulais me procurer. D'un très beau dépouillement (et quels chatoiements !), un écrin idéal pour Dame Guillemette. J'en dirai donc peut-être plus bientôt.


« Être, c'est être coincé. » (Cioran, «Écartèlement»).

C'est bien le problème, à force de nous tirer dans tous les sens, voilà ce que laissent de nous les moralistes.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !

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David Le Marrec

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