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L'impact du public


Un des aspects qui rend l'émotion au concert si imprévisible, si fuyante aussi, réside (presque autant que dans l'acoustique) dans le public, et la façon dont chaque spectateur perçoit le comportement des autres. Sauf à appartenir à une chapelle précise, c'est-à-dire aux extrêmes (consommateur désinvolte et bruyant, ou à l'inverse religieux contemplatif, véhicule trappiste), il est parfois difficile de trouver la juste mesure.

L'essentiel de la différence ne tient pas tant au degré d'attention du public, en réalité, qu'aux attentes de chacun et à la tolérance réciproque. Dans les concerts très grands public (musique de film, récitals de plein air...), personne n'attend un silence parfait et une immobilité impeccable de son voisin. On ne joue pas forcément avec les ballons comme dans les spectacles d'André Rieu, mais on est mobile, on peut applaudir pendant les morceaux, etc.
On retrouve cela dans ce qu'il reste du milieu de l'opérette (ou au Met de New York, avec la vieille tradition désormais plutôt désuète d'applaudir les décors). Et bien sûr, au carré, au concert de clôture des Proms londoniennes, où le public est même invité à gesticuler, battre la mesure, chanter... (chose qui serait impossible en France, vu l'incapacité spectaculaire des publics, même initiés, à battre un rythme ou chanter juste)

J'ai beau ne pas aimer l'interruption de ma musique par des spectateurs pressés qui manifestent leur glottophilie purulente avec un relatif mépris pour la musique-musicale, je me sens tout de même plus à l'aise dans ces circonstances qu'avec les publics qui prennent un peu trop au sérieux la situation, comme dans ces soirées qui sont à la fois des répertoires de niche (donc peuplées de passionnés) et des événements médiatiques (donc considérées avec une nuance de sacralité. La qualité d'écoute de la reprise de l'Atys de Christie-Villégier était exceptionnelle, mais le regard noir au moindre mouvement de tête ou geste potentiellement suspect était quasiment oppressant. D'habitude, il est exceptionnellement embarrassant de faire sonner son portable ; là, le chef et le public ont tout de bon fait sortir le négligent, ce que j'ai trouvé d'une psychorigidité assez significative (c'est bon, ça surprend quelques secondes, et puis on reprend son écoute, ce n'est pas non plus la fin du monde).
Tout récemment, similairement, se tenait au Centquatre un concert de geeks (une trentaine de passionnés, dont pas mal de pros) qui contenait une transcription inédite de Roussel, un septuor de Roslavets, des mélodies d'Honegger et des lieder parmi les plus rares et les plus modernes de Szymanowski. Du fait de l'acoustique formidable, de l'exiguïté du lieu, du petit nombre de gens présents, de l'intensité de leur concentration (pour ne pas dire de leur fascination), de la captation par Radio-France, avoir un rhume - même en éternuant et toussant dans un parfait silence, bravant l'AVC - tenait du calvaire, tant le moindre son allait trahir la confiance des autres membres de la secte.

Encore différent, et que j'ai moins eu l'occasion de fréquenter, le public de gala. On peut l'observer pour pas cher aux Invalides, dans de beaux programmes. On y voit passer des dames dûment munies de leurs rivières authentiques, et arborant des boucles auriculaires chargées de pierres grosses comme des pièces de 2€€ ; et on y entend des commentaires ingénus assez drôles sur la bizarrerie de chanter en allemand, qui n'est quand même pas une belle langue faite pour chanter, d'ailleurs est-ce qu'il existe des opéras en allemand, hein. Voire l'un ou l'autre spectateur, respectable notable portant fièrement sa cinquième ou sixième décennie, improviser à l'entracte une glossolalie supposément germanique pour amuser ces dames. En somme, pas un public d'habitués - ou alors, pour partie, habitué des cérémonies. La qualité d'écoute était au demeurant fort bonne ce soir-là, et l'accueil du public, habitué ou non, très favorable (Schwanengesang, Dichterliebe et Intermezzo de Ropartz par Soules & Raës).

Personnellement, j'aime beaucoup les publics recueillis mais décontractés, qu'on trouve en général pour le lied et le quatuor à cordes, silencieux, généralement très informés, mais pas forcément coercitifs. Et cela participe pour beaucoup de la magie de ce type de concert, il s'établit généralement une sorte de fraternité implicite par delà les âges et les opinions, que je n'ai pas retrouvé - même pour les opéras et concerts symphoniques les plus interlopes.


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David Le Marrec

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