Péché et mystification
Par DavidLeMarrec, mercredi 26 juin 2013 à :: En passant - brèves et jeux :: #2273 :: rss
Il s'avère que France Musique se permet des retouches, manifestement sans en informer les auditeurs :
En cas de disparition de la vidéo : la note finale de Samson, craquée par Heppner, a été bricolée pour la radiodiffusion en prenant le dernier syntagme d'une version avec Domingo - vu l'état de la voix, je pencherais vers le début des années 90.
Je ne suis pas l'auteur de la vidéo et je n'ai pas écouté l'émission originale (donc je ne peux pas attester de l'information fournie), en revanche en écoutant, si les aigus des deux chanteurs sont proches, on entend précisément dans la note médium qui précède l'aigu (dans ce lieu) la couverture, la couleur et l'accent de Domingo - de même pour le port de voix, très legato et étiré, pas du tout dans le style de Heppner, où les notes sont beaucoup plus individualisées.
Autant le réenregistrement de la note n'avait rien de honteux (on entend clairement que c'est une petite présence parasite sur les cordes qui le fait trébucher), autant la réparation avec le travail de quelqu'un d'autre est davantage sujet à caution.
Se pose ensuite la question plus complexe de la nécessité, pour un enregistrement, de refléter la réalité. Les lyricomanes (pour ne pas dire les glottophiles) sont très sensibles à cette question, et il est vrai qu'une voix peut se révéler très différemment en salle - dans certains cas, on se rend compte que leur célébrité est essentiellement due aux retransmissions, parce que la plus-value en salle n'est pas si énorme (Fleming, Naouri et dans une certaine mesure Alagna en sont) ; dans d'autres, on mesure la raison de leur bonne fortune auprès du public, avec un magnétisme vocal rendu imparfaitement par les micros (Domingo, Isokoski, Soffel, D'Intino, Testé, Selig...).
J'ai tendance à considérer que le résultat prime : si le disque est bon, ma foi, il peut bien être artificiel avec des petits formats qui mangent le micro et une sono ultra-réverbérée, je n'ai pas d'objection. La radiodiffusion est déjà plus délicate, puisqu'il s'agit de rendre compte de représentations réelles, et qu'on peut le prendre comme un divertissement mais aussi comme un document. J'accorde aussi l'amélioration par la prise de son (même si rien ne vaut une bonne prise de son réaliste en simple stéréo sur les genoux, qui rende l'impact réel des choses sans mixage équilibré et tiède) ; mais l'information du public ne devrait pas être facultative.
Bref : je n'aime pas particulièrement le Tristan de studio de Carlos Kleiber (et encore moins ses lectures orchestrales à Bayreuth et Vienne ; au contraire sa version de la Scala présente des climats impressionnants), ni l'Isolde de Margaret Price, mais je n'y vois pas d'objection éthique. On pourrait même profiter du studio pour faire quelques autres expérimentations un peu plus audacieuses - un peu comme les parutions de Bocelli en Manrico / Don José / Werther, mais en faisant des choix plus intéressants.
On pourrait comparer ça à la tendance massive du cinéma à chercher le mimétisme, alors que par rapport au théâtre les possibilités d'abstraction sont immenses.
Mais sinon, j'aime bien France Musique (quand les producteurs ne sont pas trop paresseux sur les notices)à et les glottophiles (ceux qui ne mordent pas).
Commentaires
1. Le jeudi 27 juin 2013 à , par Pierre
2. Le samedi 29 juin 2013 à , par David Le Marrec
Ajouter un commentaire