Les plus beaux récitatifs - I - Récit d'Aronte (Armide de Lully)
Par DavidLeMarrec, jeudi 30 juin 2011 à :: Genres - Lutin Chamber Orchestra - Baroque français et tragédie lyrique - Les plus beaux récitatifs :: #1764 :: rss
Liste indicative. Extrait sonore. Commentaire.
(Pour une introduction à l'histoire du récitatif, voir là au préalable.)
--
Ce n'est nullement une rareté, juste l'un des extraits du répertoire qui sont les plus chers aux farfadets qui peuplent allègrement les notules de CSS. Essentiellement des récitatifs, parmi lesquels, en particulier (pour entendre un extrait, cliquez sur le lien) :
- "Ô Ciel ! ô disgrâce cruelle !" dans Armide de Lully ;
- "Ma fille, aux Immortels quels voeux venez-vous faire ?" dans Callirhoé de Destouches ;
- "Jeune chasseur, n'avez-vous pas vu mes compagnes ?" dans Céphale & Procris de Grétry ;
- "Don Ottavio, son morta !" du Don Giovanni de Mozart ;
- "Que vois-je ? - C'est Alphonse !" dans Zampa d'Hérold ;
- "Meinst du ? Ha ! versuch' es nur !" dans Der Vampyr de Marschner ;
- "Mais quelle étrange figure" dans Les Huguenots de Meyerbeer ;
- "À la voûte azurée" de la Damnation de Faust de Berlioz ;
- "Ah taci - il vento ai tiranni" dans Simone Boccanegra de Verdi ;
- "Des présents de Gunther" dans Sigurd de Reyer ;
- "Tunge Tanker trykker Nordmaends Sind" dans Thora på Rimol de Hjalmar Borgstrøm ;
- "Je ne pourrai plus sortir de cette forêt" dans Pelléas & Mélisande de Debussy ;
- "Ja, aber Mensch, vergißt du denn ganz" dans Die Gezeichneten de Schreker ;
- "Ihm helfen - o mein Gott !" dans l'Arabella de R. Strauss.
Particulièrement remarquables, mais parmi pas mal d'autres aussi. Comme les lutins ont eu l'impression récurrente que ce goût pour le récitatif (la forme la plus aboutie de fusion texte / musique) n'était pas vraiment partagé par une majorité du mélomane, plus réceptifs aux airs, où la mélodie prime, on se propose une petite séance promotionnelle.
... D'où l'idée de mettre en oeuvre une petite série sur les récitatifs particulièrement enivrants du répertoire.
Récit d'Aronte
Celui-ci est particulièrement court, il tient en une minute. C'est aussi la seule intervention du personnage, qui n'est nommé qu'en lisant la pièce.
A l'acte I, les réjouissances du triomphe d'Armide sont interrompues par l'arrivée d'Aronte, qui rapporte la délivrance des prisonniers par Renaud, sans le nommer.
Il est emmené hors scène, pour mourir probablement. Le procédé du blessé avait été utilisé dès Thésée (troisième opéra de Lully / Quinault) de façon encore plus cruelle, avec un suppliant qui expire dans le Temple en quittant la bataille d'Athènes ("Sauve un malheureux qui te prie").
La force dramatique de ce moment est considérable par seule sa situation : elle renverse toute la couleur de l'acte, rendant sans objet la joie qui s'y exprimait.
Mais c'est surtout le chef-d'oeuvre le plus poussé qu'on puisse rêver en termes d'exploitation musicale des consonances du vers classique.
Voyez comme les voyelles expressives (celles qui portent le sens des mots) sont mises en valeur par la ligne vocale.
Notez aussi les très légères tensions harmoniques (appoggiatures uniquement [1]) et de jolies couleurs en mode mineur.
Il n'y a guère d'autres exemples (peut-être les Destouches et Berlioz ci-dessus) qui aient porté aussi loin la puissance de faire dire autant à un texte en se coulant exactement dans sa musicalité propre.
Dans la nudité pour piano de cet arrangement de la fin du XIXe siècle (plutôt réussi, même s'il faudrait enjoliver ici les accords de quelques transitions agréables, ce que j'ai fait depuis), on entend particulièrement nettement, il me semble, ces caractéristiques.
En gras, les voyelles "remplies" par la phrase musicale.
ARONTE
Ô Ciel ! ô disgrâce cruelle !
Je conduisais vos captifs avec soin -
J'ai tout tenté pour vous marquer mon zèle,
Mon sang qui coule en est témoin.ARMIDE
Mais où sont mes captifs ?ARONTE
Un guerrier indomptable
Les a délivrés tous.ARMIDE & HIDRAOT
Un seul guerrier, que dites-vous ?
Ciel !ARONTE
. . . . . De nos ennemis c'est le plus redoutable
Nos plus vaillants soldats sont tombés sous ses coups.
Rien ne peut résister à sa valeur extrême.ARMIDE
Ô Ciel ! C'est Renaud !ARONTE
. . . . . . . . . . . . . . C'est lui-même.
On constate aisément l'alternance de syllabes fortes et faibles (une forte sur deux ou trois), un peu à la façon des vers à accent anglais ou allemands...
A suivre.
Notes
[1] En matière harmonique, une appoggiature est une anticipation qui fait débuter une partie d'un accord sur l'accord précédent, créant une attente de résolution.
Commentaires
1. Le jeudi 30 juin 2011 à , par Guillaume
2. Le jeudi 30 juin 2011 à , par Lavinie :: site
3. Le jeudi 30 juin 2011 à , par T-A-M de Glédel
4. Le samedi 2 juillet 2011 à , par Jérémie
5. Le samedi 2 juillet 2011 à , par DavidLeMarrec
6. Le samedi 2 juillet 2011 à , par DavidLeMarrec
7. Le mardi 5 juillet 2011 à , par Lavinie :: site
8. Le mardi 5 juillet 2011 à , par DavidLeMarrec
9. Le mardi 5 juillet 2011 à , par DavidLeMarrec
Ajouter un commentaire