A la découverte de Pelléas & Mélisande de Debussy/Maeterlinck - X - Sortie des souterrains (III,3) - d (fin) - annonces musicales
Par DavidLeMarrec, samedi 10 mars 2007 à :: Autour de Pelléas et Mélisande :: #541 :: rss
Pour en finir avec cette scène.
On peut toujours écouter l'extrait.
(GOLAUD : )
A propos de Mélisande, j'ai entendu ce qui s'est passé
et ce qui s'est dit hier au soir.
Voir l'épisode précédent. Mais vous noterez (musicalement) le ton faussement badin, qui feint de prendre au vol une transition pour un sujet que l'on était sur le point d'oublier.
Je le sais bien, ce sont là jeux d'enfants ;
Le terme avait déjà été employé en III,1 à la fin de la scène du balcon. Et Golaud reprendra ce thème sur le lit de mort de Mélisande, au V, pour s'accabler. Evidemment, ici, on devine une petite charge ironique.
Musicalement, le traitement en est très intéressant
On notera cette forme en cloche du phrasé de Golaud, paternel, caressant. Mais qui contraste avec l'agitation interne au triolet. Comme un ton forcé, sous lequel serait prêt à sourdre une nature plus brutale, celle de la forêt.
mais il ne faut pas que cela se répète.
Elle est très délicate, et il faut qu'on la ménage d'autant
plus qu'elle sera peut-être bientôt mère,
et la moindre émotion pourrait amener un malheur.
Première annonce au spectateur de la maternité de Mélisande. Ce qui signifie que le mariage a bien été consommé, à moins d'un étrange mensonge de Golaud. La robe déchirée de Mélisande en IV,3 est dès lors plus difficile à interpréter.
Sous couvert de protection, de bon sens paternaliste, le mâle délimite son territoire et sa propriété : le droit est pour lui, le rival est illégitime et sera chassé avec aussi peu de précaution que possible. La chose est explicitée par ce qui suit.
Mais on remarque déjà le mouvement contraire de l'orchestre (qui monte et descend à l'inverse du chanteur), très legato et appliqué, la résolution suspendue de la phrase de Golaud.
Ce n'est pas la première fois que je remarque qu'il pourrait %% y avoir quelque chose entre vous…
Voilà bien la raison d'être de cette tirade. A cet instant, on retient une couleur harmonique, un élan aussi, que l'on retrouve au moment de l'outrage fait à Mélisande (IV,2 : "Une grande innocence ! Plus que de l'innocence !").
III,3 - van Dam, Levine. Cette fois-ci, le flux s'interrompt.
IV,2 - Cachemaille, Dutoit. De façon descendante, dans une rythmique beaucoup plus agitée.
La rupture est évitée, mais le ferment de la catastrophe finale est montré ostensiblement au spectateur.
Vocalement aussi, Golaud se trouve à ce moment plus dans l'aigu, plus proche du cri (même endroit de l'étendue vocale pour le chanteur dans les deux cas).
Vous êtes plus âgé qu'elle, il suffira de vous l'avoir dit…
La menace est patente sous ce doux conseil : "tu en seras le seul responsable, malheur sur toi si tu n'obtempères".
Evitez-la autant que possible ; mais sans affectation,
d'ailleurs, sans affectation…
(Ils sortent.)
Ce que nous avions relevé précédemment se matérialise explicitement ici : le territoire en danger est délimité, il constitue un interdit. Dont nous verrons, dès la scène suivante, qu'il n'est absolument pas respecté. Or la scène suivante se situe vraisemblablement le même jour au soir, comme nous le précisions. La guerre est clairement déclarée.
Du moins dans l'esprit de Golaud, mais la phrase de Pelléas en IV,3 Il nous tuera ! laisse penser que les limites sont clairement connues. C'est comme dans un musée : on peut un peu parler mais pas toucher.
Guerre déclarée : d'où les conciliabules au début du IV, l'outrage et enfin le meurtre.
L'étrange recommandation sans affectation tient à la sauvegarde des apparences, qui est tout un pan de Golaud, qui incarne une sorte de morale bourgeoise - et Dieu sait que j'utilise avec parcimonie cette classification plus que galvaudée. Golaud, à plusieurs reprises, s'inquiète avant toute chose de l'impression faite au monde.
Mais il faut une raison cependant.
On va te croire folle.
On va croire à des rêves d'enfant.
(Dans cette fameuse scène II,2 à laquelle je fais si souvent référence.)
Cela fait partie, comme les enfants qui jouent, comme la guerre, comme les paysans, des craquelures dans la représentation d'Allemonde, un grand sujet qu'il nous faudra bien un jour ou l'autre aborder autrement qu'à la marge.
Mais pour l'heure, vous pouvez disposer.
Commentaires
1. Le samedi 10 mars 2007 à , par autrefois
2. Le mardi 13 mars 2007 à , par fitze
3. Le mercredi 14 mars 2007 à , par DavidLeMarrec
4. Le jeudi 15 mars 2007 à , par fitze
5. Le jeudi 15 mars 2007 à , par DavidLeMarrec
6. Le vendredi 16 mars 2007 à , par fitze
7. Le vendredi 16 mars 2007 à , par DavidLeMarrec
8. Le vendredi 16 mars 2007 à , par fitze
9. Le vendredi 16 mars 2007 à , par DavidLeMarrec
10. Le vendredi 16 mars 2007 à , par fitze
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