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La glotte et Mozart


Tout de même, manière de ne pas laisser les fidèles de CSS désemparés dans ce vaste désert culturel de la Toile estivale, quelques petites badineries.


Il s'agit, pour information, de la production de David McVicar à Covent Garden en 2006, dirigée par Antonio Pappano, et parue au DVD chez Opus Arte. [Les décors et même le jeu d'acteurs ont au passage, dans le genre littéral, un caractère infiniment plus poétique que Jonathan Miller au Met et son pendant ancien, quoique largement vanté pour des raisons qui restent mystérieuses en dehors de l'exaltation du souvenir, à savoir Strehler à Garnier. Les jeux de lumière en particulier créent un espace d'une autre trempe que les hangars platement ornés de Murano...]


En présence, Miah Persson (Susanna, avec le pendentif cruciforme) et Dorothea Röschmann (Contessa Almaviva, assise), deux grandes interprètes qui ont beaucoup chanté Mozart, sans toujours, du moins en italien, se départir d'une certaine étrangeté. Déjà, la langue italienne, on l'aperçoit aisément, ne leur est pas naturelle. Les voyelles de Dorothea Röschmann, en particulier, sont toujours très étranges, pas si allemandes que ça d'ailleurs - ce qui ajoute encore au côté finement sophistiqué de son chant. [Il est possible que ce soit lié à des choix spécifiques et peu répandus en matière de couverture vocale.]

Mais ce qui mérite l'attention, c'est l'emploi extraordinairement généreux, chez elle, des coups de glotte, déjà pour du Mozart et surtout dans une pièce aussi légère de ton.

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Phénoménologie du coup de glotte

La production du son chanté s'effectue par la mise en marche des muscles régissant la respiration, et en particulier de ceux actionnant le diaphragme, qui permettent le soutien, sorte de Graal vocal : la note peut être à la fois tenue, juste, belle et modifiable au cours de l'émission.

Pour démarrer et interrompre le son, il existe deux méthodes, très logiques.

La première consiste dans la maîtrise, précisément, du diaphragme, qui permet d'expulser l'air des poumons, de soutenir régulièrement l'expiration ou d'interrompre l'expulsion. C'est la technique la plus répandue, celle que tous les chanteurs maîtrisent, qui est indispensable, et qui suscite en théorie le moins de fatigue vocale.

La seconde procède par occultation et ouverture brusque du conduit phonatoire. La pression de l'air se trouve donc interrompue, ou plutôt concentrée sur son chemin ; dès l'ouverture, le son jaillit avec force, comme un liquide gazeux lorsqu'on perce un récipient clos. Cette technique est appelée coup de glotte.
Elle ne peut pas être appliquée sur tous les sons bien entendu, et fatigue potentiellement plus l'appareil vocal, mais est employée, dans certaines écoles de chant, pour assurer une attaque tonique de certaines notes haut placées. On cite souvent en modèle Leyla Gencer, dont les obturations étaient assez audibles, et qui le faisait sur à peu près toutes ses notes aiguës sur des temps forts...

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Ce procédé est généralement rattaché à un répertoire plutôt belcantiste (romantique) et verdien, bien que l'école italienne n'en soit pas forcément friande. Pourtant, pourtant Dorothea Röschmann en fait ici un usage dont l'immodération surprend par son exotisme. [Vous l'entendez à ces petits hoquets, par exemple sur "boschetto".] Quel besoin, dans du Mozart, et non pas pour les airs vertigineux de Fiordiligi (où c'est nettement moins net chez elle, soit dit en passant), mais pour l'inoffensive canzonetta a due des Noces ! La force des appuis fait parfois songer à Caballé...

Il semblerait donc que ce coup de glotte ait été à ce moment-là quasiment un tic technique, ou bien un expédient pour compenser une fatigue, une difficulté... Mais le résultat, ajouté à l'étrangeté linguistique, a quelque chose de furieusement lunaire. Beaucoup de notes sont ainsi émises, avec un effet d'ampleur et d'incisivité tout à fait bizarres dans ce contexte-là.

Au demeurant, très sympathique interprétation, c'est simplement pour le plaisir de l'incongruité qu'on le fait remarquer. Et, accessoirement, pour compléter notre série de courtes introductions à la technique vocale.


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Commentaires

1. Le mercredi 22 juillet 2009 à , par lou :: site

J'ai cru qu'il s'agissait d'un article sur Marianne James qui chante beaucoup mieux qu'on ne le dit et tellement mieux que moi (je ne sais pas si c'est un compliment).

Autrement.

Ne craignez pas

[c'était JP2, le retour, un remake de la parole de Jésus]

[[[ça va ? on a bien reconnu la signature ? les fameux crochets du Capitaine Lou ?]]]

… Libellus est bien en coma dépassé, mais il peut encore respirer, par l'artifice des commentaires… sur une mise à jour, sévère, du dernier article paru. Ceci est un spam à tirage (très) limité, les happy fews ne s'en offusqueront pas et non plus de notre éloignement en com, pour des raisons sans rapport avec la maj, encore que…
Bien à tous.
Lou

2. Le mercredi 22 juillet 2009 à , par vartan

Merci pour ce petit billet à lire en sirotant [strike]un pastis[/strike] une citronnade sous les platanes du cours Mirabeau.
Ceci dit, il me semble avoir entendu une version plus périlleuse et moins confortable de cet air il n'y a pas plus éloigné que lundi. Pas remarqué de coup de glotte, des interprètes moins maniérés sans doute. :-)

3. Le mercredi 22 juillet 2009 à , par DavidLeMarrec

Coucoulou !

Lou :
J'ai cru qu'il s'agissait d'un article sur Marianne James qui chante beaucoup mieux qu'on ne le dit

Ce que j'ai entendu m'a paru tout à fait solide techniquement, mais comme je ne l'ai jamais entendue dans quelque chose de suivi et de conséquent, impossible de savoir ce qu'il en est exactement en comparaison. Dans l'absolu, il y a vraiment du savoir-faire en tout cas.

C'est plutôt de l'humour que je ne suis pas très friand.

[[[ça va ? on a bien reconnu la signature ? les fameux crochets du Capitaine Lou ?]]]

Je crois.

… Libellus est bien en coma dépassé, mais il peut encore respirer, par l'artifice des commentaires… sur une mise à jour, sévère, du dernier article paru. Ceci est un spam à tirage (très) limité, les happy fews ne s'en offusqueront pas et non plus de notre éloignement en com, pour des raisons sans rapport avec la maj, encore que…

Oui, j'ai vu l'arrêt, et je viens d'aller lire la mise à jour sur ton spam invitation.

S'il n'y a pas de solution, eh bien, tu es d'autant plus libre pour choisir, on va le dire comme ça. |:-s

4. Le mercredi 22 juillet 2009 à , par DavidLeMarrec

Vartan :
Ceci dit, il me semble avoir entendu une version plus périlleuse et moins confortable de cet air il n'y a pas plus éloigné que lundi. Pas remarqué de coup de glotte, des interprètes moins maniérés sans doute. :-)

Des interprètes qui géraient absolument tout à partir de la seule mécanique diaphragmatique, surtout ! Pas des tricheurs hors style, quoi.

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