Carnets sur sol

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Carnet d'écoutes - (encore) un autre possible du Winterreise

Un peu de promotion pour un DVD (...) du Winterreise, assez hors du commun.

Jorma Hynninen, un baryton majeur de ces trente dernières années, incontournable aussi bien en Almaviva que dans le Prisonnier de Dallapiccola, propose une lecture assez personnelle du cycle.

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Malgré son accent très bizarre, l'allemand sonne bien, rythmé avec naturel (à défaut d'idiomatisme). Surtout, son parcours a le mérite de tourner le dos à tout le spectaculaire que permet spontanément la science des contrastes de Schubert, à toute complaisance dans l'affliction aussi.

Au long des pièces domine une sorte murmure hors du monde, calmement halluciné - ou le wanderer est fou, ou il est déjà mort.

Le tout servi par une maîtrise instrumentale d'une très belle rondeur, parfaitement adaptée à ce parti pris. Le pianiste Ralf Gothóni, intense et discret, fait corps avec cette conception.

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Extraits vidéo :

Rast et Frülingstraum. Les peintures sont logiquement l'oeuvre de Särestöniemi - puisque ce DVD est le fruit de la captation d'un concert donné au musée qui lui est dédié.

Malgré les (très) gros plans constants un peu étranges, l'alternance entre tableaux évocateurs et chanteur est assez réussie visuellement.

Einsamkeit et Der Leiermann. On remarquera que le pianiste arpège (en forçant donc la partition...) les accords à appoggiature du Leiermann, sans doute pour mimer le son de l'instrument. (Bien, personnellement, je ne savais pas qu'on pouvait faire des arpèges comme à la guitare sur une vielle... les longues quintes à vide de Schubert me paraissent plus justifiées.) Cela n'empêche pas l'évocation du volkslied (accompagné à la guitare...) d'être convaincante.

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On notera que la technique très ronde de Jorma Hynninen, faisant usage pour partie de la voix mixte, rappelle assez fortement celle de collègues nordiques comme Peter Mattei, ou bien sa compatriote Karita Mattila.

Bref, splendide tout cela, à mettre aux côtés de la version radieuse et extérieure de Christine Schäfer et Eric Schneider.

Le concert, capté en 1993, a été publié par ArtHaus (pochette ci-dessus). Il existe aussi une version discographique avec les mêmes interprètes chez Ondine.

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Pour prolonger :

  1. Introduction générale aux lieder de Schubert.
  2. Trois lieder commentés du Winterreise.
  3. La version du conteur.
  4. La discographie des insolites du Winterreise.
  5. Une version libre de droits (Hotter / Raucheiser 1943).
  6. Une autre version du domaine public (Fischer-Dieskau / Klust 1953).

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Commentaires

1. Le mercredi 1 avril 2009 à , par lou :: site

La voix est très belle et l'interprétation engagée, je retiens la référence.
Mais j'aime bien mon Laslo Polgar, basse, et Jan Schultz, piano, bien en harmonie (et même pas dans les "insolites"), un peu plus nerveux, ce qui ne sied peut-être pas le mieux ici.
Splendide et radieux, pour ta proposition, ce sont des mots justes.

2. Le mercredi 1 avril 2009 à , par DavidLeMarrec

Je ne suis pas fou du timbre bordé d'acidité de Polgár, avec sa voix pas très ferme. C'est un Winterreise de bonne facture, mais pas du tout original. Dans une bonne moyenne de bonnes interprétations au disque, disons.

3. Le mercredi 1 avril 2009 à , par Sylvain

Ouf... les lieders the Schubert m'ont toujours fichu le bourdon mais celui la je pense qu'il arrivera en tête ! Rien à voir avec la qualité intrinsèque de l'interprétation car je comprend bien qu'on puisse y être sensible. Moi pas... ou simplement ce n'est pas le "mood" du moment.

En ce moment je suis plutôt Björling. Je sais, ce n'est pas un baryton mais tant pis, c'est tellement formidable !
http://www.youtube.com/watch?v=73Vwaxr2lp0

4. Le mercredi 1 avril 2009 à , par DavidLeMarrec

Hou-là, mais Björling dans Schubert, c'est un trait de glottopathie sévère, ça. (Tirant sur la nécrophilie qui plus est.) Vous savez bien dans quelle clinique vous êtes ?

Son récital de Carnegie est un braillage certes pas dégoulinant, mais assez peu dans le ton. Dans ce morceau-ci, je suis plus gêné par le fait que le timbre s'abîmé dans l'allègement et le legato - et bien sûr par le caractère secondaire du texte.

Non, tant qu'à écouter du Björling, je préfère dans les trucs qui font du bruit.

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Effectivement, Hynninen n'est pas franchement riant, mais dans ce cas, l'interprétation de Schäfer que je propose en fin de notule peut peut-être mieux vous satisfaire.

Il existe cela dit beaucoup de versions bien plus noires (Goerne ou Hotter, par exemple).

5. Le mercredi 1 avril 2009 à , par DavidLeMarrec

Mais il est vrai de toute façon que je n'apprécie pas démesurément les voix au coloris trop homogène et trop solide. Sur l'emballage, il est noté : "préparation à base de ténor : poitrine (100%)".

Le côté 'pleine voix' permanente de Björling a quelque chose de trop assuré qui rend l'expression difficile, tout me paraît toujours uniformément plein de santé.

6. Le mercredi 1 avril 2009 à , par Wolferl

Ah, j'aime bien Hynninen, même si l'accent est en effet assez bizarre. Par contre je préfère me passer de l'image, je suppose que tu ne m'en tiendras pas rigueur...

J'ai jeté un coup d'œil dans tes conseils discographiques et j'ai l'impression que tu n'aimes pas beaucoup Fassbeander. Je viens de la découvrir que je trouve ça assez extraordinaire !
D'ailleurs j'ai vu que tu avais oublié la version Schäfer/Schneider (là dans le genre piano qui ne chante pas, sec et hanché, je doute qu'on puisse trouver mieux...)

7. Le jeudi 2 avril 2009 à , par Sylvain

Pauvre Björling... les poubelles "plastiques et cartons" passent demain et j'ai quelques vinyles à leur donner. Je ne le trouvais pas trop assuré pourtant, bien au contraire. Il faut que je réécoute... et sinon dans les veilleries, Wunderlich même combat ?

Merci pour la version Schäfer / Schnerder Wolferl, je ne connaissais pas et c'est plus à mon gout je dois dire. http://www.youtube.com/watch?v=J0_KCnhyTc4
Mais j'ai peut être été biaisé par la vidéo.

J'en profite pour signaler ce lien, que vous connaisez peut être déjà et qui permet de se repérer un peu plus facilement:
http://www.recmusic.org/lieder/s/schubert.html

8. Le jeudi 2 avril 2009 à , par DavidLeMarrec

Wolferl :

Oh, dans le lied, de toute façon, soit on connaît le texte par coeur et on ferme les yeux, soit on se rafraîchit la mémoire et on regarde le poème ou la partition. :)

Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que malgré l'accent, l'accentuation et l'intelligibilité sont parfaites.

Il me semble bien que j'avais détaillé tout ça sur CSS (le quadruple critère : intelligibilité / accentuation / aperture / accent), mais je ne retrouve plus. Ce sera à refaire.


J'ai jeté un coup d'œil dans tes conseils discographiques et j'ai l'impression que tu n'aimes pas beaucoup Fassbaender. Je viens de la découvrir que je trouve ça assez extraordinaire !


Ce n'est pas ce que je préfère. Je préfère sa Meunière décapante. Pour le Winterreise, il ne me paraît pas nécessaire d'outrer l'expression. Pour Müllerin, c'est différent et j'ai une préférence pour les interprétations à forte personnalité, soit côté volkslied (Fouchécourt / Planès, Bär / Parsons), soit côté tragique (Kaufmann / Deutsch, Goerne / Schneider).

Cela dit, ça reste très bon et très personnel. Son Chant du Cygne aussi.


D'ailleurs j'ai vu que tu avais oublié la version Schäfer/Schneider (là dans le genre piano qui ne chante pas, sec et hanché, je doute qu'on puisse trouver mieux...)

Je ne peux pas tout actualiser en permanence, la note est antérieure à la publication de cette version, que je cite cependant à la fin de cet article et dans le commentaire 4...

Tu vois, ça a même été un disque du jour de CSS : notule sur Schäfer / Schneider.

9. Le jeudi 2 avril 2009 à , par DavidLeMarrec

Non, Sylvain, je disais bien que dans cet extrait au contraire, la voix détimbrait un peu dans le piano et le legato. Je ne trouve pas ça expressif au demeurant, mais c'est peut-être cette mise à distance qui vous 'rassure' par rapport au caractère fortement mélancolique qui vous indispose chez Schubert - et qui est en effet incontestable...

Dans les 'vieilleries' nécrophiliques (parmi lesquelles je ne classe pas Wunderlich, qui a quand même sa belle carrière discographique dans les années soixante), je signifiais il y a quelque temps non pas mon désintérêt, mais mon moindre goût par rapport à ce que peuvent produire les meilleurs interprètes de ces trente dernières années. Il existe cependant quelques très grands liedersänger anciens (pas si nombreux à mon sens), comme Gerhardt Hüsch.

Pour ce qui est de Wunderlich, je ne suis pas de ceux qui le considèrent comme le témoignage inégalable du ténorat, mais je suis bien sûr très séduit et admiratif de son travail. Il n'est pas le plus profond dans les intentions ni le plus introspectif dans les manières, mais il respecte et fait sonner les textes avec beaucoup de goût.
C'est plutôt du bonne référence donc, du moins lorsqu'il dispose de pianistes potables. Hubert Giesen, sans être indigne, n'est pas très passionnant dans le studio DG de la Meunière. J'en parle un peu dans la note discographique sur ce cycle - à laquelle il manque cependant deux versions majeures que je citais à l'instant : Kaufmann / Deutsch et Bär / Parsons.

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Pour en revenir à la version Schäfer, je l'avais suggérée dans l'article, et déjà au commentaire 4 (décidément :-) ), il en avait été question sur CSS, et c'est beaucoup plus plaisant comme version, moins affligée, moins en prise directe avec ce qui est raconté - médiatisé, en quelque sorte.


J'en profite pour signaler ce lien, que vous connaisez peut être déjà et qui permet de se repérer un peu plus facilement:
http://www.recmusic.org/lieder/s/schubert.html

Oui, bien sûr, c'est l'incontournable sur le sujet, encyclopédique ! J'y ai contribué pour quelques textes, et j'invite chacun à en faire de même. [Et Emily Ezust, qui mène cette formidable entreprise, est d'un abord charmant.]


Bien, j'aurai sacrément vendu ma camelote ce matin. Merci pour vos réactions !

Et bonne journée.

10. Le jeudi 2 avril 2009 à , par Sylvain

>> Bien, j'aurai sacrément vendu ma camelote ce matin.
>> Merci pour vos réactions !

Merci à vous, car c'est bien vendu... ;-)

11. Le lundi 6 avril 2009 à , par Morloch :: site

Cette version paraît somptueuse. J'ai l'impression que depuis quelques années, les interprètes de lied se libèrent d'un modèle immuable et indépassable qui aurait été Fischer-Dieskau et vont dans des des directions toujours plus personnelles.

J'avais une image fausse de Jorma Hynninen : comme quelqu'un de très raide, dans ses postures et dans sa façon de chanter. Je me suis peut-être bien trompé, ou alors cette raideur trouve une expression idéale dans un cycle aussi désespéré. Le timbre m'impressionne beaucoup, il s'en sert véritablement comme une sorte d'instrument à cordes un peu âpre avec des phrasés immenses, mais pas spectaculaires, quelque chose d'un autre monde, tout en conservant une diction précise de chaque mot. Je trouve cela très impressionnant sur les deux extraits.

12. Le lundi 6 avril 2009 à , par DavidLeMarrec

Oui, tu décris ça à merveille !

Hynninen a en effet une voix un peu âpre, qui sert souvent dans des rôles le versant rugueux d'hommes très affirmés : Almaviva, Macbeth, le Prisonnier, Juha... Mais toujours avec une vraie finesse dramatique.

Ca ne révèle pas, cela dit, la rondeur ineffable de cette lecture du Winterreise.

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Et bien sûr, je suis tout à fait d'accord sur l'évolution des nouveaux liedersänger, à ceci près qu'ils refont peut-être le parcours de DFD, chacun avec sa personnalité : inventer une façon personnelle de faire chanter les textes.

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