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Franz SCHUBERT - Autour de Mut, Die Nebensonnen, Der Leiermann ; les Abendröte-Lieder et autres cycles méconnus

Je rebondis sur la présentation par Sylvie Eusèbe du Winterreise et propose quelques pistes de réflexion autour des trois derniers lieder du cycle.
J'y ajoute quelques réflexions autour des cycles vocaux méconnus de Schubert. Car il y a une vie hors de Die Schöne Müllerin, Die Winterreise et Der Schwanengesang ; contrairement à ce que peuvent parfois laisser penser les programmations.


Je reproduis les commentaires, manière de clarifier la discussion autour de ces thèmes.


22. Mut !

En 1827, un an avant la fin de sa courte vie, Franz Schubert compose les 24 lieder du Winterreise sur des poèmes de Wilhelm Müller. Chaque lied est un monde en soi, avec son histoire et son ambiance propres, et l’ensemble du cycle, dans la succession ordonnée des lieder, trace aussi un cheminement. L’histoire n’est pas racontée dans tous ses détails, des morceaux manquent et il y a des redites d’épisodes identiques qui ne sont pourtant pas strictement les mêmes.

C'est tout à fait exact, un parcours fragmenté, avec ses ressassements (qui ne sont pas toujours sans rapport avec une forme de lieu commun poétique), ses discontinuités, ses allusions impossibles à reconstituer pleinement.


Une personne a aimé, aime encore, et s’en va du lieu où reste cet amour, où a été cet amour. De la réminiscence des moments de bonheur à la profonde mélancolie, de l’isolement parmi ses semblables à la solitude totale, de la fatigue au courage, de l’envie de la mort au dépassement de soi,

Le dépassement de soi est tout de même inscrit dans une démesure un peu grotesque, qui ne peut que retomber dans l'espace béant entre deux lieder. Je pense par exemple à Mut !, qui voisine avec l'abattement amer des Nebensonnen : Sind wir selber Götter ! ("Soyons nous-mêmes des dieux" !) n'est absolument pas crédible dans ce parcours.
On ne peut relier ce désir à aucune pensée exprimée précédemment. On ne se trouve pas exclusivement dans le désir ravageur d'un nihilisme intégral, qui me semblerait une interprétation un peu osée de Müller. Il s'agit plutôt d'une tentative - vaine - de tirer parti de cette solitude intégrale, évoquée par les éléments contraires (Fliegt der Schnee mir ins Gesicht) : chaque homme règne, seul et sans partage, sur sa solitude. Le silence entre Mut et Die Nebensonnen contient donc implicitement la désillusion : ce n'est pas un règne mais une condamnation.
En cela, la progression instaurée par l'ordre choisi et la musique de Schubert est absolument phénoménale, et ce n'est pas pour rien que le Winterreise fascine autant - sans commune mesure avec les trois autres cycles (Abendrote, Müllerin, Schwan) -, indépendamment de ses qualités mélodiques évidentes.

Par ailleurs, la ritournelle infinie de Mut ! confirme cette impression de grotesque (il faut entendre Naum Grubert[1] là-dedans, absolument).


24. Der Leiermann

le voyageur se libère de son humanité sensible, et selon l’état d’esprit de l’auditeur, entre tristement dans la mort, ou atteint avec sérénité l’infini.

J'ai bel et bien l'impression qu'on accoste au port d'où nul ne revient, terrassé par la fatigue, mais sans tristesse. Ce vieillard joueur de vielle, image de la mort, est aussi celui qui met en musique le parcours, celui qui rend le cycle comme infini.


Quant au cimetière-auberge de l'ironique Wirtshaus, nous sommes dans l'impossibilité à être accepté parmi les hommes, même dans ce cadre ultime et irréversible. On retourne au Wildes Tritt.


23. Die Nebensonnen

Suite à réaction, je ne dis surtout pas, précédemment, que les Nebensonnen font problème dans le parcours.

Je pense par exemple à Mut !, qui voisine avec l'abattement amer des Nebensonnen : Sind wir selber Götter ! ("Soyons nous-mêmes des dieux" !) n'est absolument pas crédible dans ce parcours.

C'est-à-dire que la phrase conclusive de Mut !   ne peut pas être crue dans le cadre du parcours du Wanderer. Il ne s'agit pas d'un regain d'espoir, mais d'une bravade sans conviction réelle, qui ne contient de la divinité que la solitude, l'impossibilité à se confronter, à se comparer.

Die Nebensonnen, au contraire, permet le retour au ton "standard" du cycle.
 

Voici je pense le seul poème du cycle qui m’échappe tout à fait : je l’ai toujours trouvé complètement différent des autres, un peu comme vous je ne vois pas bien ce qu’il fait ici, et je ne le comprends pas. Puis-je solliciter à l’occasion vos (trois) lumières à son sujet ?



Bien volontiers.

1. Une lumière affective. Je l'aime beaucoup. Lors de ma découverte du Winterreise, sur le vif comme vous le savez, il est celui qui m'avait le plus durablement marqué. Bien sûr, j'avais aimé Gute Nacht et Der Lindenbaum, comment faire autrement ?  De même, Gefror'ne  Tränen, Wasserflut, Irrlicht, Einsamkeit, Der greise Kopf, Die Krähe avaient par leurs éclats funèbres attiré mon attention. Mais Die Nebensonnen est sans doute celui qui m'avait le plus impressionné ; celui qui pourrait, quelques mois plus tard, consacrer la victoire du Bertram qui m'avait conduit dans cet antre de perdition : encore un de gagné ! 
A l'époque, je n'avais parcouru que les premières pages de la Fin de Satan, mais les traits de l'imaginaire étaient déjà tracés. Comme du fond d'un gouffre, les soleils disparaissaient. Le temps suspendu, la rage douce et impuissante de celui qui se sait vaincu... tant de choses se bousculaient ici !  Avant ce Leiermann invraisemblable, une écriture stable, la dernière, pleinement expressive, comme un dernier pont suspendu au-dessus de l'abîme.

2. Une lumière plus textuelle. On peut réaliser de multiples interprétations, et les trois soleils peuvent symboliser bien des choses. Manière d'éviter de proposer une analyse trop partiale, on peut dire, sans trop se mouiller que ces trois soleils fantastiques tiennent du délire ultime du voyageur arrivant au terme. Est-ce le reste de cet univers meilleur, de cet Age d'Or qu'a jadis connu l'humanité ?  Leur réduction est-elle une manifestation de ce que Goethe appelle Grenzen der Menscheit ?  Ou, à tout le moins, du passé amoureux, tout d'ivresse bienheureuse, du Wanderer ?  On est sans doute plus dans le vrai avec une interprétation strictement liée à l'individu qui erre.
En tout état de cause, ces soleils, leur voilement et leur disparition épousent le parcours vers l'ombre du voyageur. On prolonge l'idée de solitude de la divinité (dans le sens d'isolement, d'absence d'êtres comparables, visibles ou compréhensibles) de Mut !  :  ces soleils existent pour d'autres, mais la réalité du voyageur est désormais incompatible (Ja, neulich hatt' ich auch wohl drei) avec celle de ses semblables qui ne le reconnaissent pas, lors de son passage Im Dorfe. Semblables qui sont toujours invisibles, liés à l'illusion (Täuschung), à la bien-aimée totalement abstraite (Gute Nacht, Der Lindenbaum, Auf dem Flusse) ou au bruit des chiens qui trahissent la présence de maîtres (inaccessibles... Gute Nacht, Im Dorfe). Et au sind wir de Mut ?  Bonne question. J'ai volontairement omis le Leiermann, qui n'est pas à proprement parler un homme, mais bien plutôt un mécanisme du cycle, une image de la mort, ou en tout la borne qui marque le terme - et, pour l'auditeur, un nouveau départ.
Cette disparition met en scène, in fine, la disparition désirée du soleil, l'avancée résolue vers le repos de la mort. Le soleil brille toujours. Le voyageur est donc toujours en vie. Mais quelle fadeur dans ce soleil, quelle absence de chaleur !  Pourtant, la vie, dans le passé ou pour d'autres, semble bénéficier d'une représentation joyeuse. Ce ne peut être ce soleil qui la permettait. Il faut donc en compter au moins trois, et encore, celui qui reste est le moins bon. Et désormais, avec ce soleil dérisoire, cette vie sans joie, vite !  Le repos, la nuit, enfin !
C'est une des façons de percevoir la chose. Mais on peut concevoir des interprétations bien plus complexes et érudites.

3. Une petite loupiote musicale. Cette ligne suspendue, ces calmes accords, cet interlude récitatif qui débouche sur cette clameur faussement identique au début, pour finalement mourir dans la réitération, quel arc merveilleux !  Admiratif de la construction, de la dimension supplémentaire, de l'atmosphère qu'elle procure à un texte de Müller que j'aime déjà beaucoup.


Abendröte-Lieder
 
Il est vrai que le cycle des Abendröte-Lieder n'est pas très célèbre, on parle généralement uniquement des "trois cycles".

Pourtant, on pourrait penser à d'autres petits ensembles :
- les Faust-Lieder, petit à petit constitués : Der König in Thule, Gretchen am Spinnrade, Gretchens Bitte, Szene aus Faust... ;
- les italiens D.901 : L'incanto degl'occhi, Il traditor deluso et Il modo di prender moglie. On pourrait aussi en créer un avec les Métastase, en incluant Pensa, che questo istante de toute jeunesse, dont le ton est extrêmement proche de L'incanto degl'occhi ;
- les Mignon-Lieder, avec évidemment Kennst du das Land et les trois Chants du harpiste ;
- les quatre Scott d'après The Lady of the Lake. Les deux parties de la chanson d'Ellen à l'Acte I (opus 52, D.837 et 838) :
Raste Krieger !  Krieg ist aus
&
Jäger ruhe von der Jagd !
et bien sûr l'Ave Maria, c'est-à-dire le troisième des Ellens Gesänge, D.839. A ce propos, j'en profite pour hurler contre les cochons qui chantent ça en latin et la bouche en coeur, ce qui est une dénaturation intégrale de l'oeuvre. Une jeune femme prie en implorant comme fille le coeur de mère, comme jeune femme celle qui l'est resté éternellement ; il est évident qu'elle prie en pensant à son amant, qu'elle prie pour sa protection. Il ne s'agit pas d'une prière angélique - il y est même question du Démon, d'ailleurs -, mais d'une prière de jeune fille, la nuance est de taille. [Voilà, c'est dit.]
Et le Lied des gefangenen Jägers D.843, extrait de la même oeuvre de Walter Scott.
Pour l'amusement, on pourrait ajouter Eine altschottische Ballade de notre ami Herder (à défaut d'être l'homme à la pomme, l'homme aux aulnes).

Dommage qu'on ne joue jamais les Faust et les Scott, ce seraient de très beaux ensembles. Avis aux programmateurs, deux nouveaux cycles de Schubert !


Le cycle des Abendröte est peu joué, mais bel et bien existant. Il est composé, comme le Schwanengesang, de plusieurs pièces à peu près contemporaines, sur un même poète, ici Schlegel.
1. Abendröte D.690
2. Die Berge D.634
3. Die Vögel D.691
4. Der Fluss D.693
5. Der Knabe D.692
6. Die Rose D.745
7. Der Schmetterling D.633
8. Der Wanderer D.649
9. Das Mädchen D.652
10. Die Sterne D.684
11. Die Gebüsche D.646
Il faut bien reconnaître que, tout géniaux qu'ils soient, il ne s'agit pas ici de la meilleure glaise du lied schubertien. Et puis il faut être sensible à Schlegel, d'un abord moins aisé que Müller, Goethe ou Eichendorff.


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Notes

[1] Dans l'enregistrement avec Robert Holl. Pianiste à la fois très musical et très sensible au sens qu'il peut apporter au texte. Il en existe une réédition à prix ridicule chez Brilliant Classics.

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Commentaires

1. Le mercredi 25 octobre 2006 à , par Inactuel :: site

Très intéressant tout cela. Oserais-je demander une note sur les interprétations comparées de tous les cycles ? Par exemple, je suis actuellement en pleine écoute comparative de deux enregistrements de 1955 (Fiescher-Dieskau/ Gerald Moore) vs (Hans Hotter/ Gerald Moore), tous les deux dans la série "Great recordings of the century" chez EMI. Et j'ai un peu de mal à aller plus loin que ma petite oreille, notamment, y a t-il eu une évolution dans la deuxième moitié du 20ième siècle dans la manière d'interpréter le cycle Winterreise ? D.

2. Le mercredi 25 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec

Merci beaucoup. :-)

Oserais-je demander une note sur les interprétations comparées de tous les cycles ? Par exemple, je suis actuellement en pleine écoute comparative de deux enregistrements de 1955 (Fiescher-Dieskau/ Gerald Moore) vs (Hans Hotter/ Gerald Moore), tous les deux dans la série "Great recordings of the century" chez EMI. Et j'ai un peu de mal à aller plus loin que ma petite oreille, notamment, y a t-il eu une évolution dans la deuxième moitié du 20ième siècle dans la manière d'interpréter le cycle Winterreise ? D.

Question intéressante. Qui pose quelques problèmes tout de même, mais je vais tacher de ne pas me défiler.

=> Je ne connais pas, évidemment, toutes les interprétations du Winterreise, loin s'en faut.
=> J'évite de me prêter ici à l'exercice de la discographie comparative, parce qu'il est, au fond, un peu stérile, un mécano qu'on monte et qu'on démonte au cours des mois et des années. J'aurais l'impression de ne pas être très utile, tant la chose est subjective : chacun pose des attentes différentes sur l'oeuvre, et par conséquent un cycle bon dans une perspective ne l'est pas nécessairement dans une autre.

Néanmoins, je vais tenter de fournir ici quelques jalons.

Je commence par rappeler l'existence de cette notule sur les interprétations insolites du Winterreise, qui contient quelques éléments.
Par exemple, qu'aucun cycle féminin ne m'a vraiment convaincu. Et une petite liste d'enregistrements marquants, à laquelle il faut impérativement joindre DFD Prades 55.

Je peux aussi dire que DFD 55 EMI est génial, avec cette voix sombre, et déjà toute cette finesse, sans doute plus instrumental et un tout petit peu moins fouillé que 62, et Prades fait à merveille la synthèse, dans un esprit tout autre, avec un Moore plus engagé et capté moins en retrait.
Hotter, en revanche, ne me convainc guère. Sa voix installe le pathos dès le premier lied, de façon ronronnante,le timbre lui-même porte plus la lassitude du cycle que les mots. En outre, la caractérisation est assez homogène d'un lied à l'autre. Mais c'est là avis personnel, l'interprétation est tout à fait de qualité - simplement, je n'y trouve pas ce que j'y cherche.


[Edit : La tâche est d'une ampleur immense, il y a des dizaines de versions à commenter, et certaines dont l'écoute remonte à quelque temps. Je vais tâcher de m'en sortir autrement, en essayant peut-être de synthétiser un peu artificiellement un parcours ? En tout cas, si vous avez une question précise, n'hésitez pas.]

Peut-être puis-je avancer quelques enregistrements importants post-60 ?

Ou alors, inversement, étaler la liste des cycles sur lesquels j'ai rassemblé des notes, de façon à pouvoir répondre au cas par cas ?

3. Le mercredi 25 octobre 2006 à , par Bajazet

L'écoute du disque de Brigitte Fassbaender (EMI éco.) incline au moins à répondre oui à la question du Sgr Inactuel… 8-) Sauf erreur, Haefliger a été le premier à graver le cycle avec un piano-forte ancien (Claves, début des années 80) C'est fascinant d'ailleurs, j'adore ce disque et pour l'accompagnement et pour le chanteur…
J'avoue que je suis assez près ;-) de préférer entendre Winterreise par un ténor (Haefliger, Peter Anders aussi).

4. Le mercredi 25 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec

L'écoute du disque de Brigitte Fassbaender (EMI éco.) incline au moins à répondre oui à la question du Sgr Inactuel… 8-)

Oui, très marquant, mais franchement, c'est raide, et pas seulement grâce à notre compositeur préféré.
Le Schwanengesang passe mieux, mais là où je la vénère absolument, c'est dans Dichterliebe - un commentateur éclairé dirait, je crois, quelque chose d'éloquent comme rhalala. La variété de couleurs y est admirable, et le ton, quel ton !

Mais on peut reconnaître qu'il s'agit d'une version marquante.


Sauf erreur, Haefliger a été le premier à graver le cycle avec un piano-forte ancien (Claves, début des années 80) C'est fascinant d'ailleurs, j'adore ce disque et pour l'accompagnement et pour le chanteur…

Il faut donc nommer Jörg Ewald Dähler. J'adore aussi ce cycle, un des tout plus beaux que j'avais oublié de citer dans mes suggestions. Une finesse dans les mots, une intégrité stylistique et une qualité de timbre assez exceptionnelles, je reconnais.
Kurt Widmer l'a enregistré avec pianoforte juste l'année suivante.


J'avoue que je suis assez près ;-) de préférer entendre Winterreise par un ténor (Haefliger, Peter Anders aussi).

Je ne suis absolument pas prêt à te suivre sur Anders, je trouve vraiment ça à l'emporte-pièce, et d'un geignard.
Et puis on a dit récent, d'abord !

Parmi les ténors, on cite souvent Prégardien/Staier, pas très incarné, un peu gentiment contemplatif. C'est de la très belle ouvrage, mais pas d'une grande nécessité lorsqu'on dispose de DFD 55 ! De surcroît, les timbres sont étonnamment proches.

5. Le mercredi 25 octobre 2006 à , par Bajazet

"Gentiment contemplatif", das ist's ! ;-)

C'est sûr que le Winterreise par Fassbaender c'est anguleux de chez anguleux, mais question voie inédite de l'interprétation dans le sens de l'expressionnisme, ça se pose un peu là. En concert en tout cas, c'était suffocant (Montpellier 1988 ou 89, mais avec un autre pianiste). À présent, je n'écoute pas ça tous les jours.

Dans la version Haefliger, les sonorités bizarres du piano-forte, surtout avec les sourdines, donnent des couleurs incroyables à l'ensemble. Haefliger est d'autant plus étonnant si l'on songe qu'il avait près de 40 ans de carrière dans les pattes : à peine terni !

Au fait, mister Marrec, j'ai acquis sur votre suggestion la version du Winterreise pour quatuor à cordes, avec Elsner, mais pas encore écouté : j'attends Toussaint :-?

6. Le jeudi 26 octobre 2006 à , par Sylvie Eusèbe

Cher David, merci pour vos lumières, c'est toujours pour moi un grand plaisir que d'être à votre école :-) ! J'ai malheureusment beaucoup de devoirs en ce moment, alors je ne pourrai sans doute pas poursuivre notre dissertation avant la semaine prochain... A bientôt donc. S comme surmenée ;-)

7. Le jeudi 26 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec

C'est sûr que le Winterreise par Fassbaender c'est anguleux de chez anguleux, mais question voie inédite de l'interprétation dans le sens de l'expressionnisme, ça se pose un peu là.

Incontestablement.


Dans la version Haefliger, les sonorités bizarres du piano-forte, surtout avec les sourdines, donnent des couleurs incroyables à l'ensemble. Haefliger est d'autant plus étonnant si l'on songe qu'il avait près de 40 ans de carrière dans les pattes : à peine terni !

Pas mieux. :-)


Au fait, mister Marrec, j'ai acquis sur votre suggestion la version du Winterreise pour quatuor à cordes, avec Elsner, mais pas encore écouté : j'attends Toussaint :-?

Attention, ce n'est pas non plus une voix corsée, hein. C'est un Siegfried façon Schukoff. :-)
Ca ne vaut pas une version pour piano, mais c'est tout à fait vivifiant, loin du savant bricolage de Zender, par ailleurs bon compositeur, mais décidément, ça ne fonctionne pas bien - trop concret.


6. Le jeudi 26 octobre 2006 à 08:08, par Sylvie Eusèbe

Cher David, merci pour vos lumières, c'est toujours pour moi un grand plaisir que d'être à votre école :-) ! J'ai malheureusment beaucoup de devoirs en ce moment, alors je ne pourrai sans doute pas poursuivre notre dissertation avant la semaine prochain... A bientôt donc. S comme surmenée ;-)

8. Le jeudi 26 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec

Merci, Sylvie, de m'avoir signifié ce report temporaire. On attendra sagement. De toute façon, il y a aussi beaucoup à faire mon côté : j'ai tout de même un skyblg à entretenir !

9. Le jeudi 26 octobre 2006 à , par Inactuel :: site

Merci, David, pour tous ces éclaircissements. J'avais oublié la note sur les interprétations insolites du cycle. Je vais la relire sans tarder.
D.

10. Le lundi 30 octobre 2006 à , par Sylvie Eusèbe

Je ne suis pas certaines que la dernière phrase de « Mut ! » n’ait pas sa place dans le Winterreise. Vous ne citez d’ailleurs que le dernier vers, ce qui est dommage parce que tout seul, il sonne avec un peu d’insolence vaine, comme vous le soulignez peut-être en le comparant à « une bravade sans conviction réelle ». Je rappelle que la dernière phrase de Mut ! est : S’il n’y a pas de Dieu sur la terre / Soyons nous-mêmes des dieux !
Ce « soyons nous-mêmes des dieux » est certes un peu ironique, mais il répond surtout à la première partie de la phrase. « S’il n’y a pas de Dieu sur la terre », c'est-à-dire, si les choses sont vouées au cahot, si personne ne prend soin des hommes et qu’il règne le malheur et l’injustice, c’est à nous, que notre souffrance et notre solitude sanctifient en nous plaçant en dehors du cercle des hommes ordinaires, d’être notre propre guide. Une telle idée n’est bien sûr pas une marque d’humilité ou de modestie, le narrateur, qui se croit différent des autres hommes parce qu’il se sent incompris et rejeté, n’a plus que cette grotesque « ressource » divine. Dans tout le Winterreise, c’est ici la seule référence qui est faite à Dieu. Aucune église (la girouette est posée sur la maison de la bien-aimée…) ou aucun son de cloche n’est mentionné dans les poèmes de Müller, alors que ces éléments peuvent s’intégrer très naturellement dans les paysages qui y sont évoqués. Et la seule fois où Müller parle de Dieu, que fait-il ? Il n’engage pas son Wanderer a se tourner vers Dieu (ce à quoi on pourrait éventuellement s’attendre) mais a être Dieu lui-même !

Je suis heureuse de voir que les trois lumières que je m’étais permise de vous demander au sujet de « Die Nebensonnen » vous ont bien guidé ! Et je vous remercie grandement pour votre explication :-) !

Musicalement, ce lied me parle aussi bien que les autres. Le lent balancement du piano se répète mais en donnant de plus en plus une impression d’immobilité. Cette lenteur répétitive prépare le Leiermann pourtant plus « mélodieux ». Par l’intermédiaire de la voix, on a l’impression que le Temps se suspend inéluctablement, et votre « rage douce et impuissante de celui qui se sait vaincu » est vraiment une très belle image !

Si je me penche sur le texte, c’est là que les choses sont plus difficiles pour moi. Je ne suis généralement pas très à l’aise avec les symboles que l’on peut interpréter de façons très différentes… j’aime bien que l’on m’explique les choses ! C’est sans doute le problème que me posent ces trois soleils, d’autant plus que les autres poèmes du cycle ne demandent pas nécessairement ce même « effort » d’interprétation. Cependant, l’interprétation que vous proposez, parmi beaucoup d’autres possibles comme vous le soulignez, m’ouvre quelques pistes pour une meilleure compréhension de ce poème.

Votre érudition à propos des « cycles » schubertiens est véritablement impressionnante ! Et je vais la solliciter un peu plus pour lui demander si le cycle « Abendröte » est une création de Schubert, ou si c’est par exemple un éditeur qui l’a constitué ?

11. Le lundi 30 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec

Inactuel :
Merci, David, pour tous ces éclaircissements. J'avais oublié la note sur les interprétations insolites du cycle. Je vais la relire sans tarder.

Je vais tout de même tâcher de vous satisfaire un peu mieux, mais le temps me manque un brin, en ce moment. Mais en cas de question précise, ce peut se régler plus vite.


Sylvie Eusèbe :
Je ne suis pas certaines que la dernière phrase de « Mut ! » n’ait pas sa place dans le Winterreise.

Oh, mais je ne dis surtout pas cela, bien au contraire ! Je dis qu'elle n'est pas crédible au premier degré. En cela, je prenais le contrepied de ce que vous décriviez comme une reprise de courage et que je perçois seulement comme vaine dérision de la part du personnage.


Ce « soyons nous-mêmes des dieux » est certes un peu ironique, mais il répond surtout à la première partie de la phrase. « S’il n’y a pas de Dieu sur la terre », c'est-à-dire, si les choses sont vouées au cahot, si personne ne prend soin des hommes et qu’il règne le malheur et l’injustice, c’est à nous, que notre souffrance et notre solitude sanctifient en nous plaçant en dehors du cercle des hommes ordinaires, d’être notre propre guide.

Tout à fait d'accord sur les prémisses de votre raisonnement, un peu moins sur l'idée de l'écart des "hommes ordinaires". Le wanderer n'a rien d'exceptionnel, à part peut-être de cheminer jusqu'au terme logique de sa souffrance - rien là que de très humain. C'est ce qui fait tout le caractère touchant de ce cycle.
Et surtout, cette résolution avorte, puisque nous atterrissons à la fin du cycle, où :
- la mort est la seule réponse ;
- le voyageur a besoin d'une autre personne pour chanter son histoire.
Cette solution est bel et bien une impasse, une illusion passagère, une Täuschung.


Une telle idée n’est bien sûr pas une marque d’humilité ou de modestie, le narrateur, qui se croit différent des autres hommes parce qu’il se sent incompris et rejeté, n’a plus que cette grotesque « ressource » divine.

J'y vois les deux mêlés : démesure grinçante suscitée par le désespoir. Mais au fond, il s'agit plus de blasphémer de façon frappante que d'instaurer une véritable issue.


Dans tout le Winterreise, c’est ici la seule référence qui est faite à Dieu. Aucune église (la girouette est posée sur la maison de la bien-aimée…) ou aucun son de cloche n’est mentionné dans les poèmes de Müller, alors que ces éléments peuvent s’intégrer très naturellement dans les paysages qui y sont évoqués. Et la seule fois où Müller parle de Dieu, que fait-il ? Il n’engage pas son Wanderer a se tourner vers Dieu (ce à quoi on pourrait éventuellement s’attendre) mais a être Dieu lui-même !

Tout à fait. Tout cela n'est pas très chrétien, dirait l'abbé Bethléem.


Je suis heureuse de voir que les trois lumières que je m’étais permise de vous demander au sujet de « Die Nebensonnen » vous ont bien guidé !

Vous pourrez toujours postuler comme muse, alors, en cas de reconversion. :D


Musicalement, ce lied me parle aussi bien que les autres. Le lent balancement du piano se répète mais en donnant de plus en plus une impression d’immobilité. Cette lenteur répétitive prépare le Leiermann pourtant plus « mélodieux ». Par l’intermédiaire de la voix, on a l’impression que le Temps se suspend inéluctablement, et votre « rage douce et impuissante de celui qui se sait vaincu » est vraiment une très belle image !

Je vous remercie. :-) Oui, tout à fait, il y a cette suspension-là.


Si je me penche sur le texte, c’est là que les choses sont plus difficiles pour moi. Je ne suis généralement pas très à l’aise avec les symboles que l’on peut interpréter de façons très différentes… j’aime bien que l’on m’explique les choses ! C’est sans doute le problème que me posent ces trois soleils, d’autant plus que les autres poèmes du cycle ne demandent pas nécessairement ce même « effort » d’interprétation. Cependant, l’interprétation que vous proposez, parmi beaucoup d’autres possibles comme vous le soulignez, m’ouvre quelques pistes pour une meilleure compréhension de ce poème.

J'en suis très heureux, dans ce cas !


Votre érudition à propos des « cycles » schubertiens est véritablement impressionnante ! Et je vais la solliciter un peu plus pour lui demander si le cycle « Abendröte » est une création de Schubert, ou si c’est par exemple un éditeur qui l’a constitué ?

C'est en réalité une collection de lieder de la même époque, mais il n'a jamais été totalement constitué par Schubert, ni reconnu comme tel.
Le cycle n'a à ma connaissance pas été édité sous ce nom, ce sont les musicologues qui ont tâché de donner du sens à ce corpus pas tout à fait définitif.

12. Le mardi 31 octobre 2006 à , par Sylvie Eusèbe

Merci d'avoir si clairement précisé vos pensées :-).
Je n'abuse pas plus de votre temps et vous laisse à l'entretien de votre skyblog.
S

13. Le mardi 31 octobre 2006 à , par DavdLeMarrec

Je crois que quelqu'un a écrit que l'abus ne s'usait que si on ne s'en sert pas, ou quelque chose d'approchant sur autre chose.

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