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mercredi 5 novembre 2014

[Carnet d'écoutes] Nouveauté : Les Scènes de Faust de Schumann par Gerhaher & Harding


En quelques années, la discographie sinistrée de cet étrange bijou est devenue très généreuse… L'occasion de dire un mot de la discographie.

Schumann — SZENEN AUS GOETHES FAUST — Gerhaher, Miles, Harding
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Dire qu'il y a cinq à dix ans, on manquait cruellement de bonnes versions des Scènes de Faust ! Britten et Klee épouvantablement mous, Abbado assez lourdement chanté par Terfel, Herreweghe très allant mais au chant un peu court et fruste… il fallait se rabattre sur les bandes radio (Luisi-Gerhaher avec le COE, toujours pas égalé à ce jour ; Harnoncourt-Goerne avec la Radio de Vienne ; Harnoncourt-Gerhaher avec le COE…). Et puis, coup sur coup, arrivent enfin trois grandes versions peut-être pas tout à fait aussi ardentes, mais vraiment indiscutables :

Wit (Naxos), incroyablement évident et généreux orchestralement, et très bien chanté. Ma version discographique de référence.

Harnoncourt avec le Concertgebouworkest (label de l'orchestre), avec Gerhaher. Moins cinglant que les précédentes versions (et Gerhaher légèrement moins insolent), mais toujours de superbes couleurs et beaucoup plus de vie qu'à l'ordinaire.

¶ Enfin, paru le mois dernier, Harding avec l'Orchestre de la Radio Bavaroise (label de la radio), également les partenaires du fabuleux récital d'opéra romantique allemand, déjà avec Gerhaher. Contrairement à ce qu'on aurait pu attendre, c'est une lecture délicate, très fondue, pas du tout dans la recherche de contrastes ; mais elle tire un très beau parti, sans se hâter, de couleurs poétiques difficiles à tirer en principe de l'orchestre de Schumann, surtout dans cette œuvre (avec ses doublures à la truelle). Les deux basses (Miles et surtout Rydl) accusent leur âge, mais autrement le chant est beau partout, et en particulier du côté du pupitre des sopranos de la Radio Bavaroise, juvéniles et radieux (c'est rarement le cas dans les grands chœurs constitués).
Christian Gerhaher prodigue des merveilles sur ce texte, aussi bien vocales (pas de couverture excessive, mais un son toujours homogène et dense, se riant de toutes les difficultés) que textuelle (personne ne le dit avec plus de précision et de vigueur, et sans afféterie pour autant). Et Christiane Karg, également liedersängerin (son premier album n'était pas un album d'opéra, me sembe-t-il !), est ici à son meilleur, rayonnant avec simplicité — sans les blancheurs que peuvent faire apparaître d'autres langues ou d'autres répertoires.

Écouter en ligne gratuitement :


[Carnet d'écoutes] Nouveauté (ou presque) : encore les hits de Rameau


Avec les sites en ligne, il devient aisé de se tenir informé des nouvelles parutions, et même de les écouter. Deezer, MusicMe, Qobuz le permettent dans des conditions sonores de surcroît très valables. Coïncidence (ou conséquence de la surabondance discographique), quantité d'albums intriguants ou de première qualité viennent de paraître. Cette micro-notule est la première d'une petite série.

Rameau — THE SOUND OF LIGHT — Kermes, MusicÆterna, Currentzis
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Un beau Rameau : le son est mince, nerveux, vraiment à la suite des versions informées. Kermes réitère sa surprenante appropriation du répertoire français — surprenante, car pas vraiment exotique.

Après ça, ça reste une nième version des plus grands hits (surtout orchestraux) de Rameau : entrée de Polymnie, contredanse en rondeau, la Poule, les Sauvages…

Le saviez-vous ?
Lorsque la harpe double le basson obligé, dans Tristes apprêts (assez réussi d'ailleurs, dans le genre murmuré-suspendu), on entend le son d'un… vibraphone.

Écouter gratuitement en ligne :


Leclair — Scylla et Glaucus — Les Nouveaux Caractères, d'Hérin (Versailles)


1. Événement

L'œuvre, pourtant hautement considérée par musicologues et mélomanes, n'avait été donnée que deux fois en France depuis le XVIIIe siècle : en 1986 à Lyon par Gardiner (préludant à la seule intégrale, gravée en studio à Londres), et en 2005 par Rousset (une tournée qui passa aussi par Versailles, et qui fut diffusée par France Musique).

Jean-Marie Leclair est avant tout resté à la postérité en tant que virtuose du violon et compositeur révéré de musique de chambre (sonates avec basse continue et sonates en trio, en particulier). Très influencé par l'Italie, du point de vue harmonique mais aussi violonistique, il est peut-être celui chez qui cette empreinte est la plus évidente pour un public d'aujourd'hui : on y entendra beaucoup de traits « concertants » qui ne peuvent pas ne pas évoquer Vivaldi.

Pour autant, Leclair reste un compositeur français, et comme tel, maîtrise à merveille l'art des grands récitatifs de la tragédie en musique ; dans son unique ouvrage pour la scène, Scylla et Glaucus, les qualités dramatiques sont évidentes, malgré le livret bancal de d'Albaret — qui s'inscrit dans une période creuse pour le genre tragique lyrique : l'œuvre date de 1746, et la précédente création à l'Académie Royale de Musique remontait à 1739 (Dardanus de Rameau). Grand contraste avec le rythme annuel en vogue jusqu'au début du XVIIIe siècle : Lully aurait eu le temps d'écrire 7 ou 8 tragédies !
Il faut dire que l'espace et l'énergie étaient à l'époque largement occupés par les opéras-ballets en tout genre (pouah).


2. Fulgurances musicales

La partition de Leclair, est musicalement, l'une des plus belles réalisations de toute la tragédie en musique. Les récitatifs sont très brefs, mais osent des harmonies étonnantes (plus proches du Trio des Parques que du Rameau de croisière…), parfois sous forme de changements de couleur abrupts, très francs et spectaculaires ; ce ne sont pas les plus expressifs prosodiquement, mais leur caractère et leur galbe ne souffrent aucune critique.

Les danses, elles, sont probablement les plus belles de tout le répertoire français : elles occupent largement la moitié de la partition (si l'on y adjoint les autres divertissements, cela doit représenter des deux tiers aux trois quarts !), mais sont d'une prégnance mélodique et d'une netteté d'articulation hors du commun — pour chaque danse, différentes strates de l'orchestre appuient l'équilibre des pas, si bien que chacune est à la fois immédiatement identifiable et plus richement pourvue qu'à l'ordinaire.

Les parties de cordes sont particulièrement spectaculaires, dispensant à foison les traits violonistiques (arpèges, fusées…), mais toujours au service d'un effet théâtral, d'une ligne musicale supplémentaire, d'une pensée mélodique. De la grande musique, indubitablement.
Et cela n'empêche pas l'usage de vents solos dans les ariettes, parfois simplement avec la basse continue.

3. Équilibres

Suite de la notule.

David Le Marrec

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