Gustav MAHLER - Das Klagende Lied - (Gatti, ONF, Théâtre du Châtelet 2009)
Par DavidLeMarrec, vendredi 30 octobre 2009 à :: Les plus beaux décadents - Poésie, lied & lieder - Domaine symphonique - Saison 2009-2010 :: #1395 :: rss
1. Une lourde décision
Je ne me suis décidé définitivement à me rendre à ce concert qu'au dernier moment. Cela m'a valu de me retrouver pour pas cher dans l'une des meilleures places du théâtre, bordé d'une aristocratie économique qui était inconnue du provincial ingénu, et qui ne parlait que séjours en Côte d'Azur, de manifestations culturelles en Autriche et de mauvais temps sur New York.
L'hésitation tenait au fait que Das Klagende Lied m'était apparu difficilement digeste au disque, y compris en essayant de faire autre chose - mais après tout, il s'agit quand même d'un des compositeurs les plus orchestrelement inspirés, dont la plus-value physique en concert est considérable.
--
2. Spécificités acoustiques
Surprise majeure pour moi, d'autant que j'avais déjà assisté aux Fées récemment : on entendait certes merveilleusement l'orchestre, mais presque pas les chanteurs. Markus Werba était ainsi, sans surprise, remarquablement inspiré, raffiné, nuancé, refusant toujours l'éclat évident pour la retenue expressive... mais à peine audible, comme un murmure. Et de même pour les autres chanteurs, même si Nikolaï Schukoff s'est révélé le plus sonore (de même pour la petite soprano de la Maîtrise de Radio-France, excellente et voix tout à fait projetée, mais impossible de trouver son nom sur la Toile).
Vraiment frustrant, de ce point de vue.
--
3. Interprétation
Au niveau de l'exécution, tout était excellent, à tout point de vue. Inutile de s'étendre sur le fondu des cordes (quel travail de transfiguration opéré par Masur !), la présence des vents (des tubas en outre d'une douceur hors du commun). Et même si Melanie Diener n'a pas du tout l'impact que je lui supposais (l'actrice est fine, mais la voix pas très belle ni très aisée, j'imaginais une grande présence vocale), l'ensemble des chanteurs sont à saluer. En particulier Christianne Stotijn, une véritable révélation ; jeune chanteuse, mais de loin, j'imaginais au contraire une habituée du lied. La voix a cette densité légèrement mordante qu'on entend chez Kirchschlager dans ce répertoire, mais avec quelque chose de plus fauve, qui tire légèrement sur les couleurs de Fassbaender et de Ludwig. Et alors, un geste verbal fabuleux. Elle tenait le plus long rôle, celui de la narration générale, mais alors, quelle intensité dans ses récits extérieurs !
Elle a déjà sorti quelques très beaux disques de lied(un Schubert / Berg / Wolf formidable, un Mahler, un Tchaïkovsky, tout cela chez Onyx, label remarqué dans ce répertoire) et un oratorio de Frank Martin (Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke) chez Gold MDG.
--
4. Programme
Voilà , tout était merveilleux, à l'exception dommageable du programme. Blumine, tout mahlerien moyen avait déjà plus d'une fois entendu ça, mais le côté aimable devient vraiment flagrant en concert : un ressassement mélodique sans réelle profondeur.
Les Lieder eines Fahrenden Gesellen [1], peut-être à cause du manque d'impact vocal et malgré l'interprétation fine de Werba (osant la voix mixte et même le fausset), sont sympathiques à entendre, mais ce n'est pas l'oeuvre la plus vertigineuse du compositeur, et lorsqu'il n'y a pas de présence physique du chanteur, on s'aperçoit que ce n'est pas si enivrant que cela.
Quant au Klagende Lied, qui avait piqué notre curiosité, puisque nous avions lu le texte écrit par Mahler (tout à fait valable dans sa tradition de ballades horrifiques, avec une petite thématique Macbeth qui domine et une histoire d'instrument magique qui n'est pas sans annoncer les métaphores schrekeriennes du type du Spielwerk), et que son écoute en revanche nous avait laissé froid, quelque chose de compact qui demandait à être entendu en espace.
De quoi s'agissait-il ?
Oh, d'une horrible choucroute à la façon des Gurrelieder de Schönberg (autre exemple de lied-oratorio avec orchestre et à personnages), à ceci près que malgré quelques innovations musicales impressionnantes pour l'époque (la musique hors scène en 3/4 tandis que l'orchestre joue en 4/4, et pas forcément dans la même tonalité), il ne se passe que très peu musicalement. Et on n'y trouvera pas de moment de grâce comme le récit de la Waldtaube.
Ici, les solistes et le choeur, tout en prenant la place du même narrateur, incarnent les personnages avec des prises de paroles très brèves, ce qui donne un relief très intéressant et bizarre : ce ne sont pas eux qui parlent directement, mais ils incarnent tout de même les personnages. Avec quelques effets intéressants dans les distributions de parole (la voix du mauvais frère réapparaît pour décrire le palais en ruine). La progression très lente nous plonge progressivement dans le marasme assez peu guilleret de cette histoire, avec de longues plages orchestrales et quelques paroxysmes pompiers assez réussis.
L'originalité du dispositif fait vraiment écouter sans ennui, d'autant qu'il était possible de se rafraîchir les idées grâce au programme de salle qui contenait le livret et au surtitrage opportun. Heureusement que le texte se confirme plutôt bon. Néanmoins, le peu de substance musicale, la grandiloquence terriblement sérieuse de cet orchestre immense, la durée de plus d'une heure, tout cela fait qu'on ne ressent pas nécessairement la nécessité impérieuse d'une réécoute une fois l'effort fait.
Bref, intéressant mais absolument dispensable.
--
Et si des concertomanes chevronnés pouvaient éclairer ma lanterne sur ces mystères acoustiques...
Notes
[1] Retrouvez l'oeuvre sur CSS : présentation, version libre de droits à télécharger, place dans un panorama.
Commentaires
1. Le samedi 31 octobre 2009 à , par Ouf1er
2. Le samedi 31 octobre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le samedi 31 octobre 2009 à , par Ouf1er
4. Le dimanche 1 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le lundi 2 novembre 2009 à , par musiciensisi
6. Le lundi 2 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
7. Le lundi 2 novembre 2009 à , par Jean-Charles
8. Le lundi 2 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
9. Le mardi 3 novembre 2009 à , par Jean-Charles
10. Le mardi 3 novembre 2009 à , par Jean-Charles
11. Le mardi 3 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
Ajouter un commentaire