Carnets sur sol

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Gustav MAHLER, une présentation - II - les lieder

Les oeuvres de jeunesse ou inachevées seront abordées plus tard.


Les lieder (avec orchestre)

1. Des Knaben Wunderhorn. Sur les textes populaires rassemblés de 1806 à 1808 par Achim von Arnim et bien sûr Clemens Brentano. Quinze lieder. Des chansons de guerre ou des méditations mystiques, présentées par Mahler avec un talent remarquable du pittoresque orchestral.
Ces thèmes musicaux nourriront de leurs réminiscences toutes les symphonies jusqu'à la Sixième.
[Je recommande la version Chailly/Bonney/Fulgoni/Winbergh/Goerne, pour la brillance orchestrale et la profondeur de ton des solistes. Attention, à ma connaissance aucune version ne contient tous les numéros ; il en manque un chez Chailly, deux chez Abbado, et plus encore la plupart du temps.]

2. Lieder eines Fahrenden Gesellen. Chants d'un compagnon errant. Quatre poèmes. Les noms des auteurs ne sont pas indiqués, mais trois des poèmes sont très vraisemblablement de la plume de Mahler. Il s'agit là des chants d'une déception amoureuse grinçante, plus Dichterliebe que Winterreise, mais avec un ton encore plus sauvagement railleur. Le ton en est très brut, c'est pourquoi on peut préférer la délicate orchestration réduite Schönberg (très beau disque de Leeuw avec John Brocheler).
[A défaut, l'assurance élégante de Fischer-Dieskau/Kletzki, l'investissement émotionnel de Hampson/Bernstein ou la froideur de Quasthoff/Boulez sont tout à fait édifiants.]

3. Rückert-Lieder. Cinq lieder sur des poèmes de Rückert, certains très célèbres comme Liebst du um Schönheit, qui servit notamment à Clara Schumann, et qui fut la demande en mariage renouvelée, glissée dans la partition de Siegfried que lisait Alma - en chantant tous les rôles, ce qui lui valut, pensez-y bien si vous souhaitez marier vos filles, de se fracasser la voix.
C'est là sans doute le cycle le plus séduisant, le plus lyrique, le plus délicatement touchant, où se mêlent amour terrestre et renoncement au monde, d'un poème à l'autre.
Il est très souvent joué dans le désordre, afin de mettre en valeur les deux lieder les plus longs et les plus marquants : Um Mitternacht et Ich bin der Welt abhanden gekommen.
Sa tonalité originale le destine aux ténors (qui l'ont abandonné très tôt) et aux sopranes ou mezzos. A la création, les lieder étaient répartis entre plusieurs chanteurs, ce qui ne se fait plus désormais.
[Je reviens très souvent à Margaret Price (non publié) et Hampson/Bernstein, parmi une foule de réussites.]

4. Kindertotenlieder. Chants des enfants morts. Cinq lieder sur des textes de Rückert également, écrits alors que Mahler était en pleine joie de la paternité - ce qui fit frissonner Alma, avec pour conséquence (fantasmatique) la mort de la petite. A l'origine conçu pour une voix d'homme, et désormais essentiellement interprété par des femmes, il est souvent transposé vers l'aigu. Il convient, dans sa tonalité originale, à un baryton armé d'aigus faciles ou à un mezzo au solide médium grave (ou un contralto).
De tonalité beaucoup sombre que les précédents, les cinq lieder se présentent sous la forme d'élégies lourdement funèbres et hagardes, avec peu de diversité de ton, chose très rare chez Mahler. L'orchestre, moins brillant qu'à l'accoutumée, y est extrêmement travaillé. L'ordre, ici, est moins souvent bouleversé, faisant sens, s'ouvrant sur "nun", s'achevant sur cette veille absurde des petits tombeaux, comme Agnès chez Ibsen (Brand, acte IV).
[Fassbaender chez Tennstedt, et chez Tennstedt seulement, écrase à mon sens la concurrence, vocalement et expressivement.]

Pour les caractéristiques du traitement 'liederistique', très vocal, lyrique et tendu, assez brillant, ce sera plutôt pour la rubrique "A la découverte du Lied".


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Commentaires

1. Le mercredi 10 février 2021 à , par Benedictus

Je viens de découvrir un disque qui est pourrait bien devenir ma référence personnelle pour Kindertotenlieder / Rückert / Lieder eines fahrenden Gesellen: Doris Soffel, Eliahu Inbal / Wiener Symphoniker chez Denon (enregistré en 1992.)

Chanteuse décidément extraordinaire (mais je crois que tu en aussi inconditionnel que moi): je ne sais pas si on peut parler de voix mixte à proprement parler pour une femme - mais à ma connaissance il n'y a qu'elle et Fassbaender qui créent ce type de sensation-là: cette netteté d'articulation avec ces résonances rauques. Et puis cette richesse de coloris et d'expression, ce verbe sobre mais intense, cette finesse dans les contrastes, cette conduite ample et ductile, ce souffle comme infini... Par ailleurs, Inbal est comme toujours assez parfait - tendu, animé, détaillé (c'est particulièrement sensible dans les Kindertotenlieder, qui échappe totalement à l'opacité qu'on y entend la plupart du temps.)

Je ne comprends d'ailleurs pas comment ce disque avait pu passer sous mon radar à sa sortie (j'ai dû acheter tous les autres Mahler du cycle Inbal / Denon plus ou moins à leur sortie à partir de la 3ᵉ - déjà avec Doris Soffel.)

2. Le samedi 13 février 2021 à , par DavidLeMarrec

Je ne connaissais pas ce disque non plus !

Si, si, on peut parler de voix mixte, ici c'est un mixte de poitrine et de tête, comme chez les hommes (mais construit à l'inverse, depuis le mécanisme léger vers le mécanisme lourd, un peu comme le fait Jean-François Lombard…). Il existe aussi chez les femmes, plus rare, le mixte voix de tête / voix de flageolet (comme chez Cécile Perrin).
Et c'est exactement ce que fait Soffel, avec art ! (Fassbaender aussi, dans une moindre mesure – chez elle c'est davantage une affaire de résonances pharyngées, j'ai l'impression, que de mode d'émission, mais il m'aurait fallu écouter en vrai pour en juger avec certitude.)

À peu près tout ce qu'a fait Soffel est ultime de toute façon – au disque, n'hésite pas à essayer ses Brahms…

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