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Rajeunir l'image du classique


Grâce à la technologie, c'est possible !

Pendant la (brève) lecture, musiques d'ambiance, au choix :

XVIIe :

L'hymne à la jeunesse puissante et insouciante au milieu de la Passacaille d'Armide (1686) de LULLY. Représentations du Théâtre des Champs-Elysées en novembre 2008 (William Christie, Choeur & Orchestre des Arts Florissants, Anders Dahlin en soliste).

XVIIIe :

La jeunesse comme inexpérience aux confins de l'ingénuité, charmante ou rigolarde, au choix. Madé Mesplé dans Richard Coeur de Lion (1784) de Grétry (version Edgar Doneux). C'est l'air repris par Tchaïkovsky dans sa Dame de Pique et mis, de façon plus mélancolique (la partition note allegretto, c'est vraiment une ariette charmante - ça ne s'entend pas trop dans cette version), dans la bouche de la vieille sorcière comtesse.

XIXe :

L'exaltation de la jeunesse, une chanson lancée dans la nuit, une invitation qui n'est pas audible mais qui est entendue. La magie théâtrale du Calife de Bagdad de Boïeldieu dans la version Almeida. (Composé en 1800, mais la carrière de Boïeldieu appartient tout de même au XIXe siècle.)

Mais cette ardeur n'a pas toujours l'aspect d'un désintéressement parfait, particulièrement chez les Messieurs (et les voix graves). Ici, un ténor lubrique, le Faust Second Empire de Gounod (version de 1869, sans dialogues). Version d'Henri Büsser en 1930, avec César Vezzani et Marcel Journet.

XXe :

La jeunesse, c'est le temps des possibles, et aussi celui de l'incertitude, comme en rêve. Témoin la Juliette ou la clef des songes de Bohuslav Martinů (1936-7), fondée sur la pièce homonyme de Georges Neveux (1926).

Au vingtième siècle, le principe est généralement plus simple : la jeunesse n'est pas, comme au XVIIIe siècle, l'état qui précède l'instruction par la confrontation (victorieuse) aux dangers du monde, c'est l'état de fausse innocence qui précède et facilite la dépravation et la révélation des bassesses de l'âme. Ici, un extrait de l'acte II de la Colombe (1958-9) de Jean-Michel Damase sur le texte de Jean Anouilh (1951). Avant une répétition, Armand, demi-frère de l'époux de Colombe parti au service militaire, écarte un à un les vieux papillons ; leur répétition d'un duo d'aveu est l'occasion pour eux d'oublier un peu le malheureux Julien, voire un peu plus que cela.


Et à présent que votre choix est fait, la solution miracle pour rajeunir l'image du classique :


AVANT :

APRES :

Progression :

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Le plus cocasse est que le site qui propose cette spectaculaire application logicielle effectue la promotion de soins chirurgicaux à visée esthétique, nous dit-on - dont l'effet, il faut leur rendre cette justice, est la plupart du temps à peu près aussi heureux qu'on le voit ici.

Notule futile, juste une petite balade malicieuse : on rentrera tard ce soir et les lutins n'ont pas eu le coeur de laisser les lecteurs de CSS dans les affres de l'ennui.


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Commentaires

1. Le jeudi 18 juin 2009 à , par Sylvain

Il n'y a pas photo, ils étaient vraiment doués en prise de son au XVIIIe, tout se perd. ;)

2. Le jeudi 18 juin 2009 à , par DavidLeMarrec

En revanche les orchestres étaient déjà épais comme du Bruckner... Comme quoi, les clichés, hein.

3. Le jeudi 18 juin 2009 à , par Algernon

Excusez-moi, mais le créateur de Golaud était Hector Dufranne, du moins à Paris.

4. Le jeudi 18 juin 2009 à , par DavidLeMarrec

Oui, tout à fait, pardon, je corrige. La confusion vient peut-être du fait que j'avais d'abord eu le souvenir que Cabanel chantait dans cet enregistrement (or c'est dans des extraits plus tardifs avec Luccioni). Mais contrairement à Cabanel qui chantait tout, Journet tenait des emplois vraiment tournés vers la basse, et dans un répertoire plus "noble" et "lyrique" que le baryton Dufranne qui était beaucoup plus tourné vers le répertoire français et sa déclamation particulière.

Télescopage bizarre, j'arrange ça. Merci !

5. Le jeudi 18 juin 2009 à , par Algernon

Je vous en prie. Il s'agit peut-être aussi d'un souvenir d'une certaine sécheresse vocale commune à Journet dans Faust et à Dufranne dans ses extraits de Pelléas (1928).

6. Le jeudi 18 juin 2009 à , par DavidLeMarrec

Possible. (Très beaux extraits à connaître que ceux de Coppola et Truc.)

Cependant au niveau de la couleur, c'est plutôt entre Cabanel et Journet que je ferais un pont.

Je crois que le nom de Journet a tout simplement fait "écran" dans mon esprit à celui de Dufranne, et lui a piqué du coup ses attributions.

C'est une très vilaine spoliation, et je m'en repens.

7. Le vendredi 19 juin 2009 à , par vartan

Ton Damase, là, c'est une sorte de Poulenc finalement ?

8. Le vendredi 19 juin 2009 à , par Ouf1er

Mon Dieu, Mesplé, c'est VRAIMENT épouvantable !!!!!

Et oui, Damase, c'est un peu le lien entre (ou un mélange de) Poulenc et Françaix.Mais un peu moins inspiré, je trouve, que les deix prédécents....

9. Le vendredi 19 juin 2009 à , par Sylvain

>> Mon Dieu, Mesplé, c'est VRAIMENT épouvantable !!!!!

Elle a une voix qu'on croyait entendre sur un 78t.

10. Le vendredi 19 juin 2009 à , par DavidLeMarrec :: site


Eh ! Oh ! Monsieur du Natrav, lorsqu'on est invité en un lieu, on ne se montre pas désobligeant, merci. Oui, c'est assez proche de Poulenc, mais avec une vérité déclamatoire que l'autre n'a jamais pu approcher, et un esprit mordant qu'on chercherait en vain chez la fausse gloire qui lui fait indûment de l'ombre.

Nonmais.

Pour moi, c'est certes proche de Poulenc, mais il y a aussi comme des effluves de Richard Strauss, un lyrisme un peu décadent là-dedans, chose qui n'est, encore une fois, pas vraiment propre à Poulenc - ou alors celui de la musique chorale, mais combien moins allègre !

Bref, c'est du Poulenc si tu veux, mais c'est quand même nettement mieux. Le seul problème de Damase, c'est qu'il ne se renouvelait guère, et que d'une oeuvre à l'autre, on retrouve les mêmes (merveilleuses) tournures. Comme elles sont très typées, y compris orchestralement, ça s'entend plus qu'entre deux Lully, d'une certaine façon.

--

A part ça, Herr Ouf wer reitet spät und weit, Mesplé, horrible, allons donc ! Faut-il que vous ayez oublié ses inoubliables dialogues pour dire une chose pareille. Ce n'est pas idéal pour Laurette, un mezzo léger aurait mieux convenu, mais avec ses moyens, elle fait toujours mieux que bien.
Je serais plus réservé dans la mélodie, parce que le format s'y prête vraiment mal, mais enfin, c'est faire la fine bouche !

11. Le lundi 22 juin 2009 à , par Era

Décidément il faudrait que je me décide à écouter autre chose que Eugène de Damase, cette Colombe me semble très sympathique (je trouve effectivement qu'on y retrouve quelques procédés que Poulenc utilise, notamment concernant quelques enchainements harmoniques, et quelques méthodes rythmiques de la prosodie).

Pour Armide, on peut aussi citer le magnifique choeur "Ah, quelle erreur, quelle folie, de ne pas jouir de la vie" !

12. Le lundi 22 juin 2009 à , par DavidLeMarrec

Tout à fait, même qu'il est dans la dernière notule de CSS. :)

Tout à fait aussi concernant Poulenc, même couleurs harmoniques (pas vraiment comme à l'opéra, mais plutôt comme dans sa musique religieuse ou de chambre), similitudes dans le ton léger aussi.

Après, prosodiquement, c'est infiniment plus acéré et juste chez Damase, sans la grisaille un peu plus uniforme de Poulenc. Et plus lyrique dans le même temps.

Eugène le mystérieux, c'est très chouette, mais ce n'est pas un chef-d'oeuvre comme Colombe.
Le problème de Damase, c'est surtout qu'il utilise toujours exactement le même langage : je ne te fais pas l'affront de parler de sa musique instrumentale que tu dois bien connaître, mais L'Héritière, pourtant un drame sérieux, recycle en permanence les tournures de Colombe, jusqu'à la saturation - c'est magnifique quand même, mais moins brillant !

13. Le samedi 27 juin 2009 à , par Algernon

Revenant sur ce message, j'ai par inadvertance, puis par jeu, lancé tous les extraits en même temps : c'est merveilleusement amusant ! Pardon, et merci...

14. Le samedi 27 juin 2009 à , par DavidLeMarrec

C'est un exercice que j'aime beaucoup aussi, deux ou trois musiques en même temps, beaucoup de choses deviennent saillantes, et parfois pour un résultat heureux. Les anciens disques monophoniques Chant du Monde, où il fallait changer de baffle pour écouter la seconde partie, étaient particulièrement pratiques de ce point de vue (moins pour le reste...). Ecouté en stéréophonie, ça donne un relief inattendu aux opéras de Spontini.

Je vais changer de bannière en conséquence.

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