Carnets sur sol

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Le disque du jour — XCIX — Symphonie n°2 de Franz Schmidt (Malmö, Sinaisky)


En réécoutant ce soir cette symphonie, comme régulièrement — elle figure en bonne place dans notre proposition de hit-parade —, l'envie d'en toucher une poignée de mots.


Plus encore que pour Bax ou Alfvén, il est difficile d'imaginer un meilleur résumé d'un postromantisme souriant, reprenant à la fois les élans du dernier XIXe siècle (avec ces cordes qui s'épanchent comme dans du Richard Strauss), le formalisme du premier vingtième (formes d'école, dont les variations, les scherzos répétitifs…), les contrepoints et zébrures plus troubles des décadents (on est entre 1911 et 1913, en plein dans la période). Le tout se présente sous un jour avenant et très lumineux, qui cache ce que ses masses doivent à Bruckner, ce que ses contrechants vénéneux doivent aux pionniers de l'âme qui exploitent dans le même temps à l'opéra les thématiques du désir et de l'inconscient. Malgré sa construction savante, l'œuvre paraît simple, joliment mélodique, presque pastorale – mais jamais contemplative, au contraire toujours babillarde malgré les tempi modérés.

Une synthèse de la fin du romantisme qui commence déjà à muter… mais une synthèse qui a laissé de côté les tourments de l'âme romantique, sans en perdre la tension.

Vraiment une œuvre que j'aime beaucoup. Les autres symphonies sont aussi à écouter ; la Première un peu moins que les autres (d'un postromantisme plus traditionnel), mais la Troisième et la Quatrième sont aussi des bijoux, dans une veine beaucoup plus sombre — la Quatrième a même la beauté désespérée d'un monde qu'on regarderait tranquillement, mais sans joie, une fois l'Apocalypse passé.


Schmidt est régulièrement décrit comme un romantique réactionnaire, façon Pfitzner (qui l'était indubitablement, témoin son essai Le danger futuriste, mais il faudrait là aussi nuancer légèrement, au moins musicalement)… en réalité son œuvre, qui comprend certes cette composante, est beaucoup plus diverse que cela. Et cette Deuxième Symphonie, avec ses aspects à la fois primesautiers et sophistiqués (quelque part entre Hamerik et Schreker), tranche assez avec l'image de compositeur sévère qui se complaît dans de vieilles formes un peu poussiéreuses et austères.

L'intégrale de Vassily Sinaisky avec l'Orchestre Symphonique de Malmö (Naxos) offre à la fois la clarté (prise de son incluse, superbe), la directionnalité, l'intensité et la pure beauté qu'on peut attendre ici. Difficile non seulement de faire, mais de rêver mieux. En symphonies isolées, Mehta fait tout de même une très belle Quatrième avec le Philharmonique de Vienne — les soli sont, forcément, très en valeur et d'une pureté saisissante.


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Commentaires

1. Le jeudi 11 décembre 2014 à , par Benedictus

Là (pas comme pour Bach), je ne peux que contresigner ce billet et me joindre avec enthousiasme à ta recommandation. En revanche, je ne trouve pas que la filiation brucknérienne soit si cachée que ça (enfin, si par Bruckner on entend la mélasse spiritualiste célibidacho-giulinienne, si).

2. Le jeudi 11 décembre 2014 à , par Jean-Marc Bartand

Pour les Schmidt par Vienne, il existe également un live de la 2ème par Leinsdorf. Vienne sonne vraiment merveilleusement dans cette musique, mais il y a peu de chefs qui semblent décidés à la jouer.

3. Le vendredi 12 décembre 2014 à , par DavidLeMarrec

@ Benedictus :
Disons que ce n'est pas structuré comme du Bruckner (sauf le scherzo de la 2, effectivement un peu parent), et que sans s'en cacher, ce n'est pas non plus l'influence principale. Ça me paraît un aspect mineur de certaines parties, je ne voulais pas donner une vision déformée d'un aspect germanique rigide (qu'on parle de tradition d'interprétation subvertie ou pas) qui n'est pas du tout celui des symphonies de Schmidt.

@ Jean-Marc Bartand :
Effectivement, Vienne dont je ne raffole pas d'ordinaire (et encore plus par le meilleur spécialiste des rutilances décadentes) fait très envie dans cette musique. Ça sonne déjà souverainement avec Mehta, alors avec Leinsdorf…
Malheureusement, je crois que ça n'a été publié que dans le coffret Andante (plus distribué, et de surcroît épuisé me semble-t-il). J'espère trouver ça un jour.

4. Le vendredi 12 décembre 2014 à , par Bara Spinozuch

Il existe un autre live viennois de cette deuxième, par Mitropoulos. Mitropolous qui avait également donné le Livre des sept sceaux à Salzbourg.

5. Le vendredi 12 décembre 2014 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir Tenbo,

C'est vrai ! Une version très claire de la Deuxième, où l'on entend les timbres de très près. Au détriment du fondu, et quitte à entendre des détails pas toujours jolis (les clarinettes ne sont irréprochablement justes, et ce pendant toute la symphonie…), mais c'est une expérience très intéressante à faire en parallèle des versions modernes captées de façon plus globale — on entend parfaitement la structure de l'orchestration.

6. Le samedi 13 décembre 2014 à , par Jean-Marc Bartand

C'est une constante du Vienne des années 50, ce côté un peu dépareillé. Il y a des soirs vraiment moyens, mais là c'est plutôt intéressant. Et puis Mitro n'a jamais été non plus le pape du fondu orchestral.
Le peu de fondu dans la musique du XXème persiste assez longtemps à Vienne, même avec Böhm (je pense à son Pelleas de Schönberg). On a souvent parlé d'un manque d'habitude de cette musique mais ce n'est pas réellement le cas, il y a une vraie posture esthétique, qui est tout à fait intéressante.

7. Le samedi 13 décembre 2014 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Jean-Marc,

En effet, jusque assez tard dans les années 50, les Viennois sont à la fois assez individualisés par pupitres (avec ces cordes un peu pincées, comme des solistes, et ces souffleurs qui brament) et vraiment irréguliers. Il y a des problèmes de mise en place très étonnants pour un orchestre qui n'était manifestement pas, à cette période, le plus virtuose d'Europe.

C'est probablement lié à une question de reconstitution du niveau après les dévastations de la Seconde guerre mondiale, ajoutés à la dénazification qui suit ; et, à mon avis, au type de prise de son. Mais effectivement, on entend implcablement les imperfections. Cela dit, pour du Mitro, ce n'est pas du tout désordonné, ils sont tous dans un très bon soir — quitte à choisir une version de complément après Sinaisky, autant prendre celle-là qui sonne vraiment différemment, au lieu des autres versions récentes qui, dans la même lignée esthétique que Sinaisky, font moins bien.


On a souvent parlé d'un manque d'habitude de cette musique mais ce n'est pas réellement le cas, il y a une vraie posture esthétique, qui est tout à fait intéressante.

Oui, et particulièrement valable dans ces répertoires très richement contrapuntiques, où le fondu n'a pas du tout le même intérêt que dans Brahms ou Bruckner (s'il a toutefois un intérêt dans l'absolu, ce dont je ne suis pas complètement persuadé).

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David Le Marrec

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