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Le disque du jour - XXII - Asger HAMERIK, Symphonie n°1

Asger Hamerik (1843-1923) appartient à cette catégorie de compositeurs nordiques qui ont perpétué jusqu'à une période très tardive un langage totalement romantique et consonant, souvent doté de programmes et de sous-titres.

Pour cette raison, ils sont considérés comme sans influence (avec quelque raison) dans l'histoire de la musique, dont ils participent pourtant, et méprisés, valeurs du progrès et de l'originalité obligent [1].
D'une certaine façon, leur classement dans la catégorie easy listening est tout à fait justifiée, ce qui n'enlève rien, au demeurant, à leurs qualités intrinsèques. A recommander chaleureusement aux néophytes.

Lire la suite et écouter les extraits.

Notes

[1] Des valeurs toujours primordiales aujourd'hui dans les modes d'évaluation de l'art. Le fait d'avoir énoncé la chose en premier ou d'avoir eu de l'influence est un critère fort pour juger de la qualité d'un compositeur - sauf pour Meyerbeer, ce qui est profondément injuste.


Asger Hammerich, qui a changé son patronyme en 1864 de façon plus clairement danoise à l'occasion de la guerre dano-prussienne, serait de ce point de vue assez comparable au charme encore mozartien de Stenhammar - le Langgaard le plus juvénile ou le plus conservateur faisant figure de terrible avant-gardiste dans ces contrées -, mais d'une façon beaucoup plus proche des formes traditionnelles. Pour tout dire, le ton rappelle Weber et Czerny - mais avec moins d'audaces. De même que pour Thora (qui est, on le rappelle, un des plus beaux opéras que connaisse CSS), il suffit de ne pas regarder la date de composition et tout se passe très bien.

Outre, on le sait, le protégé de Berlioz à Paris, il a été l'élève des compositeurs emblématiques danois du XIXe siècle, Niels Gade et J.P.E. Hartmann, mais sa musique bénéficie de plus de relief, et d'un sens du développement très aigu.

La Première Symphonie d'Ager Hamerik porte, comme toutes les autres, un sous-titre français (héritage de son apprentissage parisien), et on ne s'avance pas trop en pensant qu'il doit s'agir de la plus belle des sept. Symphonie dans le ton paisible et débonnaire de fa majeur, dite "Symphonique poétique", composée en 1879-1880 (Op.29). Quatre mouvements, toujours dans ce ton post- Sturm und Drang, avec une harmonie weberienne et des climats très proches du Czerny de la Première Symphonie (à connaître absolument, au passage).

Un assez large mouvement Allegro moderato ed espressivo ouvre l'ensemble avec un bref motif dansant de flux-reflux - dont le ton lumineux et apaisé peut évoquer les premières mesures de la Deuxième Symphonie de Sibelius. Ce motif est (de façon passionnante) développé tout au long du premier mouvement, et rejaillit sous des formes apparentées dans les autres sections. Beaucoup de plénitude et d'insouciance dans ce langage qui, tout en utilisant des procédés postbeethoveniens (motif minimal développé durant toute la symphonie, à l'image de la Cinquième), demeure d'une naïveté et d'une plénitude toutes mozartiennes. Une vraie joie sans mélange [1], et ce premier mouvement, constitue réellement l'élément le plus précieux de la symphonie, prolongé par le scherzo (Allegro marcato), très traditionnel, mais d'une force d'impact assez saisissante - Thomas Dausgaard y laisse ses phrasés moelleux et parfois indolents qu'on a pu lui connaître dans Langgaard pour y exalter une sauvagerie extrêmement bienveillante, très réjouissante.
L'Andante con moto, calme et limpide, poursuit agréablement la symphonie ; en vérité, seul l'Allegro giusto final déçoit, semblant tourner un peu à vide dans des formules brillantes mais peu imaginatives en attendant une très belle coda, spectaculaire et moins conforme à quelque « déjà entendu ».

A mettre entre toutes les oreilles, du moins celles qui ne sont pas totalement rétives à la consonance. N'importe quel amateur occassionnel de musique classique, n'importe quel mélomane pas trop préoccupé par les impératifs de la posture novatrice des compositeurs devrait y trouver largement son compte.
Accessoirement, à ranger du côté des musiques romantiques optimistes dont l'écoute met du coeur à l'ouvrage.

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Le disque de Thomas Dausgaard avec l'Orchestre Symphonique de Helsingborg représente la seule occurrence discographique de cette oeuvre, et révèle ici des talents inconnus de vivacité et de (relative) incisivité chez ce chef, toujours très doué pour la clarté, mais pas nécessairement pour l'urgence.

L'orchestre suédois fait valoir, comme tous les orchestres nordiques, des cordes merveilleuses, à la fois voluptueuses et légèrement acidulées, des bois de rêve, des cuivres légers, clairs et incisifs, des timbales expressives... De très loin le meilleur terreau orchestral au monde, à notre avis.

La deuxième symphonie, qui porte le sous-titre "symphonie tragique", elle aussi dans son unique version discographique, complète le programme, mais il faut reconnaître que l'intérêt en est sensiblement moindre - comme chez Czerny...

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Pour finir, voici le tout début de chacun des mouvements de ce disque publié par l'excellentissime (et indispensable défricheur) label danois Dacapo.

  1. Allegro moderato ed espressivo
  2. Allegro marcato
  3. Andante con moto
  4. Allegro giusto


Les lutins félicitent d'avance les nombreux heureux acheteurs qui ne manqueront pas de se manifester auprès des revendeurs spécialisés.

Notes

[1] qui, du coup, a tout pour séduire les néophytes, auxquels on pourrait volontiers recommander ceci, plus encore roboratif et régulier formellement que du Stenhammar


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