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Chant : pourquoi avoir peur des rôles lourds ?


Si l'on est amateur d'opéra, un peu intéressé par les voix et d'humeur pas trop docile, on s'est forcément demandé pourquoi il n'était pas possible à un chanteur qui a les notes de chanter tel ou tel rôle. Pourquoi Fritz Wunderlich n'a-t-il jamais reçu de propositions pour Radamès ou Siegfried, alors qu'il en avait sans problème l'ambitus, ainsi qu'une solide technique ?

Si l'on aime les incarnations tendues, les prises de rôles risquées, les timbres clairs et les voix ductiles (si l'on est moi, en somme), on finit forcément par mettre en doute cet axiome, partout répété et rarement expliqué.

Voici donc quelques pistes de réponse.

1. L'Histoire

On invoque très souvent les fantômes invérifiables du passé et les critiques (généralement réalisées par des compositeurs aigris ou des lettreux sans compétence musicale particulière) généreuses faites sur le volume, leur charisme et leur timbre extraordinaires... tout en négligeant que nous ne les avons jamais entendus, qu'il s'agissait de salles plus petites, que lesdits critiques devaient être bien placés, etc. Ces questions (et mes réticences personnelles sur ce genre d'extrapolation à prétention historique) ont déjà été abordées dans une notule indépendante, je n'y reviens pas.

En tout cas, en écoutant les créateurs encore en exercice au début du XXe siècle (Francesco Tamagno pour Otello, Hector Dufranne pour Golaud...), on se rend compte que les voix sont beaucoup plus claires et libres (difficile de juger de la puissance, qui paraît un peu moindre mais ne l'est pas forcément) que les grosses voix ultradramatiques et ultrasombres que l'ont distribue dans les rôles lourds, souvent sous couvert de respect de la tradition.


« Niun mi tema » d'Otello de Verdi par Francesco Tamagno en 1903, créateur du rôle une quinzaine d'années plus tôt.



Exactement un siècle plus tard, voici à quoi ressemble un des Otello les plus demandés sur les plus grandes scènes (Vladimir Galouzine).


2. La couleur

L'autre raison la plus évidente, et en tout cas celle que l'on met généralement en avant, n'est pas non plus totalement pertinente. Pour commencer, elle ne s'applique pas à tous les rôles ni tous les chanteurs, car certains rôles se prêtent bien à des couleurs différentes, et certains chanteurs parviennent à changer de répertoire sans altérer leur timbre.

Néanmoins, il est vrai qu'on imagine peu Alain Vanzo dans un rôle héroïque comme Siegmund ou Otello, où il paraîtrait presque galant. Mais il y a finalement peu de cas où ce soit réellement un obstacle si le chanteur dispose d'une certaine intelligence interprétative – le même Vanzo a enregistré des extraits remarquables de Turiddu (rôle squillante par excellent, où l'on attend éclat et insolence), alors même que le rôle est tout ce qu'on ne devait pas en attendre.


Ce qu'on attend habituellement d'un Turiddu dans Cavalleria Rusticana de Mascagni : du métal, de l'insolence, des aigus qui claquent (Franco Corelli).



Pourtant, la version légère fonctionne très bien si on prend la peine d'adapter le phrasé et les dynamiques (Alain Vanzo).


3. Le grain

Nous arrivons donc au premier argument sérieux : les voix plus légères ne peuvent pas forcément disposer de la densité de métal, du tranchant du timbre nécessaire pour les grands éclats.

On voit bien l'impossibilité pour une voix comme Bostridge de donner vie aux emportements, aux accents et aux cris d'Otello.


« Warte, warte, du wilder Schiffmann » de Schumann (Liederkreis Op.24) : clairement pas le matériau robuste qui pourrait affronter les difficultés techniques et l'arrogance des rôles dramatiques. Par ailleurs, la voix est encore moins sonore en salle qu'il n'y paraît au disque, vraiment minuscule –– il suffirait d'un orchestre modeste pour l'occulter.



« Esultate » d'Otello de Verdi par le jeune Jon Vickers (époque d'avant l'émission complètement nasale), dans le studio RCA de Tullio Serafin. Où l'on voit les possibilités expressives offertes dans les grandes formes par une voix dotée d'un solide métal, propre à faire porter loin des accents forts.
De surcroît, on entend combien la voix est ici couverte, toutes les voyelles modifiées (beaucoup de [eu]), tandis que Bostridge pouvait se permettre, dans ces œuvres plus intimistes, d'ouvrir ses sons à des fins expressives.


Néanmoins, ici encore, cela peut être contourné dans bien des cas par l'interprète ; la plupart des rôles peuvent tout à fait supporter une lecture plus lyrique, avec un aigu doux et mixé plutôt qu'en voix pleine.

4. La puissance

Premier critère réellement discriminant : la puissance. Les voix plus larges sont généralement plus puissantes (cela se mesure bien souvent au tour de taille, les instruments les plus robustes étant proportionnellement davantage fixés sur des corps amples), plus chargées en harmoniques (ce qui permet de surmonter les larges orchestres).

C'est là un fait incontournable : dans les rôles où il faut rivaliser avec l'orchestre, impossible d'embaucher quelqu'un de trop pur et délicat, qu'on n'entendrait pas du tout.

Pas d'extrait ici, parce que la puissance ne s'entend pas vraiment en retransmission : avec l'habitude, on peut la deviner (avec une marge d'erreur) selon la technique vocale employée, mais le mixage permet tous les équilibres possibles. Et même sans retravailler une bande, les micros et les systèmes de restitutions ne rendent jamais les équilibres véritables de l'oreille humaine (et du reste du corps, qui vibre aussi !) physiquement présente dans la salle.


5. Le danger

Enfin, le sujet le plus intéressant, sur lequel on peut s'interroger longtemps sans trouver d'explication dans les traités. Tout le monde dit qu'il est mauvais de chanter plus large que sa voix... mais pourquoi ?

En réalité, il n'est pas dangereux dans l'absolu de chanter un rôle dans sa tessiture qui soit plus large que sa « nature »... à condition de le chanter « avec sa voix », c'est-à-dire sans changer le timbre habituel de l'instrument.

À nouveau, pourquoi ?

Il est possible de changer complètement l'aspect d'une voix, et donc ses emplois, selon la technique utilisée ––– mais il est à peu près impossible de multiplier à haut niveau ce genre de versatilité extrême : la plupart des chanteurs restent conditionnés toute leur vie par leur façon de parler depuis l'enfance, ou par leur premier prof de chant... De ce fait, pour à peu près tout le monde, il existe, pour une voix donnée avec une technique donnée, un espace où le timbre est optimal, harmonieux, plein, éclatant, etc.

Si on cherche à sonner plus large et plus sombre, il faut augmenter le soutien diaphragmatique (autrement dit la pression du souffle) ; mais au delà des limites pulmonaires du chanteur, ce qui va être gagné en noirceur et en largeur apparente va être perdu en définition du timbre.

Et, lorsqu'un rôle est plus grave que ses habitudes (c'est généralement le cas pour les rôles dits dramatiques), ou lorsqu'il suppose de chanter fort pour paraître énervé, méchant ou héroïque, on a tôt fait d'imiter ce que produit une voix emportée, et de chanter plus sombres que sa nature.

À l'arrivée, le timbre devient de plus en plus terne, et contre-intruitivement, la voix devient moins projetée et moins puissante, parce qu'elle s'éloigne de son équilibre optimal. Sur le long terme, cela peut aussi signifier que le chanteur pousse sur son instrument sans le soutien nécessaire, ou à des intensités au delà de sa nature, ce qui peut endommager durablement sa voix.


Marcelo Álvarez il y a quelques mois, parvenant (alors qu'il chante des rôles semi-dramatiques comme Manrico, don José ou Werther) à conserver, dans un rôle largement tenu par des ténors dramatiques, à conserver l'émission claire et assez légère de ses débuts. « Cielo e mar » dans La Gioconda de Ponchielli.



À l'opposé, son extrait d'Otello dans son récital Verdi le montre essayant de sonner plus large, avec pour résultante la perte de l'éclat de son timbre (à part dans certains aigus qui se libèrent soudain – « O gloria ! ») et l'apparition fugace d'un vibrato désagréable.


Pour un amateur, ou quelqu'un qui se produirait dans de petites salles avec des ensembles réduits, la contre-indication n'a en réalité pas de sens : il n'y a pas d'enjeux de volume lorsqu'on chante avec piano ou dans de petits espaces. Mais cela réclame d'avoir une sorte de maturité d'oreille, d'être capable de recréer un son nouveau pour un rôle qu'on a toujours entendu chanté de façon sombre et éclatante. C'est difficile, particulièrement pour ceux qui se reposent davantage sur leur culture d'écoute que sur la partition – et ils sont légitimement nombreux parmi les amateurs.

6. Le sens inverse

On insiste généralement sur les grenouilles qui veulent jouer au bœœœuf, sans doute à cause du danger technique, et parce qu'on établit une hiérarchie implicite qui favorise le volume sonore – un « grand chanteur » dispose en principe d'un grand tromblon. Mais le phénomène inverse existe également ; il est sans danger pour la voix, mais à mon avis bien plus redoutable pour la musique.

Les instruments habitués aux grandes largeurs développent un grain dur et irrégulier, qui permet de passer les orchestres, mais qui sont singulièrement disgracieux dans les répertoires plus légers. Même un wagnérien très clair comme Klaus Florian Vogt, même un rossinien (ou verdien léger) comme Kunde sonnent un peu maladroits et disgracieux dans du Mozart. Cela s'entend très bien chez les wagnériens qui veulent s'essayer au lied : même avec de très beaux timbres comme Peter Seiffert, la voix est trop robuste pour permettre les petits changements de couleur et les inflexions discrètes qui rendent le chant expressif dans ce répertoire. Même Lotte Lehmann, comparée à des voix spécialisées comme Elisabeth Schumann, paraît monolithique dans ses Schubert.


Même dans Richard Strauss (Heimliche Aufforderung), Peter Seiffert sonne bien monolithique, et le timbre un peu « gros » et indifférencié pour ce type d'expression – alors même qu'il a pratiqué le Liederabend pendant toute sa carrière.



Par commodité, parce que c'est là que les exemples sont les plus spectaculaires, j'ai surtout choisi des ténors pour illustrer mon propos. Mais cela vaut aussi pour d'autres types de voix. Par exemple Hans Hotter, pourtant pas le plus mal lotti, chante ses Schubert (transposés trop grave, comme le font toutes les basses et beaucoup de barytons) avec une voix encore belle, mais très homogène... tout est très chanté, très épais, difficile de sentir la fêlure chez son Wanderer schubertien, on entend davantage la lassitude d'un personnage cohérent, sans évolution. Ce serait superbe à l'opéra façon Wotan, mais c'est en deçà de ce qu'on peut attendre d'un tel chef-d'œœuvre du lied.
Mais ici, la cause est au moins autant le problème des voix de basse dans ce répertoire que le fait qu'il ait chanté Wagner et Strauss... d'où l'intérêt de regarder plutôt dans les voix plus aiguës (les ténors étant les plus audiblement exposés à ces variations).
« Frühlingstraum » du Winterreise, dans sa version avec Gerald Moore.


7. Le déclin du chant

On tire souvent du phénomène de grossir artificiellement le timbre le constant d'un déclin, de la nature ou de la technique. La question, ici aussi, a déjà été abordée, je n'y reviens pas en détail. Simplement, la façon de parler a changé au fil de l'Histoire, et de façon spectaculaire dans le dernier siècle, depuis l'imposition de la vie citadine comme modèle en Europe et la généralisation du matériel d'amplification.

Je vois toutefois deux arguments plus profonds que la simple supposition de la dégénérescence de l'espèce humaine ou des professeurs de chant.

=> D'abord, l'omniprésence de modèles sonores : aujourd'hui, on peut entendre beaucoup de voix, en permanence, et avoir dans l'oreille de façon très présente tel chanteur dans tel rôle, en plus captés dans des conditions de studio pas forcément réalistes. De ce fait, on est possiblement plus tenté d'imiter ce que l'on entend, et de passer à côté de l'intensité juste pour sa propre voix (cf. §5).

=> Ensuite et surtout, la disparition du falsetto dans les répertoires postérieurs à 1800 (voire à 1750). Dans un monde où la virilité est incarnée par le fumeur alcoolique qui râle indistinctement dans son micro boutonnière, la voix éclaircie par le second mécanisme (donc la voix mixte et le fausset) est perçue comme peu masculine, précieuse, soit aristocratique soit tout de bon invertie. Bref, suspecte. Autant aux XVIIe et XVIIIe siècles la voix presque féminine du héros (ténor en France, falsettiste ailleurs) était le signe de ses qualités exceptionnelles, éventuellement conférées par des forces surnaturelles, autant aujourd'hui, on ne supporte plus guère de voir l'ardeur des guerriers romantiques exprimée avec cette forme de grâce désuète.
Mais de ce fait, les voix qui ne fonctionnent plus que sur le mécanisme de poitrine se durcissent plus facilement de l'aigu – sans parler du fait qu'il est plus facile de « reconfigurer » le « centre de gravité » d'une voix à partir de l'équilibre mixte des deux mécanismes, parce que la voix y est beaucoup plus souple et ne nécessite pas la même tension musculaire. Bref, seules quelques forces de la nature peuvent faire cela sans jamais, stress de la carrière aidant, crisper leur instrument à terme.

En somme, il n'y a pas forcément de déclin, mais on gagnerait à remettre en cause ces représentations implicites de la virilité (pour les barytons et ténors, les basses étant moins concernées et les voix de femme obéissant encore à d'autres logiques) et à s'interroger sur ce qui faisait la facilité des chanteurs de la « Grande Époque ». J'ai nommé quelques pistes, il y en a d'autres.

8. Un bilan

Il y a, mis à part quelques raisons esthétiques tout à fait contournables, deux principaux dangers lorsqu'on surdistribue un chanteur : qu'il ne soit pas entendu (ce qui est fâcheux pour le public) ou qu'il abîme son timbre (ce qui est fâcheux pour le public, et périlleux pour lui). Néanmoins, si l'on tient compte de cela, on peut tout à fait faire jouer, comme j'aime à en plaisanter (à demi), Tristan pour nonette avec Monique Zanetti et Mark Padmore : ils ont les notes, il n'y a pas d'enjeu de puissance si ce n'est pas un nonette de cuivres, ils peuvent tout à fait le chanter avec leur voix... et on obtiendrait une couleur inédite, sans doute plus de demi-teintes... moins de passion sauvage, mais une forme d'élégance et de mise en valeur des mots qui serait sans doute très séduisante à sa manière.

D'une manière générale, ces expériences de surdistribution, soit par l'envie de dépassement qu'elles impliquent (Mimi effect), soit par le charme de leur couleur nouvelle, peuvent être assez merveilleuses lorsqu'elles sont réussies. Il n'y a donc pas lieu de jeter l'opprobre a priori sur elles. Qu'on songe à Piia Komsi, soprano léger qui a chanté la Brünnhilde du Crépuscule dans la réduction pour orchestre de chambre de Jonathan Dove, complètement survoltée, n'hésitant pas à poitriner ses (minuscules) graves avec un aplomb renversant ; comme elle ne cherchait absolument pas à passer pour un dramatique et conservait son timbre clair (comment faisait-elle dans une tessiture aussi basse ?), le résultat était stupéfiant.

Pour les amateurs qui souhaitent essayer ce type d'expérience, deux recommandations : être conscient de son type de voix, de façon à respecter son timbre (même si pour l'amateur, il y a peu de risques de surmenage à long terme) ; et essayer de chanter d'abord à faible intensité la partie, pour bien 'focaliser' son timbre, et élargir ensuite progressivement, en vérifiant toujours avec l'enregistrement le moment où le soutien ne suffit plus à maintenir le timbre correctement.


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Commentaires

1. Le lundi 23 septembre 2013 à , par Cololi :: site

Chanter avec sa voix des rôles chantés par des voix plus large ... c'est très difficile. Pour les amateurs c'est une évidence ... mais je pense que c'est le cas même pour les pros.

Tu ne parles pas de l'écriture vocale. Ca doit bien jouer un rôle ! Je trouve par exemple Mozart très confortable. Il doit avoir une spécificité, et je ne suis pas convaincu que ça tienne à la richesse de l'orchestration.

Ni une question de tessiture ... par exemple je trouve certains passages de Camille de Coutençon franchement pas facile, pourtant souvent donné aux ténors léger ... alors que certains passages sont très "lyriques" .

Certains Haendel ne sont pas faciles pour des voix légères : "Descend kind pity" de Theodora ne monte pas vraiment ... mais difficile de sonner vraiment libre et léger là dessus car je trouve le centre de gravité bien trop bas.

Bref ça tient au caractère de l'air ... à la ligne de chant ... et ça ne se joue pas à grand chose à mon avis.

2. Le lundi 23 septembre 2013 à , par DavidLeMarrec

Si tu ne cherches pas imiter une voix dramatique, tu peux tout à fait chanter Otello sans risque, et très joliment (évidemment, si tu ajoutes l'orchestre, tu seras obligé de forcer pour être entendu, il y a bien sûr des limites).

Je ne parle pas de l'écriture vocale parce que mon propos se limite aux cas où la limite n'est pas lisible sur la seule tessiture (mais plutôt dans l'orchestration, ou dans la couleur dramatique attendue pour le personnage). Bien entendu, si tu veux faire chanter Siegmund à un léger, il sera hors de sa zone de confort, ça ne se discute même pas.

Pour le baroque, il faut voir que le rapport au passage n'était pas du tout le même, les volumes requis non plus (taille des salles, de l'instrumentarium, spectre harmonique spécifique des instruments d'époque) : il était donc tout à fait possible de faire chanter bas à des voix claires.

3. Le mercredi 4 juin 2014 à , par Sandrine

Bonjour David, je suis contente d´être tombée sur cet article, fort bien écrit du reste, car une question me travaille : qu´est-ce, au juste, une voix métallique ?
Car j´ai vu plusieurs fois des expressions tournant autour de ce concept mais je n´arrive pas á voir ou plutôt á entendre de quoi il s´agit dans les faits : pourriez vous me donner un exemple de chanteuse lyrique ayant une voix métallique, puis un exemple d´une autre chanteuse du même registre mais n´ayant pas une voix métallique ? En vous remerciant par avance .

Imiter une voix dramatique, je ne crois pas que cela soit possible : assombrir son timbre, peut-être, mais qui dit timbre sombre ne dit pas forcément voix dramatique avec un volume imposant : j´ai en tête des chanteuses comme Mijanovic ou Mingardo qui possedent incontestablement des voix rondes, foncées de couleur mais qui n´ont sûrement pas l´impact requis pour chanter du Wagner ou des rôles lours de Verdi, d´ailleurs ces deux artistes se cantonnent esssentiellement au baroque qui, en principe, ne demande pas les mêmes exigences orchestrales que pour les oeuvres des époques plus tardives : du reste, vous le confirmez vous-même dans le message ci-dessus .

Les véritables voix dramatiques, toutes catégories confondues, sont tres tres rares : il semblerait qu´il n´y ait qu´un ou deux sopranos wagnériens par siecle, il est donc possible que ce soit justement á cause de la rareté de cette voix que certain(e)s artistes " trafiquent" leurs voix .

La zone de confort de la voix n´a que peu de rapport avec la couleur : un mezzo-soprano léger peut se sentir á l´aise dans la même partie de tessiture
qu´un mezzo-soprano dramatique; lá oú les choses changent, c´est que la légere aura forcément moins d´impact que la dramatique mais au niveau des notes uniquement, rien dans l´absolu n´empêche un mezzo grave léger de chanter Dalila, de même qu´un soprano de couleur dramatique mais de tessiture de confort aigue pourrait tres bien chanter Zerbinetta de Strauss .

4. Le mercredi 4 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Sandrine,

qu´est-ce, au juste, une voix métallique ?

Le terme est forcément piégeux, puisqu'il est métaphorique. Mais pour faire simple, une voix métallique est une voix qui « grésille », qui est placée dans le masque de façon très audible. C'est plus audible chez les hommes (il y en a quantité chez les ténors : Del Monaco, Corelli, Tucker... contrairement à Bergonzi, Pavarotti) que chez les femmes, dont l'émission de tête ne favorise pas trop cette caractéristique.

Mais tout de même :
- métallique : https://www.youtube.com/watch?v=u86F6ndmXt0
- pas métallique : https://www.youtube.com/watch?v=cSr7hh9mbyg


Imiter une voix dramatique, je ne crois pas que cela soit possible : assombrir son timbre, peut-être, mais qui dit timbre sombre ne dit pas forcément voix dramatique avec un volume imposant

Imiter n'est pas reproduire. Si l'on pouvait faire des voix dramatiques complètes avec des physiologies de léger, la face du monde lyrique en serait profondément changée.

Il y aura toujours, effectivement, même à technique similaire, une grande différence de puissance (voire de forçage lorsqu'il faut lutter avec l'orchestre). S'il y a bien une limitation objective aux distributions, c'est celle-là (probablement plus encore que les tessitures...).

il semblerait qu´il n´y ait qu´un ou deux sopranos wagnériens par siecle,

Ça, c'est du pipeau, commode quand on a un article à écrire en peu de caractères et la flemme de chercher une info pertinente. En revanche, oui, c'est vrai, ces voix sont rares, parce qu'il y en a peu dans l'absolu, et parce qu'elles sont en plus difficiles à bâtir correctement... À cela s'ajoute la brièveté des carrières, vu ce que les compositeurs exigent de ces voix.

il est donc possible que ce soit justement á cause de la rareté de cette voix que certain(e)s artistes " trafiquent" leurs voix .

Bien sûr ! Et aussi à cause de l'envie de chanter certains rôles – si on fait de l'opéra, c'est souvent l'ivresse de l'ampleur, presque tout le monde veut chanter Tosca ou Isolde en commençant le chant...

de même qu´un soprano de couleur dramatique mais de tessiture de confort aigue pourrait tres bien chanter Zerbinetta de Strauss .

Outre la question de crédibilité, je crois tout de même que les dramatiques capables du contre-sol ne sont vraiment pas légion. C'est déjà un peu plus envisageable pour la Reine de la Nuit, comme quelques-unes (Moser, Deutekom...) l'ont montré ; et surtout plus adéquat dramatiquement.

5. Le mercredi 4 juin 2014 à , par Sandrine

Rebonjour, pour ce qui est de l´exploitation du contre-sol chez une soprano dramatique, tout dépend du type de dramatique dont il s´agit : s´il s´agit d´une soprano grave, il est clair qu´elle aura peu de chance de posséder un sol 5 en tessiture (je parle bien de la tessiture et non de l´étendue) . En revanche, s´il
s´agit d´un soprano dramatique aigu, rien n´empêche qu´elle puisse donner quelque chose de valable avec cette note . Je pense que dans ce systême de cas, tout dépend de la voix de départ de la chanteuse et de comment elle l´a travaillée . Il peut sûrement arriver qu´une soprano de type grave arrive, avec du travail et de la volonté, á chanter un répertoire pour soprano aigu : apres, il est clair qu´il lui faudra une sacrée technique pour que la voix tienne le coup mais c´est pour dire que l´on peut, évidemment en restant dans les limites du réalisme, rencontrer plein de cas originaux, voire fantaisistes pour certains .
Pour citer un exemple des plus célebres, Callas n´avait pas une voix de départ de soprano aigue et elle a pourtant chanté des partitions ( Lakmé, Dinorah) qui demandent plutôt cette tessiture . A ce propos, est-il vrai qu´elle a enregistré en studio Die Hölle Rache ? Je ne sais plus oú j´ai lu ou entendu cette rumeur mais s´il s´agit d´un fait réel, j´aimerais bien l´entendre .... par curiosité .

6. Le jeudi 5 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

Tout est possible (et inversement), mais les voix sombres ont en général moins d'aisance avec l'aigu : les deux phénomènes sont distincts, mais un minimum corrélés.

Callas s'est contentée de chanter les airs de Dinorah et Lakmé, ce qui n'est pas équivalent à tenir les rôles entiers à la scène. Cela dit, le reste de la partition ayant à chaque fois un centre de gravité plus central, elle aurait pu. Néanmoins elle les a enregistrés comme airs de bravoure, pas du tout comme témoignage de son répertoire.

Quant à la Reine de la Nuit, il en existe bien mention, lors d'une masterclass à la Julliard School, mais je crois qu'il devait plus s'agir d'extraits en doublant l'étudiante que d'une réelle interprétation. L'usage de contre-fa en 1971 me paraît quand même de l'ordre de la science-fiction. :)

7. Le vendredi 6 juin 2014 à , par Sandrine

Je pense que même s´il ne s´agit que d´un enregistrement de studio, il faut tout de même avoir les notes requises, ne serait-ce que pour la qualité et pour les capacités : une soprano qui n´a pas le contre-mi dans la voix ne pourra chanter Lakmé ni á la scene ni au disque, cela va de soi .

Si c´était en 1971, il semblerait en effet douteux que Callas ait chanté Die Hölle Rache mais je pensais plutôt á une interprétation qu´elle aurait donné au disque lors de ses premieres années de célébrité, c´est á dire quand sa voix avait son plein potentiel mais personnellement, j´ai toujours trouvé ses suraigus plutôt ingrats malgré tout le bien que l´on peut en dire; je préfere nettement Callas en soprano grave dramatique, voire en mezzo-soprano oú elle aurait pu faire une carriere vraiment intéressante .

Une parenthêse: selon vous, serait-il plus facile pour une Elizabeth de Valois de chanter Eboli ou bien l´inverse ? Je me pose la question car il paraît qu´au niveau de la tessiture, ces deux rôles sont jumeaux .

8. Le vendredi 6 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir Sandrine,

Callas n'a jamais « chanté » cet air à un autre moment – sous sa douche peut-être, et encore, il devait y avoir des exégètes dans la chambre d'en face.

Je suis d'accord, les suraigus de Callas sont horribles (timbre blanc et étroit, et vibrato irrégulier de grande amplitude...), je me suis toujours sérieusement interrogé sur la part de délire collectif de ceux qui trouvent ça exemplaire.

Pour moi aussi, Callas a donné son meilleur en soprano dramatique (Amelia mascherata), et je l'aime particulièrement dans ses rôles de mezzo (sauf Kundry, mais le problème n'est pas vocal, seulement qu'elle passe tout à fait au travers de cette musique).

Impossible de faire un choix pour Valois <=> Eboli : tout dépend de la voix de départ. Les deux étendues sont identiques effectivement (Eboli monte même un demi-ton plus haut, et les deux descendent aussi bas), mais les tessitures diffèrent : Eboli a quand même beaucoup de passages plus centraux-sonores, tandis qu'on attend d'Élisabeth certains sons suspendus...
Surtout, il faut une voix qui claque pour Eboli, c'est un rôle dramatique, contrairement à Élisabeth qui tire sur le belcanto – les fameux doubles rôles de soprano du Grand Opéra, le belcantiste aigu et le dramatique : Isabelle et Alice, Marguerite et Valentine, Eudoxie et Rachel, Ysabeau et Odette, Inès et Sélika...

Donc pas si sûr que ce soit interchangeable. Très peu ont chanté les deux rôles, en tout cas : il faudrait vraiment un profil ambigu à la Bumbry / Verrett (et elles ne l'ont pas fait !).

9. Le samedi 7 juin 2014 à , par Sandrine

Bonjour David, merci pour vos réponses .
L´engouement d´une majeure partie des lyricomanes pour les aigus ne tient pas, du moins je ne pense pas,seulement á Callas : il est beaucoup plus général, vous remarquerez que c´est á peu pres du même acabit en ce qui concerne les artistes hommes : un ténor aigu qui " lance" un contre-fa tonitruant sur scene ( et même au disque), même s´il ne met aucune émotion dans ce qu´il chante, a plus de chance d´attirer l´admiration des gens qu´une basse grave et ses ré 1 : or, ce genre d´attitude n´a pas de sens car si le ténor est un vrai ténor physiologique et qu´il ait eu déjá ses suraigus dans sa voix de départ ( + le travail), c´est plutôt normal qu´il puisse les chanter .
Ce qui serait assez extraordinaire, ce serait d´entendre une vraie basse ( grave ou pas, peu importe) chanter Tonio sans transposer, c´est á dire avec les neuf contre-ut et encore, je ne suis pas si sûre que les gens en seraient plus " remués" qu´en entendant un ténor .

Du côté des femmes, je n´ai jamais rencontré de vraies aficionados de la voix d´alto ou de mezzo grave : qu´on le veuille ou non, on parle plus de Dessay que de Ferrier et une Elizabeth Vidal fera sans doute plus déplacer de foules qu´une Christel Garnier . Je ne sais pas d´oú le mythe de l´engouement pour l´aigu tire son origine, peut-être saurez-vous me renseigner ?

Pour Valois/Eboli á la scene, peut-être Callas aurait pu tenter le " challenge" ? Certes pas en même temps mais une fois l´une, une fois l´autre dans des prestations différentes : d´ailleurs, je m´étonne qu´elle ne l´ai pas réellement fait car elle en avait vraiment les moyens + son tempérament de tragédienne .
Je n´ai pas assez écouté Bumbry, certains la disent " alto" mais lá, je suis certaine qu´il s´agit d´une nomenclature erronée car elle a beaucoup trop d´aigus exploitables en plus de son timbre qui n´a strictement rien á voir avec celui du contralto .
Je verrais nettement plus Bumbry dans le créneau " soprano Falcon", entre mezzo et soprano; elle a tout de même chanté Norma et Tosca qui réclament de pouvoir exploiter de beaux aigus, puis son timbre est franchement sopranisant dans la partie aigue de sa voix .
Verrett a chanté, á quelque chose pres, le même répertoire ( quoique je ne suis pas sûre qu´elle ait fait Carmen) mais il me semble que son volume de voix est légerement moins imposant: sinon, il s´agit aussi d´un registre intermédiaire mezzo/ soprano , également un Falcon .
J´aime bien entendre les deux, il y a autant d´émotion chez l´une que chez l´autre ....

Jessye Norman est intéressante aussi : sa voix possede également un caractere " inclassable" car elle descend plus bas qu´une soprano ( Rhapsodie pour alto, La Jeune fille et la Mort) mais elle a, parallelement, tenu des rôles qui ne sont pas toujours accessibles á certaines mezzos . Au niveau du timbre en lui-même, elle tient nettement plus de la mezzo : son interprétation de " Mon coeur s´ouvre á ta voix" est d´ailleurs éloquent á ce niveau-lá .

10. Le samedi 7 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Sandrine,

vous remarquerez que c´est á peu pres du même acabit en ce qui concerne les artistes hommes :

Ça l'est même davantage, parce que ces aigus sont plus rares et plus « athlétiques ».

un ténor aigu qui " lance" un contre-fa tonitruant sur scene ( et même au disque), même s´il ne met aucune émotion dans ce qu´il chante, a plus de chance d´attirer l´admiration des gens qu´une basse grave et ses ré 1 :

Oh, si, spontanément les gens ont beaucoup d'admiration pour les voix graves – pour des raisons de goût historique, mais aussi, plus pratiques, de contraste dramatique, elles n'ont que rarement les premiers rôles... néanmoins elles sont très valorisées.

or, ce genre d´attitude n´a pas de sens car si le ténor est un vrai ténor physiologique et qu´il ait eu déjá ses suraigus dans sa voix de départ ( + le travail), c´est plutôt normal qu´il puisse les chanter .

Ah non, ce n'est vraiment pas comparable aux sopranos légers qui doivent juste « épaissir » un matériau déjà existant, ces notes ne sont pas dans la voix brute d'un ténor, et elle prennent beaucoup de temps et d'énergie musculaire pour être construites. D'où l'impression d'effort plus audible et plus spectaculaire, d'où l'attrait du public.

Ce qui serait assez extraordinaire, ce serait d´entendre une vraie basse ( grave ou pas, peu importe) chanter Tonio sans transposer, c´est á dire avec les neuf contre-ut et encore, je ne suis pas si sûre que les gens en seraient plus " remués" qu´en entendant un ténor .

Mais là, on parle d'anomalie physiologique à la Mado Robin, ça n'a plus rien à voir avec le domaine de l'artistique normal ou même exceptionnel, on serait dans le registre du mouton à cinq pattes et de la femme à barbe.

Des barytons qui font des si bémol et des basses qui font des la bémol dans le cadre de leurs airs, ça existe de temps à autre, et c'est déjà hautement spectaculaire et valorisé, sans qu'on demande à Matteuzzi de chanter Sarastro ou à Ridderbusch de tenter la barcarolle de Nadir.


Du côté des femmes, je n´ai jamais rencontré de vraies aficionados de la voix d´alto ou de mezzo grave : qu´on le veuille ou non, on parle plus de Dessay que de Ferrier et une Elizabeth Vidal fera sans doute plus déplacer de foules qu´une Christel Garnier . Je ne sais pas d´oú le mythe de l´engouement pour l´aigu tire son origine, peut-être saurez-vous me renseigner ?

L'aigu offre l'éclat, un dépassement inattendu. Les altos ne peuvent pas soudain quadrupler leur volume, n'ont pas la même souplesse, le même éclat, la même surprise : elles chantent dans une sorte de voix parlée élargie, l'effet n'est pas du tout le même.
Cela dit, les vrais altos sont des voix très valorisées pour leur chaleur étrange... Ferrier a encore plus de fans que Sutherland, à mon avis.


Pour Valois/Eboli á la scene, peut-être Callas aurait pu tenter le " challenge" ? Certes pas en même temps mais une fois l´une, une fois l´autre dans des prestations différentes : d´ailleurs, je m´étonne qu´elle ne l´ai pas réellement fait car elle en avait vraiment les moyens + son tempérament de tragédienne .

Oui, j'aurais bien davantage aimé Callas en Eboli qu'en Valois, en tout cas – je trouve l'air de Hambourg assez peu exaltant, d'ailleurs ; de surcroît, l'expression est un brin trop sévère, et les lignes suspendues se prêtent mal à l'aigu blanchâtre.

Je n´ai pas assez écouté Bumbry, certains la disent " alto" mais lá, je suis certaine qu´il s´agit d´une nomenclature erronée car elle a beaucoup trop d´aigus exploitables en plus de son timbre qui n´a strictement rien á voir avec celui du contralto .

Bumbry a chanté toute sa vie Eboli et Amneris... et même occasionnellement Abigaille, Norma et quelques autres rôles de soprano. Donc, si elle est alto, Mady Mesplé est au moins mezzo-soprano grand lyrique.


Je verrais nettement plus Bumbry dans le créneau " soprano Falcon", entre mezzo et soprano; elle a tout de même chanté Norma et Tosca qui réclament de pouvoir exploiter de beaux aigus, puis son timbre est franchement sopranisant dans la partie aigue de sa voix .

Non, c'est un véritable mezzo-soprano spinto, avec une assise très large et des aigus tendus : elle a chanté, en soprano, uniquement des rôles qui permettent une grande largeur de trait et de grain.

Mais elle a tenu ces emplois de soprano avec un brio assez extraordinaire, en effet.

Verrett a chanté, á quelque chose pres, le même répertoire ( quoique je ne suis pas sûre qu´elle ait fait Carmen) mais il me semble que son volume de voix est légerement moins imposant: sinon, il s´agit aussi d´un registre intermédiaire mezzo/ soprano , également un Falcon .

Le Falcon est un soprano large avec extension grave, et non un mezzo aigu... Pour Verrett, le doute est légèrement plus permis que Bumbry, mais sa carrière a montré que même si ses beaux graves n'étaient pas hénaurmes, elle n'avait pas le confort aigu pour tenir en permanence des rôles de soprano.

C'est vrai, leurs profils vocaux et leurs répertoires sont très similaires : Verrett a fait Carmen également (en revanche pas Ariane de Dukas ni Abigaille), et elle a fait Amelia du Ballo que je ne suis pas sûr que Bumbry ait faite.


Jessye Norman est intéressante aussi : sa voix possede également un caractere " inclassable" car elle descend plus bas qu´une soprano ( Rhapsodie pour alto, La Jeune fille et la Mort) mais elle a, parallelement, tenu des rôles qui ne sont pas toujours accessibles á certaines mezzos . Au niveau du timbre en lui-même, elle tient nettement plus de la mezzo : son interprétation de " Mon coeur s´ouvre á ta voix" est d´ailleurs éloquent á ce niveau-lá .

C'est compliqué pour Norman effectivement : elle a la ductilité du soprano, mais la couleur du mezzo, et une voix courte aux extrêmes ; ce n'est pas pour rien qu'elle s'est spécialisée dans les emplois de sopranos dramatiques assez centraux, notamment certains Wagner.

11. Le samedi 7 juin 2014 à , par Sandrine

Merci pour vos explications .
Mezzo-soprano spinto, je comprends cela comme une voix de mezzo-soprano á l´éclat brillant qui, tout en ayant un médium et des graves assurés, est capable de belles performances dans les aigus : est-ce également ainsi que vous entendez ce type de voix ?

Pour Falcon, nous "voyons" apparemment les choses différemment : selon vous, le Falcon serait en quelque sorte un soprano grave dramatique ? J´avais, quant á moi, plusieurs fois lu et entendu qu´il s´agissait en fait d´une voix " hybride" de timbre et de tessiture entre la soprano et la mezzo-soprano : en ce sens,
j´imaginais Falcon quelqu´un comme Antonacci, par exemple : son timbre, si l´on y prête attention, présente des " accents" de mezzo-soprano .... certes ce
n´est pas une voix épaisse mais il paraît que sa Carmen a été remarquable . Antonacci est d´ailleurs " classée" soit soprano, soit mezzo en fonction de ce
qu´elle interprete .

Il existe effectivement des cas d´anomalies vocales et lá, certains gens peuvent s´y intéresser non pas pour la performance en elle-même ni pour l´émotion transmise par le chant mais justement précisément parce qu´il s´agit d´une anomalie : la vraie basse qui chanterait Ah mes amis sans faire de transposition est certainement presque aussi rare qu´un homme actuel qui serait attiré physiquement par les grosses femmes .

Il est vrai que les altos sont plus appréciés pour leur timbre que pour les notes qu´elles peuvent émettre, c´est une voix avec laquelle je suis en affinité : á ce propos, d´ailleurs, est-ce que vous pourriez me dire quelle(s) artiste(s) alto ( ou mezzo profond, á la rigueur) ont le plus magnifiquement inteprété Mahler ?

12. Le samedi 7 juin 2014 à , par DavidLeMarrec

=> Oui, le spinto sollicite beaucoup des extrêmes occasionnels. Généralement des voix incisives.

=> Si on regarde les rôles de Cornélie Falcon, ça ne fait pas de doute : Alice, Rachel, Valentine, des rôles de soprano dramatique. Antonacci a chanté Rachel, et pourrait sûrement faire les deux autres. Élisabeth de Valois est généralement rattachée à la catégorie, mais c'est un anachronisme, il est vrai (l'aigu est d'ailleurs plus sollicité que dans les rôles de Falcon).

Antonacci a effectivement navigué entre les différentes catégories, à cause d'une voix assez courte – ce qui était aussi le cas de Falcon. Je ne crois pas, en revanche, que les voix soient comparables au delà de cela : Antonacci a clairement évolué vers le mezzo-soprano, après des débuts plutôt comme « second soprano » et malgré des incursions comme soprano dramatique (Medea, Rachel...). Falcon, elle était manifestement un soprano dramatique puissant et précoce, à la carrière brève – peut-être plutôt le profil Alexia Cousin.



la vraie basse qui chanterait Ah mes amis sans faire de transposition est certainement presque aussi rare qu´un homme actuel qui serait attiré physiquement par les grosses femmes .

Je ne vois vraiment pas comment ce serait physiologiquement possible, à moins d'une difformité qui aurait sans doute des effets physiques plus considérables que la seule voix. En revanche, votre seconde proposition est très bien documentée, il n'y a pas vraiment pénurie en la matière, même si la norme majoritaire n'est pas celle-là.

á ce propos, d´ailleurs, est-ce que vous pourriez me dire quelle(s) artiste(s) alto ( ou mezzo profond, á la rigueur) ont le plus magnifiquement inteprété Mahler ?

Il y en a tellement, on peut difficilement faire un palmarès objectif. Pour ma part, déjà, j'ai plutôt un faible pour les mezzos centraux, dans ce répertoire (Merriman, Cervena, G. Hoffman, Minton, Fassbaender, Baltsa, Finnie, Meier, Soffel, Stutzmann, Kirchschlager, Fujimura, Fink, Paasikivi, Forsström, Stotijn...). Mais du côté des altos, il y a bien sûr Forrester, Watkinson, Stutzmann, Larsson (voire Blythe, qui est fort valable, à défaut de grâce), pour les mezzos dramatiques Thorborg, Schuster, pour les mezzos graves Finnilä, Svendén.

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