Apparition de l'ut de poitrine (pourquoi - comment)
Par DavidLeMarrec, mercredi 1 février 2012 à :: Pédagogique - Glottologie :: #1903 :: rss
(ou do di petto)
C'est une question qui a été soulevée en commentaires d'une autre notule, il y a quelques semaines. J'en fais une nouvelle entrée en l'étoffant un peu, le sujet peut intéresser les plus glottophiles d'entre nous.
Je précise que les évolutions se font très progressivement, et qu'on ne peut se prononcer qu'à partir de ce qu'on a lu comme répertoire, avec forcément une marge assez importante d'inexactitude - beaucoup de choses se passent dans les oeuvres non exhumées (ou tout simplement non lues)... Cette notule est donc à lire comme une tentative d'interprétation, et non comme une vérité documentaire établie.
1. Origines - 2. La question du caractère - 3. La naissance du besoin - 4. Les inventeurs
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1. Origines
A l'origine du répertoire lyrique (et même opératique), les tessitures étaient très limitées, la question ne se posait pas. Dans la musique polyphonique, on utilisait tout simplement des natures vocales différentes pour couvrir le spectre sonore. Etant assez réduites, un chanteur pouvait tenir plusieurs lignes vocales voisines selon les disponibilités de chacun (c'était même institutionnalisé dans la musique sacrée française).
Les tessitures de Monteverdi, à part les plus graves (et éventuellement les nourrices ténor), peuvent être tenues par n'importe quel type de voix. Lorsqu'on a élargi les possibilités dans l'opéra seria, on est plus allé dans le sens d'un accroissement de la virtuosité que dans l'extension démesurée de la tessiture - qui a augmenté, mais pas au point de poser cette question de l' "aigu de poitrine".
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2. La question du caractère
Du fait de ces limitations physiologiques, mais à cause surtout de la conception même de l'héroïsme aux XVIIe et XVIIIe siècles, les aigus étaient voulus gracieux et non glorieux. Aucune nécessité d'ut de poitrine (note de toute façon guère demandée). La situation va progressivement changer (Lucio Silla, Oberon de Wranitzky...) jusqu'à aboutir au belcanto d'agilità e di forza de Rossini, où le son est clairement conçu comme plus percutant.
Il faut donc attendre le romantisme et ses éclats pour en ressentir le besoin.
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3. La naissance du besoin
Il est difficile de déterminer qui de l'oeuf et de la poule a commencé, mais cette technique est difficile, peu "naturelle", donc elle a été découverte lorsqu'elle est devenue "nécessaire" et qu'on a expérimenté en ce sens - renforcer l'énergie et assombrir la couleur des aigus. Pour des héros galants à la façon de Lully (et même jusqu'à Catel et Spontini), il n'y avait vraiment pas besoin d'aigus trompettants !
Evidemment, pour l'opéra romantique italien, il est va différemment sur certaines oeuvres : en particulier les Rossini, comme La Donna del Lago et Otello de Rossini, puis les Meyerbeer italiens sur le même patron, et bien sûr Verdi qui tire toutes les conséquences de ces changements.
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4. Les inventeurs
Pour l'origine, je crois que le seul commentaire est celui de la Revue des Deux Mondes, où Paolo Scudo attribue à Garcia la paternité de cette technique - après les succès de Duprez. Il est donc difficile d'établir quoi que ce soit avec certitude, en tout cas Manuel Garcia n'a jamais employé cette technique sur scène et Gilbert Duprez n'a pas recueilli ses préceptes de Garcia - il garde donc ses lauriers pour avoir été le premier à l'oser (et l'imposer) en public.
Duprez ne l'a cela dit pas découvert tout seul, il avait une formation vocale de type haute-contre, et s'est beaucoup inspiré de son séjour en Italie (après des débuts infructueux en France). On cite souvent Domenico Donzelli (ténor grave, au timbre décrit comme barytonnant) et l'école de Bergame comme une source d'inspiration pour Duprez, qui a pu observer leur façon de densifier le haut de la tessiture.
Une "vraie voix de mâle", si l'on veut, mais ce n'était pas une question d'identité sexuelle (les hautes-contre exerçaient toujours sans être moqués pour une supposée féminité de leur timbre), plutôt d'éclat dramatique. Ce n'est qu'ensuite, au cours du développement du goût du public pour cette technique, que le procédé a pris cette connotation de vigueur quasi-érotique.
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