Meyerbeer et le pompiérisme
Par DavidLeMarrec, samedi 25 novembre 2006 à :: Discourir :: #452 :: rss
Le commentaire sur Hérold me fait réaliser[1] que ce carnet, ô honte suprême, ne dispose toujours pas d'une entrée monographique Meyerbeer. Parons au plus pressé.
Je reproduis ici une vieille contribution à ce sujet (2004), que je n'avais jamais reportée, mais qui a le mérite de clarifier certaines idées reçues. Il faudra que je fasse de même avec Furtwängler, à l'occasion. J'ai très légèrement toiletté le texte d'origine.
Il existe aussi une synthèse plus vaste, mais il faudrait que je relise ça avant publication.
Notes
[1] Vilain anglicisme peut-être, mais décidément plus joli que me fait (me) rendre compte que.
Je réagissais au propos suivant, à propos de Tannhäuser.
"l'entrée des invités à la Wartbourg est d'un zim-boum-boum"
Effectivement.
"meyerbeerien pas possible,"
Plaît-il ?
Je m'inscris en faux ! Ceci tient pour beaucoup du cliché, je le crains.
On confond souvent Meyerbeer et le public qui allait assister à ses spectacles (qui y allait surtout pour les décors, pour partie). On se méprend peut-être aussi sur l'usage de sa musique, qui n'est pas intéressante en tant que telle, mais véritablement dans un contexte théâral. Cepeandant une chose est sûre : il figure parmi les plus grands compositeurs de drame musical de tous les temps. Je ne parle pas de sa musique, mais bien du service du drame.
Son talent à organiser le déroulement dramatique avec des récitatifs respectueux de la prosodie mais très lyriques, des ensembles subtilement insérés grâce à des ponctuations solistes qui les relient aux récitatifs, la couleur particulière qu'il sait donner à chaque acte, la poussée qui s'exerce sans cesse dans l'action, et peut-être surtout le décalage inimitable qu'exercent compositeur et librettiste sur leurs héros - qui sont loin d'être systématiquement exaltés, et qui sont au contraire considérés avec beaucoup d'humour... tout cela en fait une figure majeure du théâtre musical.
Sans compter que les premières mesures de Pelléas pompent une mélodie secondaire des Huguenots (l'archer qui annonce le couvre-feu), que le modèle Meyerbeer a servi à Verdi pour écrire ses trois plus beaux opéras, et que Le Prophète utilise les instruments solistes de façon visionnaire (pour le résultat de la coloration).
La seule chose qu'on pourrait lui reprocher, comme au jeune Verdi, c'est d'employer toujours les mêmes recettes. Mais comme elles sont excellentes - contrairement à celles du Verdi des anni di galera... Et sa musique ne peut s'évaluer qu'en contexte de la représentation théâtrale, par sur la musique pure.
J'ajoute désormais, après m'être plongé plus avant dans les partitions de Meyerbeer, que la qualité musicale est remarquable, avec une invention rythmique, et surtout une mobilité harmonique admirables. Ses partitions sont sans commune mesure avec aucun de ses contemporains[1], les Auber, Halévy (ou, juste auparavant, Boïeldieu, Hérold...). Contrairement à ce que leur aspect sonore direct laisse supposer, l'écriture musicale en est extrêmement travaillée. Une preuve supplémentaire que les détracteurs qui portent leurs critiques sur le plan de la qualité musicale, outre qu'ils n'attaquent pas Meyerbeer sur ce qui fait son intérêt, font tout simplement erreur par méconnaissance.
Il y aurait un beau sujet sur l'économie dramatique du premier acte des Huguenots, mais il faut le temps de le traiter...
Notes
[1] Berlioz excepté, et encore, Berlioz vainc sur l'innovation et le seul traitement de l'orchestre, certainement pas ailleurs
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