mercredi 8 novembre 2006
Bruno MANTOVANI, un premier opéra - L'Autre côté
Sur un livret de François Regnault, d'après Alfred Kubin.
Bruno Mantovani a tenu parole - et ses commanditaires aussi. Voilà bientôt cinq années qu'on attendait ce premier opéra en gestation, malgré la prolixité assez exceptionnelle de ce tout jeune compositeur à peine trentenaire (né en 1974). Ma liste jadis exhaustive de ses partitions publiées doit comporter bien des lacunes deux ans après l'avoir établie...
1. Quel opéra ?
Cet opéra est conforme à ce qu'il avait annoncé. Bruno Mantovani avait, fort sagement à mon sens, répété que l'opéra, pour fonctionner, ne devait pas être le lieu des expérimentations (qui mettent en danger, je crois, l'efficacité finale de l'oeuvre). Il y déploiera donc simplement ce qui est son langage, et c'est ce que l'on constate à l'écoute de la diffusion radio, religieusement reçue ce lundi 6 novembre dernier.
Son langage simplement, mais quel langage ! C'est le meilleur de Bruno Mantovani qui est convoqué dans L'Autre côté, opéra assurément viable, disons-le d'emblée, et que je me précipiterais volontiers pour voir, en salle, à la première occasion.
Son travail a toujours été intéressant, mais particulièrement depuis 2001, l'époque où il s'est véritablement révélé à mes oreilles un très grand compositeur - comme le plus génial de mes contemporains, parmi ceux que je connais à ce jour.
2. Les matériaux à l'oeuvre
Un bref extrait de L'Autre côté.
Cet opéra fait un usage abondant et heureux de mélodrames[1], ou de lignes très récitatives, avec tout de même plusieurs sections lyriques - mais dans la même proportion, pour donner une idée, qu'on aurait dans une tragédie grecque, c'est-à-dire assez minoritaires.
Cette caractéristique, qui place très en avant le texte (très majoritairement compréhensible, contrairement à tant de créations contemporaines aux sauts d'intervalle impossibles et à l'orchestration démesurément disposée), ajoutée au sujet de type fantastique, fait donc furieusement penser à la Juliette de Martinů, autre chef-d'oeuvre.
C'est là une minutie qui n'étonne que médiocrement de la part de Bruno Mantovani, assurément !
Un extrait de la Juliette de Martinů.
L'opéra de Bruno Mantovani fait donc plutôt appel à l'esthétique déployée dans ses dernières pièces, comme Troisième Round[2], les Sette Chiese (2002), Mit Ausdruck (2003, concerto pour clarinette basse et grand orchestre) ou les Six Pièces pour orchestre (2004).
On y retrouve beaucoup de points communs (que vous pouvez vérifier dans l'extrait proposé par mes soins) :
- la même plasticité dans le propos musical, à chaque instant d'un grand relief, constellé de transitions subtiles fondées sur les parentés de texture. Le discours évolue ainsi, progressivement, sans fin, et de façon tout à fait clairement sensible, presque physique, tactile ;
- l'usage de percussions boisées qui ont pour effet de donner l'impression, malgré la complexité du propos, d'une pulsation claire - la complication disparaît, la richesse demeure aisée à saisir ;
- des couleurs pianistiques très spécifiques, utilisant souvent des micro-intervalles avec un grand bonheur, propice aux atmosphères éthérées (de même pour les bois) ;
- des cuivres volubiles et incisifs, agissant souvent en rafales, qui utilisent le meilleur de la tradition de jeu héritée de Varèse, qui colorent et dynamisent sans cesse le discours.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Portraits - Disques et représentations - Musicontempo a suscité :
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