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Signe des temps – Qui recrute-t-on à Salzbourg ?


Il n'y aurait pas grand intérêt à commenter un spectacle abondamment glosé partout, l'un des mieux diffusés de l'année — le Trovatore de Salzbourg —, s'il n'y avait la potentialité qu'un jour prochain, ce témoignage vidéo soit présenté comme une sorte de résumé des enjeux du chant verdien des années 80 à 2000.

Ceux qui veulent s'informer peuvent encore le voir pendant quelques jours sur le site d'Arte.

Je dis enjeux, mais je pourrais dire crise : il ne s'agit pas de poser en Cassandre pour prédire le passé et trouver une bonne occasion de râler, mais contrairement au niveau instrumental général, au lied, au baroque, tous en vertigineuse progression en 50 ans (et sur quasiment tous les paramètres), le chant verdien semble moins à la fête.

¶ Il existe des raisons mesurables à cette situation, le sujet a déjà été abordé quelquefois ici, dans cette notule par exemple. Disons simplement que de nombreux paramètres sont en jeu : professionnels (exigences solfégiques accrues, langues étrangères en pagaille, voyages permanents, élargissement du répertoire, difficulté des nouvelles œuvres, taille des salles) comme sociaux (changement de l'élocution parlée notamment du fait de la vie urbaine, influence du micro et du cinéma sur les timbres, prédilection pour les bons acteurs et les artistes agréables en gros plan).
Tout cela peut expliquer que là où l'on pouvait trouver des voix franches en pagaille (pas forcément belles, pas forcément disciplinées, dans une seule langue, pas forcément de pair avec un beau jeu scénique ou un joli minois), qui montaient avec éclat, on peine aujourd'hui à recruter.

Cette distribution fournit une liste plutôt complète de ce qui arrive aujourd'hui.

Avant de commencer, je précise que j'ai passé un très bon moment avec ce Trouvère, et que, bien sûr, on ne peut pas dire que ce soit mal chanté, scandaleux ou quoi que ce soit. Ce qui donne à réfléchir, en revanche, c'est que Salzbourg est peut-être le lieu musical le plus prestigieux au monde, et qu'ils peuvent donc recruter n'importe qui à leur convenance, surtout pour un opéra aussi couramment pratique et prestigieux.
Et là, la pertinence du choix laisse déjà beaucoup plus dubitatif.

Anthologie de ce que je ne voulais pas forcément voir

Plácido Domingo en Conte di Luna (par ailleurs souffrant, donc courageux alors qu'il est attendu avec un fusil par les glottophiles les plus orthodoxes) est le cas le plus problématique vocalement parlant, mais pas le plus intéressant pour notre affaire. Le phénomène a peut-être été accentué par l'élargissement de la starisation grâce aux médias (tout le monde peut le voir à la télé, il fait des célébrations, il y a des produits dérivés, etc.) ; plus besoin de dormir devant le théâtre pour voir le chanteur d'opéra à la mode. Donc tout le monde connaît Domingo, et tout le monde veut voir la vedette, à commencer par les novices, ce qui accentue peut-être la tolérance envers une prestation moyenne — outre que le timbre n'est pas celui d'un bon baryton, l'instrument, qui a toujours eu un petit délai d'émission, accuse un tel retard à l'allumage que quasiment tous les traits rapides sont décalés ou escamotés.

Il y a des centaines de barytons qui auraient fait mieux, sans doute, mais enfin, le phénomène des vieilles gloires ne date pas d'hier (n'y avait-il personne de meilleur que Melba pour faire ses enregistrements ? et Flagstad et Svanholm tout ternis dans le prestigieux et tout nouveau Rheingold de Solti ? et toutes les Klytämnestra, Herodias, Dame de Pique, défilé de grands noms aphones ?). Quand on a un nom célèbre, même déclinant, ça fait remplir, ça fait parler, ça apporte du prestige. C'est pourquoi de grands chanteurs, même un peu lessivés par le système, continuent d'être engagés alors même que de petits jeunes encore frais pourraient faire mieux, mais pas apporter le même retour sur investissement.
Je suppose aussi que lorsqu'on va à Salzbourg, la majorité du public ne pouvant être constituée, dans quelque salle que soit (même de jauge moyenne), uniquement d'amateurs très chevronnés, on n'attend pas seulement que ce soit bien chanté, mais aussi qu'on puisse y entendre des gens célèbres, des légendes. Rencontrer l'Histoire, sentir ce qui fait vibrer le reste du monde lyrique en ce moment, ce qui agite les cénacles et restera la marque d'une époque.Ce n'est pas forcément illégitime, même si cela veut dire qu'on n'aura pas forcément la meilleure distribution possible, musicalement parlant.

Par ailleurs, le statut de Domingo n'est pas usurpé : outre qu'il est le chanteur qui a enregistré (et probablement chanté sur scène, mais c'est plus difficile à mesurer, beaucoup de troupiers ont un très vaste répertoire) le plus de rôles différents (largement au delà de la centaine, on doit approcher les 150 désormais), ce qui force le respect par principe, et que sa réputation d'enthousiasme scénique n'a rien d'exagéré, il conserve toujours une présence sonore très forte, remplissant l'espace sans effort et sans violence, même avec son instrument vieillissant et dans des tessitures trop basses. Pourtant, généralement, quand on se repose sur les harmoniques métalliques du formant, le résultat est plutôt dur, ou bien une partie du timbre est happé par l'orchestre ; pas chez lui.
Il se passe réellement quelque chose lorsqu'il ouvre la bouche, aujourd'hui encore.

¶ Le cas de Marie-Nicole Lemieux (Azucena) est beaucoup plus symptomatique de notre époque. Il existe timbre plus personnel, plus sonore, meilleure actrice, meilleure technicienne et phraseuse, mais elle est la fierté d'une nation, un peu à la Dion, et a été très généreusement couverte (le bon segment au bon moment, je crois) par les médias.
La typologie vocale est tout à fait caractéristique de ce qui se fait aujourd'hui : émission très en arrière (au détriment de la diction, donc, même si, il y a très longtemps, ce n'était pas forcément mieux), engorgement pour donner de l'épaisseur. Dans les rôles de grande ampleur comme ici, cela passe assez bien, la machine peut s'épanouir à pleine voix ; en revanche l'instrument accuse sa grosseur et sa mollesse dans les rôles de caractère ou dans la mélodie française.

¶ La sensation vocale de la soirée était très légitimement Anna Netrebko (Leonora), d'une assurance, scénique comme vocale, toujours hors du commun, se jouant de toutes les difficultés avec un abandon saisissant. Et là aussi, révélatrice. Certes, la grammaire belcantiste est vraiment là (jolies diminutions, capacité de prendre son temps en d'infinies volutes lorsqu'il s'agit de vocalisations, longueur de souffle)… mais la nature de la voix, très russe, tout en arrière, aux couleurs pharyngées (la résonance se fait par l'arrière de l'appareil phonatoire en plus du haut) rend les attaques presque imperceptibles, et surtout impose, de fait, un italien gélatineux qui ne ressemble plus à grand'chose. C'est vocalement impressionnant, mais pour un opéra en italien, on est aussi loin que possible de la couleur naturelle, pour ne pas parler du texte.

Il ne s'agit pas de faire la fine bouche, mais en d'autres temps (qui auraient à rebours compté le jeu scénique pour rien, mais le texte comme inaltérable) il n'aurait même pas été envigeable de faire chanter dans une langue qui n'est pas celle du public, par une chanteuse elle-même assez étrangère à la langue qu'elle chante. C'est quelque chose à laquelle je suis sensible (et qui, j'en ai conscience, indiffère assez la majorité du public verdien, même informé de ces matières), et qui entame un peu mon plaisir, mais c'est aussi le signe que les priorités ont changé.

Là où le paradoxe est piquant, c'est qu'on aurait, dans les années 40 ou 50, exigé l'intelligibilité, mais qu'on se serait absolument moqué de l'expressivité de la voix (et encore plus du jeu d'acteur). Aujourd'hui au contraire, alors qu'on recrute des acteurs lyriques, c'est la qualité de l'articulation qui devient plus secondaire.
On ne peut pas avoir tout à la fois, cela dit : la voix exceptionnelle, par l'une des meilleures actrices de sa génération à l'Opéra, la discipline musicale… et l'idiomatisme du chant. On est dans un rôle difficile. Mais je reste étonné que la qualité de l'italien ne soit plus du tout un critère dans Verdi – ça râlerait beaucoup plus si l'allemand était écorché dans Wagner, j'ai l'impression. Peut-être parce que ce public, qui se veut plus lettré, n'est pas le même, je ne sais pas.

¶ Enfin le plus intéressant, Francesco Meli (Manrico). Les ténors souffrent particulièrement de toute variation technique, parce que leur voix se construit loin de leur zone parlée, largement suspendue au-dessus du passage : une quinte complète — d'où le vocable « quinte aiguë » parfois employé — alors qu'il s'agit plutôt d'une quarte pour les barytons et basses, et l'on attend d'eux une beauté de timbre supplémentaire (qui ne peut pas s'appuyer sur l'assise naturelle des graves d'un baryton ou d'une basse). On se figure donc qu'à part pour les véritables ténors aigus, la construction d'une telle voix est particulièrement artificielle (et difficile, d'où les cachets plus élevés et le phénomène qui vire parfois à la foire).


Meli très à son aise en 2007, dans un rôle à sa mesure.


Francesco Meli illustre parfaitement le processus de déclin précoce (qui ne se limite pas aux ténors) : il est un bon titulaire de rôles belcantistes, voix peu ample mais équilibrée, même si l'aigu est un peu métallique — là aussi, je suis prêt à parier qu'au moment de ses premiers engagements, sans la pression de la carrière, des voyages permanents, le haut de la tessiture était beau également. C'est en tout cas une évolution courante : comme il est interdit de changer la partition (autre beau sujet sur lequel il faudra s'arrêter), dans la tradition « classique », les chanteurs doivent s'adapter à ce qui est écrit, quitte à forcer leur instrument de façon chronique. Alors qu'il est d'usage d'arranger (voire de transposer) dans les autres musiques actuellement jouées dans le monde – je ne peux pas me prononcer pour tous les folklores, évidemment, mais l'adaptation à l'interprète est en général la norme.

La voix ainsi bousculée refuse alors progressivement de répondre aux sollicitations, ce qui entraîne plus d'efforts, donc plus de forçages, et accentue le déclin, une spirale quasiment impossible à enrayer (certains, comme Waltraud Meier ou Ben Heppner, pourtant pas des amateurs, ont même arrêté temporairement leur carrière à leur faîte pour éviter ce type de processus, avec de bons résultats d'ailleurs), d'autant que les engagements sont pris très tôt à l'avance. Difficile de renoncer à une prise de rôle lorsque plusieurs autres dates sont prévues à la suite ! Ou alors, il faut ne faire ces changements que très progressivement, et passer à côté d'occasions qui, hors superstars, peuvent très bien ne plus se reproduire.
Les agents et directeurs de théâtre ont en outre des listes qui correspondent aux derniers rôles, et lorsqu'on est un peu célèbre et que l'on entre sur un répertoire difficile mais souvent programmé, on n'est plus embauché que dans ces nouveaux rôles. Les autres peuvent aussi prendre peur que la voix ne change et ne plus proposer forcément les anciens engagements.

En prenant le rôle de Manrico, où des techniciens aussi aguerris que Marcelo Álvarez voient leur instrument se ternir, Meli se jette dans la gueule du loup. Il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles chanter plus large que sa voix n'est pas recommandé, mais dans les temps passé, les exemples existent, et lorsqu'ils sont couronnés de succès, c'est parce que le chanteur a gardé son timbre d'origine pour aborder des rôles qui, objectivement, sont physiquement accessibles pour lui (il a les notes, disons). Alain Vanzo a fait une spécialité de l'exercice, allant jusqu'à chanter Werther ou Robert (le Diable) sans perdre sa légèreté acquise dans les rôles (semi-)légers du répertoire.

Deux paramètres se combinent alors :

  • spontanément, pour camper un guerrier, on va grossir sa voix, engorger, placer la résonance plus bas. C'est ce que l'on fait dans la vie de tous les jours si l'on veut assumer une position un peu autoritaire, marquer son territoire ;
  • la vision contemporaine de la virilité se situe plutôt dans le grave (beaucoup moins évident dans des périodes précédentes), ce qui entrave la projection de la voix, mais avec les micros, cela ne se perçoit pas forcément, si bien que l'on entend des acteurs éraillés, presque aphones, camper les grands guerriers… et que l'on attend un peu ce type de grain chez un Manrico, pression implicite qui s'ajoute à la tendance actuelle de placer les voix plus en arrière.


Par conséquent, le résultat manque d'éclat (ce squillo est assez nécessaire pour ébouriffer, dans Verdi), et les aigus (qui sont émis plus facilement vers l'avant) deviennent difficile. Si bien que dans Di quella pira, pourtant baissé d'un demi-ton comme c'est généralement le cas, Meli démarre en retard son aigu final, pour parvenir à le tenir avec difficulté : on peut dire que paradoxalement, le recrutement musical plus exigeant conduit à des fautes de rythme, parce que la voix ne suit plus.

À côté de ces considérations, je me demande tout de même si la taille croissante des générations ne rend pas les vrais ténors à aigus (ce que n'est pas Manrico, certes) plus rares qu'autrefois – ce n'est pas mécanique, mais la finesse et la longueur des cordes vocales demeurent dans une certaine mesure plutôt proportionnelles au corps (peu de basses sous 1m70, peu de ténors après 1m85, disons). Question sans réponse, mais qui peut inciter à l'indulgence.

Et après ?

Tout cela peut ressembler à de la ratiocination désabusée, et je crains que ce n'en soit effectivement le résultat, mais mon objectif est autre : ce plateau présente, chez ses différents participants, une sorte de florilège des raisons pour lesquelles il est difficile de distribuer Verdi aujourd'hui aussi bien qu'hier (style international, voix en arrière, tendance à grossir les timbres jusqu'à les abîmer), alors que l'essentiel de la musique classique est en général beaucoup plus professionnellement servie désormais (ne serait-ce qu'en matière d'exactitude).

Il était tout à fait possible de proposer une autre distribution (moins chère et) plus adéquate (voici un exemple d'un remarquable plateau récent), mais, précisément, le fait que ce quatuor-là soit considéré comme le meilleur au monde dit beaucoup de choses sur l'évolution des esthétiques, des attentes du public (tous de bons acteurs, par exemple – Meli excepté).

Il y avait par ailleurs beaucoup de points forts dans cette production (à commencer par une cohérence du plateau et une excellente poussée d'ensemble, et pas seulement du fait de Gatti), dont la mise en scène d'Alvis Hermanis, qui ménage de belles transitions entre les gardiens de musées et leurs doubles fantasmatiques contenus dans les tableaux. La façon dont les personnages sont happés dans ce rêve a beaucoup de charme, voire une certaine poésie, comme le moment où Leonora enfile son costume médiéval pour aller secourir Manrico en danger (au moment du Miserere où il « appelle » hors scène, astucieuse exploitation du dispositif scénique d'origine). Et, évidemment, cela résout grandement la question du prosaïsme visuel chez les metteurs en scène audacieux, puisqu'on a son compte de tableaux célèbres et de costumes médiévaux cramoisis. Avec un résultat mobile et agréable visuellement bienvenu.
Principal problème (outre que ce n'est pas particulièrement original ou profond, mais le propos naturel du Trouvère ne l'est pas, une jolie fable tragique) : l'efficacité proverbiale de Verdi rend la fin trop abrupte pour faire retourner les surveillants du musée à leurs identités d'origine, ce qui fait que le rideau se baisse sans que le « récit-cadre » ne soit clôturé. Mais à tout prendre, je préfère ça à une avalanche d'informations qui détournerait l'attention de la musique et du livret, au moment où ils sont à leur comble d'intensité. Ce genre de bousculade est fréquent à la fin du Ring, par exemple (Kupfer notamment), et ce n'est jamais vraiment bienvenu, quel que soit l'intérêt du propos.

C'est donc à voir tout de même, parce que visuellement agréable, étrange vocalement, et quand même impressionnant sous certains aspects (Netrebko offre de grands moments de glottophilie immaculée au début de l'acte IV).

Et tous les seconds rôles était superbes, comme Riccardo Zanellato en Ferrando les membres du projet de promotion de jeunes chanteurs ont même livré des Ines (Diana Haller) et Ruiz (Gerard Schneider) parmi les meilleurs jamais captés, avec des timbres totalement épanouis et une déclamation de grande qualité.

Terminer une notule sur le mode c'était mieux avant par place aux jeunes, je suis fier de moi… tous les poncifs en une seule fois. Ma glottophilie ainsi provisoirement extirpée, nous allons pouvoir recauser de choses intéressantes.


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Commentaires

1. Le dimanche 17 août 2014 à , par Benedictus

Réflexion synthétique très éclairante, merci.

En lisant cette note, je me demandais aussi si certaines mutations économiques récentes n'entraient pas aussi pour partie dans les évolutions que tu décris. (Je pense ainsi à la crise du marché du disque classique, et à l'une de ses conséquences les plus visibles: la fin de ces intégrales d'opéra du grand répertoire, enregistrées en studio par des majors avec de grands noms.)

2. Le dimanche 17 août 2014 à , par David Le Marrec

Merci Benedictus.

J'ai peur d'avoir été un peu râleur (il faut dire que je ne comptais pas à l'origine regarder ce Trouvère, j'ai surtout été attiré par la mise en scène sympa), et surtout assez vague finalement. J'aurais dû proposer des noms alternatifs avec des extraits, mais je manquais de temps pour le faire, et j'ai d'autres fers aux feu pour CSS qui me paraissent plus intéressants.

Je suis tout à fait d'accord avec toi : la fin des intégrales studio a des conséquences, sinon sur la programmation courante des maisons d'Opéra du monde, sur le vedettariat.
=> Les prises se font sur le vif, et lorsqu'il s'agit d'un DVD, il devient impossible de coller plusieurs soirées : on voit donc les vedettes dans toute leur vulnérabilité.
=> La hiérarchie de la célébrité devient moins évidente, car les captations dépendent aussi des accords avec les théâtres – cela se régule à présent, mais au début de l'explosion du marché DVD, on trouvait beaucoup de versions de petites maisons en exemplaire unique pour certains grands opéras du répertoire.
=> Le physique « crédible » et la mobilité du visage deviennent des critères de sélection, du moins pour les grandes productions suceptibles d'être diffusées. Cela explique sans doute aussi l'assèchement des voix dans les répertoires les plus dramatiques (il est rare, physiologiquement, d'avoir une voix énorme et sombre avec un physique de starlette), dont Verdi fait partie.

C'est un sujet assez vaste. Pour ma part, je suis fasciné par l'influence des modes de vie (promiscuité urbaine) et de la voix parlée (notamment telle que transmise par le cinéma) sur l'évolution du chant lyrique. C'est très difficile à quantifier, mais je suis certain que c'est un facteur déterminant.
Sans sortir l'histoire exemplaire de Poncet berger, il y a un peu de ça : est-ce qu'on peut vraiment être un étudiant bien poli en langues et histoire dramatique, et avoir l'abandon pour chanter, quelques heures par jour seulement, à pleine glotte d'un squillo conquérant ?

3. Le mercredi 20 août 2014 à , par François

Plus qu'une solution, faire comme Disney et recruter des chanteurs qui chantent chacun dans leur langue, comme au bon vieux temps...

https://www.youtube.com/watch?v=OC83NA5tAGE

Ce qui me frappe en allant à l'opéra c'est la différence des publics selon les répertoires. L'opéra italien n'a pas le vent en poupe, c'est ce que je ressens à chaque fois. Le public est soit âgé, les véritables verdiens rescapés, soit totalement néophyte, ce public qui vient à l'opéra une fois tous les 20 ans. L'impression n'est pas du tout la même quand on va voir Wagner, avec un public plus jeune et visiblement assez pointu, ou du baroque, qui a aussi ses catégories, mais elles aussi plus jeunes et au fait de ce qu'elles viennent voir.

J'ai l'impression que cela a des répercussions sur les chanteurs, qui doivent se sentir plus attirés par des répertoires valorisants ou à la mode. Peut-être aussi que le côté "populaire" de l'opéra italien joue en sa défaveur, les voix qui auraient pu potentiellement s'y intéresser il y a quelques décennies partent majoritairement vers les voix de variété, cet espèce de "rythm and blues" international qui est devenu la norme du chant et représente l'idéal de la "grande voix" aujourd'hui, alors que les chanteurs d'opéra sont relégués dans une niche spéciale et qui n'est tant appréciée ?

4. Le jeudi 21 août 2014 à , par David Le Marrec

Bonsoir François,

Mais pas besoin de convoquer Disney, ça se faisait jusqu'à une date assez récente.

Par exemple la fameuse Carmen du Bolshoï avec Del Monaco, ou bien ce témoignage de Don Carlo en bulgare, où seul Ghiaurov chante en italien.

C'est très vrai, les publics varient considérablement selon les répertoires. L'opéra italien draine peut-être un public plus âgé, mais aussi un public beaucoup plus vaste, des gens qui ont vu Traviata à la télé, ou qui viennent pour la première fois à l'Opéra voir le Barbier…

Effectivement, le public est plus spécialisé pour certains répertoires (la jeunesse pour Wagner, c'est vrai à Paris, mais à Bordeaux par exemple, vraiment pas) : en particulier le quatuor et le lied, où la qualité d'écoute est en général exceptionnelle. On n'arrive pas là par hasard.



J'ai l'impression que cela a des répercussions sur les chanteurs, qui doivent se sentir plus attirés par des répertoires valorisants ou à la mode.

Il est sûr que chanter Richard Strauss, infiniment plus complexe à mettre en place, et plus dangereux pour la voix, alors qu'on pourrait triompher sur France 2 dans Verdi, ça réclame une certaine dose d'abnégation, que j'admire.

Peut-être aussi que le côté "populaire" de l'opéra italien joue en sa défaveur, les voix qui auraient pu potentiellement s'y intéresser il y a quelques décennies partent majoritairement vers les voix de variété, cet espèce de "rythm and blues" international qui est devenu la norme du chant et représente l'idéal de la "grande voix" aujourd'hui, alors que les chanteurs d'opéra sont relégués dans une niche spéciale et qui n'est tant appréciée ?

Cela, en revanche, je ne crois pas : les techniques sont extrêmement différentes (voire opposées : posture du larynx, accolement des cordes, zones de résonance par exemple), et le choix se fait donc très en amont, au début des études de chant. Quelqu'un qui pousse la porte d'un conservatoire ne va pas se dire, son diplôme en poche, qu'il va faire du rythm & blues. Au maximum, il pourrait faire une partie de sa carrière dans le musical sur des scènes européennes non spécialisées, s'il a travaillé cette technique en parallèle.
Donc, non, je crois tout simplement que les genres populaires attirent davantage parce qu'ils sont davantage diffusés, écoutés, appréciés (et accessibles). Sinon, ce ne seraient pas les genres populaires, justement.

Bonne soirée !

5. Le jeudi 21 août 2014 à , par François

Une fois de plus tu dois avoir raison, tu as toujours raison snirf...

^^

6. Le jeudi 21 août 2014 à , par David Le Marrec

Mais non, mais non, pas du tout : une fois j'ai eu tort.

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