Haendel - Giulio Cesare de luxe - (Christie 2010 à Pleyel)
Par DavidLeMarrec, mercredi 17 février 2010 à :: Saison 2009-2010 :: #1480 :: rss
Sylvie Eusèbe est bel et bien de retour parmi la gent lutine, qui en tressaille d'aise avec force mouvements primesautiers.
De surcroît, elle nous propose un compte-rendu sur un concert d'un genre trop peu présent en temps ordinaire sur CSS, l'opéra seria.
Paris, Salle Pleyel, vendredi 12 février 2010, 20h, concert
G.-F. Haendel : Giulio Cesare in Egitto, opéra en 3 actes sur un livret de Nicola Francesco Haym (création le 20 février 1724 à Londres), version concert
Andreas Scholl : Giulio Cesare
Cecilia Bartoli : Cleopatra
Nathalie Stutzmann : Cornelia
Philippe Jaroussky : Sesto
Christophe Dumaux : Tolomeo
Rachid Ben Abdeslam : Nireno
Umberto Chiummo : Achilla
Andreas Wolf : Curio
Les Arts Florissants
William Christie, direction
C’est la première fois que j’assiste à un concert réunissant autant de stars de la musique baroque, et en plus pour une œuvre aussi riche et exceptionnelle que ce Jules César de Haendel. Je suis néanmoins un peu dans l’expectative, légèrement gênée par l’aspect « soirée qui rassemble le tout Paris », et sachant bien qu’il ne suffit pas de faire jouer ensemble de bons musiciens pour obtenir un beau concert. Cependant, dès que les solistes se sont tour à tour exprimés, la soirée tient toutes ses promesses et tous ses superlatifs. C’est absolument merveilleux d’entendre cette succession d’aria chantée par des voix aussi différentes mais toutes aussi excellentes dans leur genre. Je ne peux pas dire : « je préfère celui-ci ou celle-là », les chanteurs se complètent, leurs timbres et leurs jeux -pourtant très limités par la version concert- se marient pour former devant nous une représentation éblouissante.
Regardons, écoutons d’un peu plus près. Je vais peut-être écrire une monstruosité, mais il me semble que la voix d’Andreas Scholl (que j’aime pourtant énormément) n’est pas faite pour Jules César, pas faite pour exprimer un tempérament martial. Son raffinement extrême et néanmoins naturel, son timbre délicat et peu puissant dans les traits rapides ne lui permettent pas à mon avis de traduire comme on l’attendrait la colère du célèbre chef romain. D’ailleurs le chanteur murmure ses menaces ou les parle presque d’une voix « normale » pour leur donner le poids que le chant ne semble pas en mesure de leur procurer. En revanche, le contre-ténor est très touchant dans les airs tendres et poétiques : « Dall’ondoso periglio » est particulièrement doux à cette voix si loin de la moindre agressivité.
Toute autre est la Cléopâtre de Cecilia Bartoli. Dès son premier aria, « Non disperar », le charisme de la chanteuse, son engagement physique, son dynamisme, sa puissance, ses vocalises uniques, son jeu, tout concoure à nous rejeter au fond de nos fauteuils ! Elle sait aussi être extrêmement émouvante, son « Se pietà di me non senti » à la douleur contenue m’a réellement émue.
Le duo formé par Nathalie Stutzmann et Philippe Jaroussky est très convainquant, la grave noblesse de la mère contrastant avec la fougue du fils. Celui-ci est toujours aussi brillant et inventif dans son chant véritablement enchanteur (« Cara speme, questo core »). Le duetto « Son nata a lagrimar », d’une belle lenteur, est chargé d’émotions sans être larmoyant, tout comme les aria de Cornelia, habituellement pleureuse, mais ici drapée d’une dignité de patricienne.
Je suis heureuse de découvrir Christophe Dumaux, son timbre puissant (et peut-être trop rude dans les aigus à mon goût) convenant parfaitement à « Tolomeo furioso ». Umberto Chiummo, Achille de belle prestance, n’a ni l’aisance dans les vocalises ni la justesse dans les forte de ses partenaires d’exception. Les quelques répliques du jeune baryton-basse Andreas Wolf me font regretter que le rôle de Curio n’offre pas d’air, et si je trouve la voix de Rachid Ben Abdeslam en Nireno plaisante -sans autre adjectif plus qualificatif, son jeu est un peu excessif.
Devant cet éblouissement vocal si parfait et si continu, j’avoue prêter peu attention aux instrumentistes, sauf quand cors et trompettes se font remarquer, malheureusement pas pour le meilleur, au point que les solistes vocaux se regardent en souriant avec une indulgence que je n’ai pas…
Sinon, William Christie m’apparait d’humeur joyeuse, attentif et bienveillant envers tous, autorisant même un gag impromptu entre les jeunes « frères ennemis ». Sesto assomme donc Tolomeo d’un coup de partition sur la tête (toute l’épaisse partition de l’opéra tout de même), et le second choit bruyamment de tout son long en travers de la scène.
Ovations et rappels (pas trop tout de même parce qu’il est presque une heure du matin et que le chef d’orchestre tapote sa montre en nous regardant) concluent cette soirée tant attendue. Les fans de Cléopâtre se pressent dans les allées pour photographier leur reine de plus près, tout le monde est debout et applaudit à tout rompre. Pourtant, à peine un instant plus tard, le froid de la nuit parisienne me réveille.
S. Eusèbe, 14 février 2010
Commentaires
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2. Le lundi 22 février 2010 à , par Sylvie Eusèbe
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