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Mystère bouffe de Dario Fo à la Comédie-Française (salle Richelieu)


Une suite de miniatures, en deux soirées. Calqué sur l'esthétique du mystère médiéval, beaucoup d'irrévérence envers les Evangiles (certains spectateurs en avaient le souffle coupé à la fin, on les comprend), sur un mode très burlesque, et souvent lourdement scatologique (une saynète entière est fondée sur le pouvoir intrinsèque du plus fameux mot de cinq lettres). Les acteurs soutiennent admirablement les jeux de mime, les changements de voix, les chants (jusqu'à une belle maîtrise du belting !), créant des espaces en quelques gestes, montrant sans aucun accessoire des actions subies sur leur corps comme si des objets les contraignaient, etc.

Ce n'est pas fin, et cela invite au rire plus sur le mode du sketch des bateleurs standing up, où l'on rit parce que l'on est venu rire, que par ses traits d'esprits insondables. La restitution, cela dit, est réussie et le public rit.

Entre chaque saynète (un seul comédien, en habit noir sur fond blanc et plateau totalement nu), l'arrière-scène s'éclaire sous forme de 'tableau vivant' solennel représentant une crucifixion très picturale, et à chaque fois traversé par un élément grotesque. Même si la pauvreté en est probablement délibérée, les accompagnements au synthétiseur de ces parties sonnent tout de même un peu cheap.


Le résultat final doit beaucoup à la maîtrise totale des acteurs, qui valorisent par leur jeu, leur virtuosité et leur implication absolues des textes pas particulièrement saillants.

C'est donc dans l'ensemble un dépaysement divertissant, qui donne quand à réfléchir sur la façon de recevoir l'enseignement religieux, jusque dans la dérision, au Moyen-Age. Les moments dramatiques sont moins réussis (la mère folle de l'Innocent), et je suis très peu enthousiaste sur les tentatives de parabole politique, en particulier sur la fin qui fait de l'acteur-jongleur le fer de lance de la lutte contre les patrons (le mot est utilisé pour désigner le propriétaire terrien), qu'il faut pendre avec les tripes des curés, à cause de leurs injustices, le tout dans une ambiance verbale un peu lourdaudement typée Grand Soir, mais pour le coup avec un esprit de sérieux, une volonté de message qui contraste avec tout ce qui a été foulé aux pieds jusque là. C'est justement ce qui me déplaît dans ces séquences-là, pas tant qu'il y ait un message que le fait qu'il soit traité avec sérieux alors que tout le reste a été moqué : si on a moqué Dieu en pensant que ça n'avait aucune importance mais que les vraies choses, les engagements de Raison et de Progrès, ne doivent pas être tournés en dérision, alors on a perdu l'esprit du mystère burlesque, précisément.

Agréable spectacle, à défaut d'être vertigineux. Très impressionnant sur le plan de la technique des comédiens, en revanche.

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Les étapes de la partie I (partie II lors d'autres soirées) - les titres ne sont que mes propositions :

  • Catherine Hiégel : Présentation générale du principe des mystères bouffes.
  • Hervé Pierre : Histoire burlesque de la Nativité et de la Fuite en Egypte (du burlesque pur jus, vraiment amusant).
  • Christian Hecq : Les petitesses de Boniface VIII.
  • Yves Gasc : Le siège de Bologne, en cinq lettres répétées.
  • Stéphane Varupenne : Ailes et malédiction du cochon (grande présence, grande technique vocales).
  • Catherine Hiégel : La mère de l'Innocent au chevreau.
  • Hervé Pierre : L'origine et la mission du jongleur.


(Mise en scène : Muriel Mayette.)


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Commentaires

1. Le samedi 1 mai 2010 à , par didadidadou

Pourquoi cela s'appelle t-il mystère bouffe?

2. Le samedi 1 mai 2010 à , par DavidLeMarrec

Bonjour !

Tout simplement parce que c'est une référence au théâtre sacré du moyen-âge (le mystère, donc), avec une ici une forte concentration du ton comique (d'où le qualificatif "bouffe", qui est l'équivalent de "comique"). :)

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