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Paulus de Mendelssohn par Kurt Masur au TCE

Théâtre des Champs-Elysées, samedi 5 décembre 2009.

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Le premier oratorio de Mendelssohn, sans atteindre la hauteur d'inspiration d'Elias, dipose tout de même d'une très haute qualité d'inspiration, en particulier pour ses choeurs fugués, équivalents évidents, pour ainsi dire explicites, des Passions de Bach, ici transposées à un apôtre. Les textes sont intégralement issus des Ecritures, et au premier chef bien entendu des Actes des Apôtres.
Le paradoxe étant que cette mise à disposition en langue vernaculaire, d'un principe très réformé, a été exécutée pour la première fois devant un public catholique.

L'oeuvre est très belle et se compose de deux parties : la première évoque la persécution des chrétiens depuis la lapidation d'Etienne, puis la conversion de Saul de Tarse. La seconde partie, sensiblement plus courte, s'occupe de la prédication de Paul, qui le mène très vite, dans la compilation de Mendelssohn, à l'hostilité collective, à l'échec, et à la mort délibérée. Une lecture étonnamment noire de la mission paulinienne.

Malgré la grande beauté de l'inspiration, l'écoute continue de cette superbe musique confortable crée un sentiment de lassitude, de trop plein, pour la seconde partie qui aurait presque dû être jouée un autre soir - et dont le propos musical est en outre moins original et moins captivant.

Très agréable de disposer du programme de salle gratuit avec livret, même si on mentionnera pour l'amour du sport qu'on relève un certain nombre de coquilles (surtout dans le texte allemand, et aussi 'Saül' au lieu de 'Saul' dans la présentation).

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Côté interprétation.

Choeur de Radio-France attentif à la diction, superbe prestation comme d'habitude du plus beau choeur d'enfants du monde, la Maîtrise de Radio-France.

La voix assez droite de Rainer Trost (ténor) n'émeut pas autant que dans ses Mozart, et la voix n'a pas de présence supplémentaire, néanmoins le travail est tout à fait complet et réussi.

Ruth Ziesak (soprano), voix légère rompue à tous les répertoires, y compris à Schindler, passe remarquablement l'orchestre grâce à un timbre légèrement nasal et très dense.

Matthias Goerne (basse, mais baryton tout comme le créateur du rôle, le fameux liedersänger Julius Stockhausen) semble visiblement ému de retrouver, de l'autre côté de la scène, sa découverte de jeunesse de l'oeuvre : à Leipzig, en écoutant un concert de ... Kurt Masur. En réalité, moins inspiré par la première partie plus lyrique, il ne se libère dans toute sa mesure qu'à partir de la déchéance de Paul, dans les grands récitatifs de la fin de l'oeuvre (cure des paralytiques, prêche vain aux Gentils et annonce de la mort). Là, toute la profondeur de vue de ses inflexions textuelles, son sens de la ligne aussi se révèlent de la façon la plus bouleversante.

Le pompon de l'excellence revient à Christianne Stotijn (alto, mais mezzo-soprano), malgré la très maigre portion attribuée par Mendelssohn à sa partie. Un poids des mots hors du commun, une justesse d'expression à toute épreuve, et un parfait équilibre entre vaillance, moelleux et intimisme dans la voix. La poésie était incarnée ce soir.

Surtout, comme on pouvait le craindre, Kurt Masur se révèle, comme toujours dans Mendelssohn, assez dépourvu d'arête, voire assez mou - même s'il s'est grandement soigné -, ce qui fait sans doute tenir une bonne responsabilité. L'Orchestre National de France pour lequel il a tant fait n'était d'ailleurs pas le même qu'avec Daniele Gatti, tellement la cohésion (ainsi que l'entrain) semblaient moindres, malgré le très haut niveau de jeu.

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Très bonne soirée, donc, mais on tire peut-être plus de profit à entendre ce genre d'oeuvre en tranches, au disque. Manière de s'en mettre plein la lampe, mais de façon espacée et plus intense.


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Commentaires

1. Le lundi 21 décembre 2009 à , par Bajazet

Bonsoir, Majesté.

"Saul au lieu de Saül" — ce qui engagea au présentateur du concert à la radio (Alain Pâris) de prononcer Saül comme Paul, ou comme le poisson meunière.

Je n'ai pas tout entendu de la diffusion, j'étais assez mal luné sans doute, car j'ai détesté les chœurs, uniformes, sans esprit, et je m'interroge sur ce que sont devenues les qualités de Masur dans Mendelssohn. La voix de Ziesak a bien changé aussi, il me semble, je ne crois pas que je l'aurais reconnue.

Eh non, je n'ai rien de plus intéressant à dire ^^

2. Le mardi 22 décembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Noble seigneur, salut !

"Saul au lieu de Saül" — ce qui engagea au présentateur du concert à la radio (Alain Pâris) de prononcer Saül comme Paul, ou comme le poisson meunière.

C'est justement l'inverse que j'indiquais. Pris de frayeur en lisant ton commentaire, je suis allé vérifier dans cinq versions différentes (Ostervald révisé, Martin, Darby, Segond et Jérusalem), et tous écrivent bien Saul pour Paul et Saül pour le prédécesseur de David.

Cela dit, comme la Bible de Jérusalem a l'originalité de graphier 'Shaûl' pour les Saül qui ont précédé le livre de Samuel, il est tout à fait possible que ce soit une tradition uniquement destinée à distinguer les deux à l'écrit.

Toujours est-il que j'ai toujours entendu lire 'Saul' à la meunière, ce qui a le mérite, outre de le rapprocher symboliquement de Paul, d'éviter les confusions entre les deux personnages.
Tu as d'autres sources divergentes ?


Je n'ai pas tout entendu de la diffusion, j'étais assez mal luné sans doute, car j'ai détesté les chœurs, uniformes, sans esprit,

Les Choeurs de Radio-France étaient égaux à eux-mêmes. Excellence superlative pour la Maîtrise, et du bon travail pour le reste. Evidemment, il ne faut pas y attendre le fondu et la ductilité des choeurs germaniques, qui restent les plus indiqués pour interpréter ça. Mais c'était amplement suffisant.
Vu le son en salle, je pense en effet que la retransmission ne devait pas être flatteuse pour les choeurs (le timbre de R-F n'est pas spécialement flatteur, et pour rendre convenablement les strates en prise de son, celles de France Mu étant rarement superlatives... bonjour !).

et je m'interroge sur ce que sont devenues les qualités de Masur dans Mendelssohn.

Eh bien, je ne les y ai jamais vraiment trouvées, dans la mesure où ça a toujours été assez mou et sans arêtes, malgré de belles mises en valeur des bois.
Après ça, il y a eu moins de répétitions que pour les studios avec Leipzig (dont l'orchestre maîtrisait mieux la partition, et où cet oratorio était alors donné plus régulièrement), et Masur est assez lourdement malade, sa main tremblait tellement qu'il peinait à tourner les pages, donc on imagine aussi que l'investissement peut être bridé.


La voix de Ziesak a bien changé aussi, il me semble, je ne crois pas que je l'aurais reconnue.

Je l'entendais pour la première fois en vrai, donc difficile de dire pour moi. La voix sonnait beaucoup moins ronde, elle était plus nasale et acidulée, mais j'aime toujours beaucoup. Le texte était plus tranchant d'ailleurs.
Il faut croire qu'elle s'est zanettisée.


Merci de votre passage. :)

3. Le mercredi 23 décembre 2009 à , par Bajazet

Saul/Saül :
Pardon, je n'avais pas saisi. Je n'avais jamais entendu prononcer "Saul" comme le poisson. On peut comprendre l'argument de distinguer le ci-devant de Paul du père de Joathas, sauf que si c'est en effet le même nom dans les deux cas, c'est très artificiel, je trouve. Ad what about the saul music ?

Masur :
Je garde un excellent souvenir des symphonies de jeunesse pour cordes de Mendelssohn que Masur avait gravées à Leipzig, mais il est vrai que je ne les ai pas entendues depuis longtemps.


Ce blog est toujours d'une fécondité étourdissante. J'espère au mois que Marrec n'a pas tué le sommeil ?

(J'avais écrit un commentaire à propos du vibrato de Jaowitz dans le lied de Schubert, mais j'ai oublié de remplir la case lutine et tout s'est envolé. Ça fera toujours une méchanceté en moins 8-) …)

4. Le mercredi 23 décembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

De mon côté, j'ai au contraire à peu près toujours entendu parler de Saul de Tarse à la façon du vertébré aquatique.

Il faudrait vérifier la graphie et la tradition hébraïques sur ce sujet, mais vu les façons de la Bible de Jérusalem, ça ne m'étonnerait pas, puisqu'ils sont les seuls à appeler Shaûl les prédécesseurs de Saül qui portent le même nom.
Il est possible aussi que pour des raisons symboliques, en français, on ait tout bêtement trouvé puissant la transmutation du Saul en Paul.


Concernant Masur, je n'ai pas un bon souvenir du tout (pas très ancien) des symphonies et de la musique de scène du Songe, que j'avais achetées à vil prix lors d'une liquidation du catalogue Teldec chez un disquaire germanique.


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