Guide pour les 'Victoires de la musique classique' - 3 - "Soliste instrumental de l'année" et "Ensemble de l'année"
Par DavidLeMarrec, mercredi 6 février 2008 à :: Disques et représentations :: #842 :: rss
Soliste instrumental de l'année
- Nicolas ANGELICH (Piano... Virgin)
- CSS n'a jamais beaucoup apprécié le jeu un peu gris de Nicolas Angelich, très probe, mais qui n'a jamais suscité chez nous un émerveillement particulier, y compris dans la musique de chambre de Brahms - puisqu'il sera entre autres "évalué" sur son dernier album consacré au compositeur.
- Jean-Guihen QUEYRAS (Violoncelle, Harmonia Mundi)
- Un des plus grands violoncellistes qui aient été, assurément, qui donne toute la mesure de son intelligence des phrasés et de son éclectisme dans le domaine du concerto. On pourrait comparer à Fournier d'une certaine façon, mais nettement plus pensé, et un son plus chaleureux et robuste.
- Le son paraît un peu plus acide et l'engagement plus discret dans la difficile place du violoncelle pour la musique de chambre avec piano. Mais en solo, son disque Bach dont on a ici entendu quelques extraits est tout à fait splendide - la concurrence riche n'en fait absolument pas un indispensable, mais l'une des grandes réussites, pour autant qu'on ait pu en juger. Un très bon candidat, on récompenserait ainsi une figure majeure du violoncelle. Son concerto de Dvořák est à connaître absolument, mais on peut également se tourner vers le passionnant programme Kodály / Veress / Kurtág.
- Alexandre THARAUD (Piano, Harmonia Mundi)
- Ici aussi, un choix qui ne peut qu'être applaudi, tant Alexandre Tharaud s'est imposé comme un interprète majeur et original. Pour les lutins de CSS, ce sera surtout son Rameau recréé, avec irrégularité et trilles réinventés pour le jeu du piano, avec une plasticité et un rebond invraisemblables. Il n'existe plus de concurrence, piano et clavecin réunis. La suite d'hommage à Rameau de jeunes compositeurs [1], qu'il insérait entre les pièces de la suite en la, achevait de rendre passionnante et magnétique l'expérience. Impérissable.
- Ses Ravel subséquents ont aussi ravi la critique et le public comme une référence au plus haut niveau. En revanche, ses Couperin, cette année, ont déçu, y compris Carnets sur sol, à notre grande surprise. Cela sonne étrangement gourd, épais ; peu d'esprit, peu de badinage. En cherchant - avec raison - une autre clef que pour Rameau, Alexandre Tharaud n'en a pas trouvé une aussi évidente. Quelque chose subsiste de pesant, de peu dansant, de peu évocateur. Une étrange esprit de sérieux auquel il ne nous avait guère accoutumé.
Aussi, si CSS devait choisir, Queyras mériterait sans aucun doute d'être salué avec déférence, surtout eu égard à la déception relative causée par Tharaud - s'il faut absolument considérer l'année écoulée (et à partir des albums enregistrés en studio, aberration absolue...) et non le véritable mérite.
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Ensemble de l'année :
- La Chambre Philharmonique (fondée et dirigée par Emmanuel Krivine)
- Orchestre qui a reçu des critiques assassines à ses débuts. Emmanuel Krivine n'est pas un mauvais chef pourtant, mais si le niveau technique de l'orchestre et sa cohésion demeurent insuffisants, évidemment... On reste dubitatif sur l'ampleur de la catastrophe (et sur la catastrophe tout court), et très curieux d'en entendre plus que quelques secondes. Etrange cependant, au vu de la réception globale de ses débuts - mais faites l'expérience d'écouter le Trionfo del Tempo e del Disinganno par les Musiciens du Louvre dans les années quatre-vings, et vous saisirez en un instant l'abîme qui peut séparer une formation entre sa création, son développement et son meilleur niveau -, qu'il figure ici. La réponse se trouve peut-être dans le label qui l'édite (Naïve, pour ne pas le nommer).
- Choeur Accentus
- Tous les ans nommé, et bien souvent récompensé. Un choeur qui a le mérite de brasser énormément de répertoire, et d'être capable d'interpréter du contemporain et des raretés en abondance, avec, de ce fait, une importance assez notable dans la vie musicale - les compositeurs sont vraiment heureux de disposer d'un tel ensemble.
- Après cela, question son, on reste dans une certaine sècheresse un peu grise, très loin de la volupté des meilleures formations, en particulier nordiques et germaniques. Il existe, en termes de personnalité, entre Accentus et le Choeur de Chambre de la Radio de Riga le même abîme qu'entre un professionnel de valeur et une légende vivante.
- Cet organisme reçoit un lot assez considérable de subventions, et du fait de sa sagesse d'exécution, finit de s'attirer des ennemis. Il n'empêche que, sans le récompenser chaque année (ni acheter ses disques lorsque le choix existe, ce qui est loin d'être toujours le cas, et on l'en remercie !), on peut saluer son statut providentiel.
- Leur dernier disque consiste dans le Via Crucis de Liszt, une oeuvre pas énormément servie au disque (et surtout très mal la plupart du temps...), dont nous devions précisément proposer une discographie, presque achevée mais en attente depuis au moins une année, sur CSS. Cette oeuvre repose en grande partie sur les épaules du pianiste, et le magnétisme dramatique de Brigitte Engerer fait ici merveille, contrastant avec la tradition extatique des interprétations disponibles - tradition qui culmine dans l'enregistrement absolument sans égal de Reinbert De Leeuw, d'une lenteur et d'un dépouillement ineffables. Côté choeur, on peut trouver Accentus un peu vaste ici, et surtout toujours un peu impersonnel. Merci à eux tout de même de remettre cette oeuvre sur le métier, beaucoup d'enregistrement en sont épuisés, y compris les meilleurs (à part De Fasolis chez Naxos).
- D'accord, c'est publié par Naïve.
- Les Sacqueboutiers de Toulouse (direction artistique Jean-Pierre Canihac et Daniel Lassalle)
- Etrange nomination d'un ensemble très spécialisé. Il faut dire qu'ils ont pu sauver nombre de représentations par leur maîtrise excellente des cuivres anciens, si difficiles aujourd'hui encore pour les ensembles sur instruments d'époque. Ils ont notamment pu contribuer à l'Orfeo de Monteverdi par Emmanuelle Haïm (CD et concerts, notamment au Barbican Centre), William Christie ou Jordi Savall (DVD et tournée française) - et, particulièrement dans ce cas, leur éclat relevait nettement le niveau général de l'ensemble instrumental. Il existe plus séduisant, mais leur présence comme force d'appoint se montre salvatrice en de multiples occasions.
- De surcroît, l'Orfeo de Haïm est publié par Virgin Classics, alors vous pensez.
Impossible de se prononcer équitablement ici.
Notes
[1] Bruno Mantovani pour l'allemande, Guillaume Connesson pour la courante, Thierry Pécou pour la sarabande, Régis Campo pour Les Trois Mains, Krystof Maratka pour La Triomphante, Thierry Escaich pour la gavotte - Fanfarinette restait seule inexploitée.
Commentaires
1. Le mercredi 6 février 2008 à , par sk†ns
2. Le mercredi 6 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le jeudi 7 février 2008 à , par Morloch
4. Le jeudi 7 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le jeudi 7 février 2008 à , par Morloch
6. Le jeudi 7 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
7. Le jeudi 7 février 2008 à , par Morloch
8. Le jeudi 7 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
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