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Le disque du jour - XIII - Debussy joue Debussy

Je ne goûte que peu la plupart des versions sur le marché des pièces pour piano de Debussy, qui recèlent pourtant de petits bijoux.  Avec des souvenirs particulièrement terrifiés de pianistes excellents par ailleurs, mais assez étrangers à cette esthétique - tel Krystian Zimerman.
Si, tout de même, le souvenir des beaux phrasés de l'Isle Joyeuse par Eugen Indjic (2003) - sans doute parce qu'alors baigné dans l'univers chopinien, le ton de cette lecture m'a plus aisément séduit. Par ailleurs, certaines similitudes dans la sobriété, dans un son de tissu plus que de minéral, avec le disque du jour.

claude_debussy_isle_joyeuse_eugen_indjic.jpg

 


Le disque du jour ?

Ceci :
.
La seconde Arabesque. Vous noterez l'attention portée la basse, soit délicatement déposée, soit légèrement décalée par rapport à la main droite, dans le but d'obtenir des climats très précis.

On connaît fort bien les enregistrements laissés par Rachmaninov, mais Debussy ?  Car Debussy a joué pour des rouleaux perforés de pianos automatiques, ce qui rend possible une restitution certes imparfaite, mais dans un son irréprochable. Et la surprise joue à plein : la restitution, si elle n'a pas le poids du toucher exact ou le legato parfait des exécutions in vivo, n'en demeure pas moins excellente - bien supérieure à ce que laisse deviner un rouleau sonore des premiers temps de l'enregistrement musical.

debussy_joue_debussy.jpg

Si je recommande le disque par Debussy lui-même, c'est que l'interprétation en est remarquable - sinon, très honnêtement, la curiosité de l'authenticité se lasse bien vite. On échappe à ces lectures façon diamant, régulières, froides, étincelantes. Ici, au contraire, le toucher est feutré, le ton intimiste, les phrasés et les nuancés irréguliers - ce n'est pas un concertiste professionnel, mais un "amateur" plus qu'éclairé qui intervient. Loin de s'attarder sur la perfection des traits virtuoses, exécutés de façon un peu globale, c'est sur l'harmonie que porte l'effort, sur la stylisation des motifs, la mise en valeur des voix, des échos, des structures à l'oeuvre dans la pièce.
Et une simplicité exceptionnelle, dépourvue d'épate. Il n'est que de constater le tempo très modéré et la façon très stable des Arabesques, nullement aquatiques ou supralegato, morceaux charmants quoique superficiels que l'on entend habituellement.
Dans le même temps, un ton de conversation de salon, une proximité bonhomme de cette musique qui touche plus qu'elle n'impressionne.

C'est, au final, l'interprétation à laquelle je reviens le plus volontiers. Elle propose une véritable redécouverte de ces pièces rebatues - et une redécouverte plus précieuse que la découverte, à mon goût.

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Je vous livre pour information le programme de ce disque Dal Segno très bienvenu (2004).

1. Préludes, I, 1 : Danseuses de Delphes
2. Préludes, I, 10 : La cathédrale engloutie
3. Préludes, I, 11 : La danse de Puck
4. Children's corner
5. D'un cahier d'esquisses
6. La plus que lente
7. Estampes, 2 : La soirée dans Grenade
8. Estampes, 3 : Jardins sous la pluie
9. Préludes, I, 8 : La fille aux cheveux de lin
10. Préludes, II, 3 : La Puerta del Vino
11. Arabesque n°1
12. Arabesque n°2
13. Préludes, I, 2 : Voiles
14. Suite Bergamasque, 3 : Clair de lune
15. Rêverie
16. Images, II, 3 : Poissons d'or
17. Images, I, 1 : Reflets dans l'eau


Je conçois volontiers, bien évidemment, comme pour les Stravinsky de Stravinsky, qu'on préfère des exécutions plus propres techniquement - ou plus engagées pour des pièces comme ce Clair de Lune un rien indifférent.


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Commentaires

1. Le dimanche 3 décembre 2006 à , par Evaristo :: site

Je suis heureux de découvrir ce blog, très intéressant et vraiment très bien écrit. Ça me donne envie d’écouter ce disque. Les préludes de Zimerman ne me déplaisent pas, même s’ils sont un peu lents. J’aime ce croisement d’interprétations et de compositions allemandes et françaises: je trouve que ça s’équilibre. J’adore, par exemple, Beethoven par Aimard.

2. Le dimanche 3 décembre 2006 à , par DavidLeMarrec

Bienvenu par ici, Evaristo, et merci pour ces mots bien agréables.

Je connaissais déjà Dans mon île, et je recommande la très stimulante synthèse Boulez : http://yonoloveo.blogspot.com/2005/02/dcouvrir-la-musique-aujourdhui.html . :)

Oui, les Beethoven d'Aimard sont d'un genre particulier, mais intéressants, en effet !

3. Le mercredi 13 décembre 2006 à , par kfigaro :: site

C'est fantastique et très émouvant de pouvoir écouter le jeu réel (qui n'a pas la "mollesse" qu'on lui imagine parfois) de Claude Debussy avec un son du 21ème siècle , et tu décris tout ça à la perfection (quelle maîtrise verbale ! ça m'épatera toujours)... merci de nous avoir fait profiter de cet extrait...

4. Le mercredi 13 décembre 2006 à , par DavidLeMarrec

N'est-ce pas, c'est diablement émouvant ! Je n'aurais jamais cru qu'on puisse avoir une restitution aussi précise avec ces appareils. Une grande découverte, surtout dans ce son parfait !

Merci pour toutes ces gentillesses, mais tu n'as guère à envier à qui que ce soit l'aptitude à décrire avec justesse une musique. :-)

5. Le jeudi 21 décembre 2006 à , par Morloch

Une version qui pourrait correspondre à tes goûts ce sont les préludes par Robert Casadesus, une version intimiste qui concilie la caractérisation de chaque pièce avec une grande sobriété. Après chaque prélude tout paraît si naturel que l'on se prend presque à entamer une conversation avec le pianiste, avant qu'il continue.

Son style me paraît très proche de ce que j'ai entendu de l'extrait par Debussy, cela repose des démonstrations de technique immaculées et contemplatives qui semblent aujourd'hui la norme pour ce répertoire.

6. Le vendredi 22 décembre 2006 à , par DavidLeMarrec

Merci Morloch !

Je prends note, c'est en effet considéré comme un fondamental.

Et je déteste en effet le Debussy parfait et glacial si souvent proposé.

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