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dimanche 17 octobre 2010

Luigi CHERUBINI - Lodoïska - comédie héroïque d'après Faublas - (TCE 2010, Rhorer)


La soirée, dans un Théâtre des Champs-Elysées rempli au quart (sans exagérer !), réunissait une distribution d'un luxe incroyable.

Mais voyons d'abord l'oeuvre.

1. Sources

Car c'est encore une oeuvre d'une modernité extrême qui est proposée par les musiciens spécialistes de l'exhumation. Créée en 1791 au Théâtre Feydeau ouvert cette même année, elle repose sur un roman-mémoire libertin tout récent, Les Amours du Chevalier de Faublas de Louvet de Couvray (publié de 1787 à 1790 !), qui a sa célébrité chez les amateurs du genre et de la période.


On imagine bien ce qu'il peut rester d'un roman foisonnant où le style et la profusion des événements créent l'intérêt, sans parler même de la première personne à convertir en personnage inconsistant...

Eh bien non, on n'imagine pas. Car le livret est l'un des plus ratés qu'il m'ait été donné de lire ou d'entendre. Une succession de poncifs : la belle captive trouvée par hasard, le sauveteur piégé à son tour, les échappatoires très peu convaincantes, l'humour forcé pour entrer dans le cadre du genre comique, le méchant gouverneur et son sbire, la cavalerie qui arrive à temps. Tout cela étant exploitable en théorie, mais ici présentés sans enjeu, avec une platitude extrême aussi bien concernant le drame que la langue. Seule surprise, l'absence de moralité édifiante à la fin de l'ouvrage, où tout le monde se contente d'exulter que le méchant termine toute sa vie en prison (!), d'une façon, il faut le dire, bien mesquine. Où diable sont passés les turcs généreux d'antan [1], c'est ceci qu'ont donc produit les Lumières ?

Tout simplement, le livret de Claude François Fillette-Loraux n'utilise qu'un épisode assez laconique mais très intense du roman-mémoires, le récit de Lovzinski (devenu Floretski à la scène).

— Pulauski, continua Lovzinski, voyant ses espérances détruites et les Russes maîtres de sa patrie, disparut de Varsovie pour réunir les Polonais (fidèles et tenta la fortune contre l'envahisseur. Mais outre que je souffrais de sa disparition à cause de l'affection que je lui portais à lui-même, ce qui augmentait mon désespoir, c'était l'enlèvement de celle que j'aimais et que je craignais de ne plus revoir. Mais combien ma douleur fut plus grande lorsque j'appris que Lodoïska était tombée entre les mains d'un misérable appelé Dourlinski. Cet homme, abusant de la confiance de Pulauski, qui avait remis sa fille entre ses mains, l'avait enfermée dans une tour obscure, mettant sa liberté au prix de son honneur. Je parvins à m'introduire, avec mon serviteur Boleslas, dans le château de ce Dourlinski qui me reconnut et me jeta dans un cachot, tandis qu'il ordonnait à Lodoïska de se préparer à lui appartenir.
« Cependant, des trois jours que Dourlinski avait laissés à Lodoïska pour se déterminer, deux déjà s'étaient écoulés; nous étions au milieu de la nuit qui précédait le troisième; je ne pouvais dormir, je me promenais dans ma chambre à grands pas. Tout à coup j'entends crier aux armes ; des hurlements affreux s'élèvent de toutes parts autour du château ; il se fait un grand mouvement dans l'intérieur ; la sentinelle posée devant nos fenêtres quitte son poste ; Boleslas et moi, nous distinguons la voix de Dourlinski ; il appelle, il encourage ses gens, nous entendons distinctement le cliquetis des armes, les plaintes des blessés, les gémissements des mourants. Le bruit, d'abord très grand, semble diminuer ; il recommence ensuite : il se prolonge, il redouble ; on crie victoire! Beaucoup de gens accourent et ferment les portes sur eux avec force. Tout à coup à ce vacarme affreux succède un silence effrayant : bientôt un bruissement sourd frappe nos oreilles ; l'air siffle avec violence ; la nuit devient moins sombre ; les arbres du jardin se colorent d'une teinte jaune et rougeâtre; nous volons à la fenêtre : les flammes dévoraient le château de Dourlinski ; elles gagnaient de tous côtés la chambre où nous étions, et pour comble d'horreur, des cris perçants partaient de la tour où je savais que Lodoïska était enfermée... »
Ici M. du Portail fut interrompu par le' marquis de B***, qui, n'ayant trouvé aucun laquais dans l'antichambre, entra sans avoir été annoncé.

Et on n'en découvre le bref épilogue que soixante-dix pages plus tard :

Ce récit avait été interrompu au moment où la tour, prison de Lodoïska, était en flammes ; par bonheur, des Tartares étaient arrivés, s'étaient emparés du château de Dourlinski et avaient délivré les deux amants.

Ce style alerte et fougueux se perd évidemment dans la plate adaptation qui rallonge à n'en plus finir une trame à laquelle il n'ajoute que des airs convenus et une scène d'empoisonnement totalement ratée.

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2. Livret et musique

Il est vrai que l'oeuvre de Cherubini perd énormément en équilibre à cause de la suppression complète des dialogues qu'il avait prévus entre les numéros musicaux, matérialisés par une à deux (!) phrases parlées (et sonorisées). On voit bien ce que cela entraîne comme déséquilibre esthétique.

Mais la musique se révèle en revanche un condensé de formules nerveuses très neuves qui préfigurent Beethoven de façon assez saisissante, avec en particulier le grand interlude guerrier qui passe de loin toutes les luttes et tempêtes du répertoire composées avant le Vaisseau Fantôme de Wagner ! Beaucoup de choses à en exploiter, qu'on ne remarque pas assez à cause de la platitude du propos qu'elles servent. Dix ans après Andromaque, c'est encore un saut qualitatif bien plus vertigineux, vers quelque chose de très moderne et de déjà romantique. La tragédie lyrique n'est plus, et une esthétique plus libre et plus mêlée est née - le sous-titre l'indique très justement : "comédie héroïque". Le sublime et le grotesque cohabitant dans les mêmes numéros, le goût des nuances dynamiques, les figures de paroxysme, les ensembles sans symétrie... le classicisme est clairement derrière nous.

Malgré quelques tunnels (l'ensemble du poison, d'un bon quart d'heure, est assez interminable, ni oppressant ni drôle avec ses trois sbires empesés), l'oeuvre trouve de grands moments notamment dans le final du premier acte, tout le deuxième acte (ses beaux airs et ses ensembles, sauf le quintette du poison), et la bataille du troisième.

On pense tout de même que l'oeuvre serait extrêmement percutante à la scène, grâce à sa musique. On pourrait en particulier en faire une version Regietheater facilement, et si la direction d'acteurs en est assez active, il y aurait réellement de quoi représenter quelque chose de trépidant en dépit du livret misérable.

En l'état, c'était à la fois fascinant et assez peu touchant, bien moins qu'un Grétry pas du tout novateur comme L'Amant Jaloux...

C'est en tout cas la plus belle oeuvre de Cherubini qu'il nous ait été donné d'entendre avec ses deux Requiem.

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3. Exécution musicale

Notes

[1] Cf. Les Indes Galantes de Rameau, Die Entführung aus dem Serail, et le modèle subverti L'Italiana in Algieri de Rossini pour les exemples les plus célèbres.

Suite de la notule.

mercredi 21 avril 2010

Sémélé de Marin Marais par les Goûts Réunis (représentations en cours)


Les Goûts Réunis proposent une formule originale : réunir un choeur amateur à un orchestre formé de musiciens en fin d'apprentissage et encadrés par quelques professionnels, afin de fournir à tous une expérience formatrice.
Avec une oeuvre par an, une fois sur deux assez originale, l'ensemble a l'occasion de fournir un vrai travail de qualité.

Ce spectacle sera redonné (sans la chorégraphie) le samedi 8 mai à 20h, Eglise de Pentemont dans le VIIe arrondissement de Paris (106, rue de Grenelle). (Tarif 15€, 10€ si réduction. Sans réservation.)

Pour 4€ (livret fourni), on pouvait ainsi assister samedi à la Maison de la Musique de Nanterre, dans une salle de quatre cents place tout à fait pleine, à un spectacle complet : une mise en espace entrecoupée de danses (pendant un divertissement sur deux) assurées par les Fêtes Galantes (une compagnie que dirige Béatrice Massin, chargée de recréer la chorégraphie de l'Atys de Villégier la saison prochaine).

J'ai été agréablement surpris de constater que les couleurs harmoniques de Marais me paraissaient décidément moins sinistre dans Sémélé que dans l'ensemble de ses autres oeuvres, même si l'on a perdu la dimension en principe souriante de cette oeuvre au fil de quelques coupures...

Evidemment, on ne pouvait pas exiger dans ces circonstances une réalisation musicale de qualité tout à fait professionnelle, et cependant le résultat était assez remarquable.

Quelques points faibles :

Suite de la notule.

dimanche 7 février 2010

Amadis brouillon d'Armide - (LULLY, Opéra de Massy, dir. Schneebeli)


Quelques mots sur l'Amadis qui se joue encore aujourd'hui à l'Opéra de Massy.

1. L'oeuvre

Le livret de Quinault est faible cette fois-ci :

  • Très lent : quasiment deux actes d'exposition, un troisième acte inutile, un cinquième acte tout entier pour les retrouvailles heureuses.
  • Des méchants caricaturaux et des gentils niais : deux vilains enchanteurs faits pour la haine, une gentille fée sans motivation.
  • Des enchaînements dramatiques sans aucune nécessité : uniquement dûs à la magie, ce qui dépasse largement l'intervention traditionnelle du deus ex machina appelé pour résoudre une situation insoluble.
  • Des personnages peu attachants : Oriane n'apparaît pas pendant les actes II et III, on l'a à peine vue qu'on doit attendre l'acte IV pour la prendre en compassion. Corisande et Florestan ne font que minauder leur amour constant sans aucune variation psychologique et aucune incidence dramatique. Tout juste mettent-ils en valeur les douceurs de la constance au I et les douleurs de l'emprisonnement au III, comme aurait pu le faire un soliste issu des choeurs...


La musique n'est pas toujours inspirée non plus, beaucoup d'ariosos de basses-tailles qui doublent simplement la basse, comme c'est d'usage certes, mais ici de façon très récurrente. Valeur mélodique souvent faible. Se détachent surtout l'air d'Amadis à l'acte I, et surtout tout l'acte IV, une orgie de beautés lullystes, parmi ce qu'il a écrit de plus inspiré, où s'enchaînent une variété de sentiment, une qualité de déclamation et une prégnance mélodique qui n'ont que peu d'équivalents dans ce répertoire. Il faut aussi mentionner la formidable chaconne finale, de dimensions très majestueuses, et dont le thème, moins mémorable que d'autres, est varié de façon plus qu'admirable.

En maint endroit, on peut y voir une préfiguration des trouvailles d'Armide :

  • Le choeur de séduction à l'acte II rappelle les enchantements aimables et les songes agréables de l'acte II d'Armide - la basse continue se tait, seules les cordes parlent, on entend comme quelque chose de suspendu dans le médium. La fin de l'acte IV, quant à elle, utilise un duo a cappella. Tout cela annonce la formidable audace (qui se sent mal au disque, mais paraît vertigineux dans la salle) des danses de l'acte II d'Armide, lorsque tout l'orchestre fait silence et que le choeur énonce Ah quelle erreur, quelle folie ! / De ne pas jouir de la vie.
  • L'entrée d'Arcalaüs dans le cachot d'Oriane (acte IV) s'apparente elle aussi, avec ses mouvements harmoniques emportés et majestueux de basse continue, celle d'Hidraot à l'acte I d'Armide.
  • La grande chaconne enfin et bien évidemment rappelle Armide par ses proportions et son organisation : grandes variations orchestrales (avec épisodes de flûtes seules, ici en quintette), interrompues par une grande scène avec solistes et choeurs. Dans Amadis, c'est quasiment une forme vaudeville avant l'heure où chaque personnage vient dire sa part de la moralité finale.


Il faut cependant se rappeler qu'Amadis est un coup d'essai : le premier opéra français à sujet non mythologique (voire le premier opéra sérieux non antique, toutes langues confondues), utilisant un sujet vieux de quelques siècles à peine, les quatorze tomes du vaste roman médiéval consacré à Amadis de Gaule. Si Roland l'année suivante puis Tancrède de Campra (avec une source encore plus proche dans le temps) poursuivent cette nouvelle localisation des sujets, il faudra attendre Scanderberg pour admettre l'histoire récente dans la tragédie lyrique (voir ici pour plus amples détails).

Et précisément, Tancrède de Campra sur un excellent livret de Danchet reprend amplement la structure d'Amadis : l'acte III se déroule dans une forêt aux enchantements qui cause la perte de Tancrède à cause de la jalousie de la princesse qui lui est promise (mais à laquelle, ici, il ne souhaite prétendre). Sombres forêts, l'air de sa captivité, est d'ailleurs d'un caractère musical tout à fait semblable à Bois épais, à ceci près que sa mélodie est plus marquante et ses modulations plus raffinées.

Bref, Amadis, à l'exception de son acte IV, n'est pas le chef-d'oeuvre de sa période ni de ses auteurs, mais prépare le terrain pour beaucoup de choses qui seront des sommets : Roland, Armide, Tancrède, Scanderberg...

A noter, une curiosité : c'est la seule tragédie lyrique de ma connaissance où le Prologue est tenu par un personnage du drame (qui n'est pas allégorique, ni un dieu avec des attributs définis par la tradition).

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2. La salle

Suite de la notule.

lundi 2 novembre 2009

Andromaque de... Grétry - (Niquet, TCE 2009) - IV - La musique : une oeuvre de la quatrième école


Et musicalement ? On en viendra en dernier lieu à l'exécution de haute volée, avec sans doute un petit manque d'abandon de la part des chanteurs, mieux vaut aborder la qualité musicale de l'oeuvre elle-même, c'est le plus urgent.


Pour accompagner votre lecture, un extrait saisissant du Thésée de François-Joseph Gossec, dont il sera question en fin de notule. Duo de manipulation entre Médée et Egée.
Capté à Versailles par France Musique[s] le 29 novembre 2006.
On entend le merveilleux grain vocal et verbal de Hjördis Thébault (à qui je dois des excuses) et l'enthousiasme toujours communicatif de Pierre-Yves Pruvot, qui a beaucoup fait pour ce répertoire. Accompagnement exemplaire du Parlement de Musique dirigé comme il se doit par Martin Gester.


4. La musique
4.1. La quatrième école

On renvoie, pour cette question de genre, les lecteurs à nos présentations sur les écoles de tragédie lyrique, et en particulier à cette notule consacrée à la quatrième école, qui n'appartient plus à la sphère du baroque musical.

Pour résumer tout de même la situation :

  • La tragédie lyrique naît du désir du roi (Louis XIV) de posséder son propre théâtre à machines, et son propre opéra, en français. D'où procèdent les contraintes du genre, en opposition avec la tragédie classique (divertissements dansés, changements de décor, parfois à vue, omniprésence du surnaturel).
  • La première école est celle qu'on peut attacher à Lully, très proche du texte, solennelle dans son maintien.
  • La deuxième est celle de l'épanouissement : toujours très proche de la prosodie, mais avec plus de fluidité, plus d'airs, plus de coquetteries, plus de contrepoint. Plus de variété musicale aussi, et plus de spectaculaire.
  • La troisième, attachée à Rameau, s'éloigne de la primauté du texte pour favoriser la musique, et particulière les effets spectaculaires. C'est le triomphe aussi bien des orages spectaculaires que des mignardises galantes. Les livrets s'affadissent considérablement.
  • La quatrième école est à concevoir en rupture avec la précédente : sous l'impulsion de Gluck en particulier, la tragédie lyrique s'épure, mais à l'extrême : non seulement on revient à une harmonie et des rythmes très simples, mais en plus en reserre l'action, on écarte autant que possible les dieux, on diminue les ballets. On se recentre sur le texte (pas toujours excellent pour autant), et surtout sur les sentiments des personnages, beaucoup plus subjectifs que grandioses.


Il convient de rappeler ici que cette classification n'a rien d'officiel, et qu'elle se prête mal aux genres vocaux et instrumentaux non scéniques (musique religieuse, musique de salon) des XVIIe et XVIIIe siècles français. Elle est juste une proposition de repères que je fais sur Carnets sur sol, et qui me paraît relativement opérante.
Sans être formulée de façon aussi systématisée à ma connaissance, on la retrouve tout de même, dans l'esprit, dans les travaux savants.

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4.2. Appartenance, parentés et personnalité

Sans discussion possible, Andromaque appartient à cette quatrième école. Son langage épuré est tout classique. Ses harmonies ne sont plus baroques, elles sont déjà le fondement du langage "naturel" qui est culturellement le nôtre (la grammaire de Haydn et Mozart, en somme : qui va se romantiser progressivement via Beethoven).
C'est ce qui explique que cette musique nous paraisse à la fois si proche et si nue : elle est un peu le point de départ d'un certain "naturel harmonique", pour les auditeurs du début du XXIe siècle.

Suite de la notule.

jeudi 20 novembre 2008

Johann Christian BACH, Amadis de Gaule - au delà de la troisième école

Car l'Amadis de Bach s'inscrit dans la grande réforme du genre, après ce que nous avons désigné comme les trois écoles de la tragédie en musique.

En changeant le style exubérant, figuratif et volontiers vocalisant de Rameau en une déclamation sobre et pathétique, Gluck et ses contemporains ont en quelque sorte pratiqué un retour aux sources. Le classicisme s'est emparé de la tragédie lyrique (dont la durée se réduit par ailleurs sensiblement).


Eugène Delacroix, Amadis délivre la Princesse Olga du château de Galpan
Huile sur toile, 1860
Conservé aux Musée des Beaux-Arts de Virginie.

L'oeuvre est tirée du livret de Quinault, mais refondue en trois actes par Vismes de Saint-Alphonse, qui agence les très belles actions de Quinault de façon compacte, en les faisant se succéder avec urgence. (En lieu et place de cette délectation parcimonieuse bordée de contextes et de divertissements.)

De ce fait, il est amusant de se surprendre à retrouver la trame du Zoroastre de Rameau dans ce couple malveillant bancal, où le sexe faible montre la force d'une inclination dans toute sa gloire - lorsque le Cahusac de Zoroastre tient beaucoup du Quinault d'Amadis...


Siegfried rencontre Wotan ?
Une très belle version inédite de l'Orchestre de Chambre de la Radio Néerlandaise en 1983, très engagée orchestralement ; certes pas baroqueuse (un clavecin reste tout de même très présent), mais sans la moindre pesanteur. Dirigée par Kenneth McGommery, avec Martyn Hill. Ce formidable Arcalaüs n'est autre que Bruno Laplante, héritier de la grande tradition française (étudiant auprès de Raul Jobin et de Pierre Bernac), dont la notoriété est très inférieure au pouvoir tellurique de sa diction de feu, avec de plus une voix extraordinairement saine, claire comme une française, mordante comme une italienne.
Par ailleurs, Arcabonne est tenue ce soir-là par Felicity Palmer, Armide de Gluck absolument mémorable, à la présence toujours électrique et aux couleurs mauves inquiétantes.


Les fusées orchestrales de l'opéra seria après Jommelli (avec notamment l'usage très généreux des bois, dont les figures déjà autonomes colorent largement le discours musical) se mêlent à la simplicité de la déclamation puissante et hiératique des compositeurs classiques.

Toute l'oeuvre alterne entre récitatifs lyriques et intenses comme des ariosos... et des airs déclamés comme des ariosos, ce qui conserve l'admirable fondu de la tragédie lyrique, avec de surcroît des récitatifs à faire honte aux meilleurs serias de l'époque (et même aux formules liantes bien plus stéréotypées de Gluck). Johann Christian Bach, également auteur d'excellents opere serie (Christophe Rousset en a remonté un récemment, le Temistocle, mais les autres sont sensiblement du même tonneau), semble en réalité opérer une fusion entre les acquis de la tragédie lyrique de Rameau (d'un flux continu, volubile, figuratif), du meilleur seria de son temps (l'orchestre volubile et virtuose), et du retour à la déclamation brute de Gluck. La vocalisation exatique qui, elle, demeure, est d'un style purement mozartien, et il n'est pas besoin de rappeler les liens entre les deux hommes à Londres.


L'aveu de Felicity Palmer (qui ouvre l'oeuvre dans la version compactée de Vismes de Saint-Alphonse), sur les ailes orchestrales de l'Amour.


Un bijou, qui de même que les Danaïdes de Salieri, permet de réviser très sérieusement la suprématie absolue de Gluck dans les Histoires de la Musique et les programmations des salles. Suprématie déjà relativisée par la qualité au moins égale d'oeuvres comme l'Iphigénie en Tauride de Piccinni (qui souffre fort bien la comparaison à celle de son rival) ou l'Oedipe à Colone de Sacchini (peut-être moins intense musicalement, mais d'un format tout à fait original, sur une trame peu commode à l'opéra).
Bijou qui contrairement au faible rifacimento de Gluck sur Armide, paie explicitement son tribut musical en reprenant textuellement la musique de la déploration sur Amadis (là où Gluck ne parvient pas à se dépêtrer des tournures trop mémorisées de l'aîné, en en affaiblissant de plus les idées).

Cet Amadis a aussi

Suite de la notule.

David Le Marrec

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