Carnets sur sol

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« Parce que deux écoutes de l'Art de la Fugue, ça vous a suffi ? » – Pourquoi plaider pour les raretés


Il y a peu, je me moquais du répertoire (très) réduit de Nikolaï Lugansky en le félicitant d'oser Brahms, lui qui n'avait jamais joué que Chopin et Rachmaninov. [Après vérification, c'était plutôt pour dire que vu qu'il ne jouait qu'une poignée d'œuvres, en l'occurrence de Chopin, le minimum était qu'elles soient bien jouées comme il le fait !]

Et on me répondit en substance, non sans fondement :

Mais qui a entendu ne serait-ce que toutes les symphonies de Beethoven en vrai, tous les cycles pour piano de Schumann ?  On a l'impression d'en être gavé parce que les disques et YouTube nous les rendent disponibles, mais c'est une expérience qui, œuvre par œuvre, n'est pas si fréquente, même pour les piliers du répertoire.
[Suivait aussi l'éloge de la Saint-Matthieu qu'on peut réécouter à l'infini, ce qui me paraît moins convaincant, ou en tout cas moins universellement opposable à mon militantisme en faveur de la rareté.]

Une véritable question en effet. C'est très juste, on ne voit que difficilement, dans une vie de mélomane, toutes les grandes œuvres, et elles méritent d'être réentendues, ce qui pourrait quasiment clore la question.

Et, il est très vrai, on a le disque pour documenter les raretés.

Mais c'est, à mon sens, prendre la question du mauvais côté.

Au disque, il existe déjà une offre exceptionnelle de pièces rares, souvent même en plusieurs exemplaires. Il suffit de chercher, et l'on trouve. Lorsque Lugansky grave des œuvres déjà multi-enregistrées, on peut se poser la question de la pertinence, tout grand qu'il est, de se mesurer à tous les autres et de proposer une vision pas si fondamentalement différente du même texte (lorsqu'il existe déjà par Richter, Arrau, Pollini, Argerich, Immerseel, etc.)… mais ce ne lèse personne.
Au concert en revanche, on ne dispose que de l'offre locale (même en se déplaçant, on est largement limité si on a un travail à assurer dans des lieux prédéterminés). Donc ne proposer que les mêmes œuvres empêche réellement d'entendre les autres.

¶ Ensuite, je crois qu'il y a une forme de démarche particulière au disque : un mélomane du rang ne va pas acheter une monographie de Cras ou de Tichtchenko, vu qu'il n'en a jamais entendu parler. Alors que dans un concert, par le jeu des couplages, on peut donner à découvrir – on appelle ça de la vente liée chez les juristes (autorisée en France depuis mai 2011).  Évidemment, si on programme une ouverture d'Alfvén, un concerto de Tveitt et une symphonie de Madetoja, on va rencontrer des problèmes de remplissage, mais une double intégrale des symphonies de Brahms et Szymanowski (Brahms 1 allant avec Szyma 1, Brahms 2 avec Szyma 2, etc.) comme l'avait fait Gergiev avec le LSO, ça fonctionne !
Le concert permet ainsi d'initier le public sans se reposer sur son investigation personnelle.

Puis arrivent des raisons peut-être un peu plus morales que réellement pratiques :

¶ Quand un interprète commence à disposer d'une notoriété, il arrête en général de jouer des choses rares (qu'il était obligé de faire en attendant une place au soleil, donc ?), et tâche de prouver sa valeur dans les « grandes œuvres ». Kaufmann a commencé par enregistrer Oberon sur instruments anciens et Der Vampyr, maintenant son répertoire se limite exclusivement à Verdi-Wagner-Puccini-R.Strauss ; pareil pour les jeunes violonistes qui jouent des créations ou des redécouvertes, et qui finissent par débiter les dix mêmes concertos partout dans le monde. Je trouve ça assez triste, à vrai dire, considérer que l'aboutissement est dans le ressassement des mêmes œuvres qui, étant déjà connues du public (et souvent de très haute qualité) se soutiendraient très bien avec des exécutions plus moyennes.
♦ C'est faire porter l'effort sur des œuvres qui, par leur familiarité ou leur génie, n'en ont pas besoin ; alors que d'autres, d'un style moins couru (et pas forcément de moindre valeur, sauf si on prend Beethoven et Wagner pour étalons…), auraient justement besoin d'interprètes célèbres et/ou excellents pour s'imposer durablement auprès du public.

¶ Enfin, et le plus grave sur le principe, cela signifie qu'on conçoit la musique classique comme un ensemble mort où seule la réitération infinie du même petit répertoire a d'importance. L'essentiel réside alors dans la prise de rôle de Netrebko en Amelia ou dans les premières Polonaises intégrales de Sokolov, et pas dans la nouveauté de la musique elle-mêmeLes créations ou recréations font beaucoup plus discrètement les titres de la presse spécialisée que l'infinitième Manrico d'Alagna – au demeurant l'un des interprètes starisés les plus défricheurs, aussi bien en créations qu'en exhumations (Fiesque, le Jongleur, Rimini, Pénélope, Cyrano…).
♦ Que des interprètes, que le public considèrent soit que l'essentiel est dans le pianiste (plus que dans l'œuvre), soit que la musique est un ensemble fini, qui n'a pas pour vocation de s'élargir, me peine assez, sur le principe même.

Il y a aussi, en filigrane, l'idée que ce qui est rare est suspect ou inférieur, mais c'est une position tellement faible (méthodologiquement, rationnellement, factuellement) que je vais conserver le propos de cette notule centré sur la réponse à l'idée, plus troublante, que la découverte en salle des chefs-d'œuvre n'est finalement pas si banale ni anodine.

En tant que mélomane, néanmoins, je crois qu'il est important d'avoir la possibilité de choisir, et notamment des esthétiques qui ne sont pas celles majoritairement proposées : musique de chambre atmosphérique / harmonique française à côté de celle conçue à la germanique sur le développement, symphonies nordiques, opéras slaves, créations contemporaines tonales… et bien sûr tragédie en musique Louis XIV auprès de la domination exclusive du seria et de Rameau !  (hors de l'axe Paris-Versailles, c'est le cas)

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Au demeurant, il ne faut y voir aucun blâme contre les mélomanes qui n'ont pas le temps ou l'envie d'explorer : si on écoute une heure de musique par jour et va au concert deux fois par an, toutes les questions que je soulève n'ont à vrai dire pas vraiment d'importance. Cela concerne plutôt le public le plus avide – et la posture des musiciens eux-mêmes, surtout lorsqu'ils commencent à avoir du pouvoir. On voit bien les baroqueux s'échapper dès que possible de leur niche pour aller jouer Beethoven et Brahms…

On peut retrouver la conversation d'origine dans ce fil du meilleur forum francophone autour de la musique classique.

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Il me reste toujours pas mal d'œuvres découvertes cette saison à présenter (la Messe d'Innocent Boutry, Les Horaces de Salieri, Chimène de Sacchini, Brocéliande d'André Bloch…), des notules sur la technique vocale… Il ne se passe pas de semaine sans que j'y travaille activement, mais les recherches nécessaires et le dégoût de la monomanie me conduisent à avancer tout cela de front, et donc lentement.

Pour autant, et malgré le retard accumulé dans mes plans machiavéliques pour le développement de CSS et la conquête du monde (civilisé), je ne puis me résoudre à vous abandonner une semaine complète sans notule, estimés lecteurs, frères semblables ou trolls difformes.



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Commentaires

1. Le jeudi 26 janvier 2017 à , par alain

Peut-être aussi pourrait-on voir les choses autrement?
Pour ma part, la musique classique a été découverte, il y'a 4 ans par la flute enchantée de Mozart (sur Arte). De là, j'ai acheté La flute enchantée de Kemperer et j'ai découvert Gedda et Lucia Popp. Avec Gedda, je suis donc passé à Carmen et j'ai découvert Victoria de Los Angeles, puis Verdi et Tito Gobbi, qui m'a fait découvrir Alva qui m'a fait découvrir Rossini, puis Dieskau toujours dans Mozart, et puis Bach donc Richter et donc Maria Stader qui elle, m'a fait découvrir Rita Streich et puis Purcell... Le fil se déroule, la dernière bonne découverte a été Ebe Stignani...
La musique classique est une énorme pelote qui se déroule sans arrêt. On passe d'interprètes à des compositeurs, puis à des chefs d'orchestres, à des intrumentalistes. Et on se dit que la vie ne suffira pas à tout découvrir.
De toutes les façons, j'ai peu de temps à perdre avec Nebresko (qui n'a aucun intérêt) même si c'est avec elle que j'ai vu la première fois "l'elixire d'amore" mais depuis... j'ai vu et surtout entendu tellement mieux (SERAFIN carteri/alva/panerai).

Les seuls qui me touchent actuellement sont Bartoli, Scholl et Jarrousky (et encore, ils ne me feront jamais l'effet du superbe Russell Oberlin), Julia Lezhneva (et encore pas pour tout).
Le reste, çà existe mais çà ne marquera absolument pas l'histoire de l'humanité. C'est trop mauvais, sans affeti, sans travail, à l'image de notre monde: vite fait, mal fait.

2. Le vendredi 27 janvier 2017 à , par Faust

Il me semble que l'élargissement du répertoire constitue toujours un effort à toutes les époques, qu'il s'agisse des artistes eux-mêmes ou des mélomanes. Or, si on ne fait pas cet effort le répertoire que l'on interprète ou que l'on écoute se rétrécit inexorablement. En outre, les goûts et les centres d'intérêt évoluent dans le temps ...

On ne va donc pas reprocher à l'infatigable animateur de ce site de rechercher la rareté en musique et bien souvent de nous la faire découvrir !



Etes-vous si sûr que le monde civilisé existe autant que cela ? :)

3. Le vendredi 27 janvier 2017 à , par alain

Encore ce matin, était chroniqué sur France musique un "4 saisons de vivaldi". Quel pauvreté d'éxécution, quel déplorable version.
Je ne conteste pas le travail du rédacteur de ce blog. Bien au contraire.

Personnellement, je ne pense pas que je rétrécis mon répertoire à me focaliser sur une époque sans nuances et sans équivalent. Encore ce soir, découverte de la version d'Armida de Rossini avec une interprétation tellement surprenante de Cristina Deutekom. Qui pourrait arriver à cela maintenant alors que la plupart des sopranos actuelles ne savent même pas chanter de façon correcte le KV 418 de Mozart?
Pourquoi aller dépenser 10 ou 15 euros dans un Cd loupé et pas bien fini de maintenant alors que ces mêmes 10 ou 15 euros seront bien plus qualitatifs si l'on se plonge dans les années 50/60/70 (pour réduire à 3 décennies).

Malheureusement, ce n'est pas l'auditeur qui réduit son champ. La demande est là mais l'offre est peu intéressante. On ne critiquera pas Villazon, Nebresko, Juan Florez, mais franchement, qu'ont-ils d'intéressants à montrer face à Gedda/Simonneau/Del Monaco ou Callas/Deutekom/De Los Angeles ou l'excellentissime Luigi Alva (si méconnu)? Quel baryton actuel tiendrait la cadence face à Tito Gobbi ou Panerai ou Taddei? Comment Marie Nicole Lemieux ose chanter "mon coeur parle à ta voix" de la façon où elle le chante? Alors qu'une pauvre petite version italienne d'Ebe Stignani ECRASE toute comparaison possible. Chez Stignani, l'affeti, les notes, chez Lemieux, un tempo même pas régulier.

L'époque actuelle manque singulièrement de travail ou de volonté (et je ne parle même pas des mises en scène). C'est assez triste de toujours devoir se tourner vers le passé mais c'est tellement plus agréable à ,os oreilles et à nos coeurs.

Je viens de lire un livre sur les castrats et un de ceux-ci disaient qu'avec la fin des castrats, c'était la fin du bel canto. Que dire de notre époque.....

4. Le vendredi 27 janvier 2017 à , par Xavier

Peut-être que la musique ne se résume pas au chant et en particulier au bel canto...
Dès qu'on fouille un peu, on se rend bien compte que le "c'était mieux avant" ne tient pas une seconde: les orchestres sont d'un bien meilleur niveau qu'avant, à tous points de vue, c'est assez incontestable.
Sur les qualités interprétatives, rien n'est tout blanc ou tout noir: on est beaucoup plus scrupuleux au niveau de l'authenticité notamment, pour jouer Mozart ou tout ce qui lui est antérieur.
Et si on regarde les chanteurs-stars actuels (puisque c'est essentiellement le sujet de ce dernier commentaire d'Alain, mais je dois dire que ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus dans la musique), je ne crois pas que Kaufmann, Vogt, Pape, Terfel, Goerne, Schwanewilms, Westbroek, Meier, Schuster, Denoke, Netrebko... aient tant que ça à envier à leurs prédécesseurs.
En tout cas, franchement, ça se discute.
Enfin, on est très loin de l'article de David qui parlait plus de la curiosité ou de l'absence de celle-ci chez certains mélomanes pour des répertoires, des compositeurs ou des oeuvres moins connues.
Du coup, si on sort un peu de Mozart et de l'opéra italien, on se rend d'autant plus compte de la richesse de notre époque aussi bien sur les interprètes que sur les oeuvres qu'on peut entendre, surtout au disque.

5. Le dimanche 29 janvier 2017 à , par alain

En effet, la musique ne se résume pas au chant. Mais on ne peut pas dire qu'au niveau chant, le panel actuel vale le panel des années 50. Trouve moi une mezzo-soprano qui chante comme Ebe Stignani à l'heure actuelle. Trouve moi un ténor de la qualité de Nicolai Gedda à l'heure actuelle, trouve moi un basse comme Boris Christoff... Regarde l'article sur ce même site consacré à Juan Florez. Le constat de l'époque actuelle est dans cet article.
Quant au niveau des orchestres actuels... J'avoue ne pas avoir entendu mieux en Bach que ce que dirigerait Karl Richter. On parle beaucoup de Nezet Seguin, mais ces interprétations de mozart sont... disons très...boum boum car le mixage privilégie fortement les basses (on se croirait dans une discothèque) et ne valent pas les versions de Karajan.
De même, Simonneau dans son livre, parle de pièces de Mozart prévu pour 24 instruments qu'on joue maintenant avec...60. Donc, pour ce qui est du l'authenticité de l'oeuvre...
J'ai entendu une version "moderne" de la RV683 de Vivaldi (Amor, hai vinto).. je n'arrivai même pas à reconnaitre la mélodie de base tellement il y a avait digression dans la partition.

Quand on regarde par exemple cette version de Alceste:
https://www.youtube.com/watch?v=D2PW3uLMbuQ
On se demande si on a bien lu le livret ou si on est dans une version d'un opéra qui s'appelle "que dois-je faire de mes mains". Authenticité de l'oeuvre?

Bon, je m'excuse. J'ai un peu dérivé du sujet initial.

6. Le dimanche 29 janvier 2017 à , par DavidLeMarrec

Bonjour !


@ Alain :

Bien sûr, les rencontres fortuites sont aussi l'occasion de découvrir, vous avez bien sûr raison. Mais si vous avez fréquenté la musique classique depuis quatre ans, vous n'en êtes peut-être pas encore arrivé au moment où l'on a l'impression que le répertoire de concert fonctionne en vase clos. (Au disque, c'est différent, depuis qu'on n'est plus limité par les choix de stockage – ou les contacts éditeurs – du disquaire, on a une totale liberté pour les œuvres, les interprètes, et bien sûr leur fréquence d'écoute !)


Le fil se déroule, la dernière bonne découverte a été Ebe Stignani...

Jeune, elle peut être très bien, oui (Amneris chez Erede, par exemple). Elle a été rendue célèbre par des enregistrements assez tardifs où la voix n'a plus la même fraîcheur.

Pour le reste, Netrebko est une interprète passionnante, surtout en rapport avec la scène – elle ne chante pas forcément mieux que les autres, mais elle a un charisme d'actrice impressionnant (et Adina est l'un des rôles où elle le montre le mieux). En revanche, en son seul, oui, il y a toujours mieux (mieux articulé, déjà !).

Ensuite, ce qu'on aime ou pas, c'est largement affaire de goût – l'Élixir de Serafin est étonnamment mobile, c'est vrai, mais ce n'est qu'une proposition parmi plein d'autres qui auront des qualités différentes (un orchestre plus souple, précis et coloré, des équilibres vocaux différents, etc.).


Les seuls qui me touchent actuellement sont Bartoli, Scholl et Jarrousky (et encore, ils ne me feront jamais l'effet du superbe Russell Oberlin), Julia Lezhneva (et encore pas pour tout).
Le reste, çà existe mais çà ne marquera absolument pas l'histoire de l'humanité. C'est trop mauvais, sans affeti, sans travail, à l'image de notre monde: vite fait, mal fait.

Il est évident qu'il n'y a pas que quatre interprètes de valeur aujourd'hui. C'est surtout qu'en matière de chant les techniques ont radicalement changé (vous avez dû voir qu'il y avait quelques notules – celle-là par exemple – consacrées au sujet sur le site), et de pair l'effet produit, les qualités… On ne trouve plus aujourd'hui des voix aussi saines et franches pour faire claquer un Verdi ou tonner un Wagner, en revanche on trouve des chanteurs beaucoup plus précis et fins, infiniment meilleurs acteurs, sans parler des orchestres où, là, c'est vraiment sans comparaison à l'honneur du temps présent (ne serait-ce que sur de très simples critères techniques).

À partir de là, le fait d'aimer plutôt les chanteurs d'autrefois ou d'aujourd'hui dépend surtout des inclinations personnelles – je suis parfois déçu par ce goût de la patine, du tubage, du chant « à l'intérieur » du corps actuellement… et inversement, dans le lied, je trouve la plupart des anciens inécoutables, tant ils débitent leur texte avec une indifférence à la demi-teinte qui finit par m'épouvanter. Ça répond à des logiques d'écoute qui varient selon les individus, il ne faut pas forcément en tirer de conclusion sur la valeur des artistes eux-mêmes.

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@ Faust :

Oui, c'est juste, certaines pièces tombent en désuétude, et plus le public s'habitue à écouter une œuvre, plus il est présent lorsqu'on la joue. Si on ne jouait que la Neuvième de Beethoven et le Requiem de Mozart, on ne remplirait même plus pour Parsifal et Tosca.

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@ Alain (2) :

Je suis allé voir les Quattro Stagioni que vous mentionniez : c'est donc la version du Concerto Köln qui vient de sortir. Il est vrai que c'est un enregistrement bizarre (à quoi rime d'exécuter des variations dès la première énonciation des thèmes ?), aux cordes très rugueuses (on entend bien le boyau), et je trouve le son de Shunske Sato assez pénible. Néanmoins, c'est tout sauf ridicule, il se passe plein de choses… qu'on puisse critiquer la conception, bien sûr (je viens de le faire), mais « pauvreté d'exécution », non, tout de même, l'orchestre est d'une virtuosité au-dessus de tout reproche (et je dirais même au-dessus de toute comparaison avec les orchestres d'il y a cinquante ans).


Encore ce soir, découverte de la version d'Armida de Rossini avec une interprétation tellement surprenante de Cristina Deutekom. Qui pourrait arriver à cela maintenant alors que la plupart des sopranos actuelles ne savent même pas chanter de façon correcte le KV 418 de Mozart?
Pourquoi aller dépenser 10 ou 15 euros dans un Cd loupé et pas bien fini de maintenant alors que ces mêmes 10 ou 15 euros seront bien plus qualitatifs si l'on se plonge dans les années 50/60/70 (pour réduire à 3 décennies).

C'est tout une autre question que celle que je tâchais de soulever : je parlais de l'offre au concert, avec un public par définition captif – on ne peut pas aller écouter le concert d'il y a vingt ans, ni celui de la ville d'à côté (ne serait-ce que le temps de transport en quittant le travail). Au disque, on a bien sûr le choix – et évidemment, dans le flot de nouveautés qui sortent, quel intérêt de dépenser 20€ pour une interprétation parfois fade, alors qu'il existe des rééditions à prix cassé des grandes références déjà éprouvées ?  Oui, bien sûr. Mais c'est là une question de rationnalité de modèle économique des grandes maisons de disque, ça ne concerne plus directement l'auditeur (qui achète ce qu'il veut) ni les artistes (qui font ce qu'ils peuvent sur le propre CD).

Après ça, je ne suis pas du tout d'accord sur ce que vous dites de « la plupart des sopranos actuelles » : il y en a quantité d'excellentes (c'est même la tessiture la plus commune, donc celle où la concurrence est la plus pléthorique). Pas forcément dans le même genre que ce faisait Deutekom (très singulière), et le répertoire italien du XIXe est l'un des rares où je trouve que c'était plutôt mieux avant (sauf orchestralement, où l'on commence enfin à s'extirper de l'horreur généralisée des débuts du disque jusque dans les années 90). Mais rien que cela : pouvoir entendre du Rossini qui n'est pas savonné et avec des couleurs, ça ne compte pas pour rien. Pareil pour l'agilité des chanteurs : la génération avant Deutekom ne la maîtrisait pas du tout, alors qu'aujourd'hui tout le monde travaille cet aspect.


Malheureusement, ce n'est pas l'auditeur qui réduit son champ. La demande est là mais l'offre est peu intéressante. On ne critiquera pas Villazon, Nebresko, Juan Florez, mais franchement, qu'ont-ils d'intéressants à montrer face à Gedda/Simonneau/Del Monaco ou Callas/Deutekom/De Los Angeles ou l'excellentissime Luigi Alva (si méconnu)? Quel baryton actuel tiendrait la cadence face à Tito Gobbi ou Panerai ou Taddei? Comment Marie Nicole Lemieux ose chanter "mon coeur parle à ta voix" de la façon où elle le chante? Alors qu'une pauvre petite version italienne d'Ebe Stignani ECRASE toute comparaison possible. Chez Stignani, l'affeti, les notes, chez Lemieux, un tempo même pas régulier.

Tout cela est pure question de goût : beaucoup de gens (moi le premier) trouvent Alva un peu mince, un peu grêle, tellement étroit qu'il ne peut pas vraiment varier les couleurs (la voix est jolie, mais il ne peut pas alléger vu qu'il est déjà tout petit…).

Les emplois des gens que vous citez ne sont de toute façon pas les mêmes. Et lorsque c'est le cas, la comparaison n'est pas forcément en faveur des anciens : Alva n'avait pas du tout une agilité (ni même des aigus) comparables à ceux de Flórez (dont la technique, justement, est assez en phase avec l'ancienne manière de pratiquer le chant, tout dans le masque, à l'endroit le plus sonore et brillant, quitte à être un peu monochrome).

En ce qui me concerne, Callas, Los Ángeles ou Simoneau me touchent assez peu directement, et je vais être plus touché (indépendamment même de leur valeur technique) par Mattila, Gillet ou Borras.

Les barytons actuels ont à chanter devant des salles plus vastes, avec la pression d'être constamment filmés et comparés, et la continuelle agression des décalages horaires, des voyages en avion, du changement permanent de langue aussi… Et ils ne font pas forcément moins de dates que leurs aînés. Pour la puissance, ça dépend. Sgura doit faire plus de bruit que Panerai ; mais Bastianini ou Taddei devaient être particulièrement spectaculaire, avec des voix massives mais franches qui n'ont, en effet, que peu d'exemples aujourd'hui (où ces voix puissantes ont souvent une plus haute impédance, donc moins directes).

Le fait que vous mentionniez Marie-Nicole Lemieux (dont je ne m'explique pas la célébrité, même en salle ce n'est ni glorieux ni propre) me laisse entrevoir que vous n'avez peut-être pas écouté les bons candidats pour vous convaincre – si vous êtes sensible au chant d'antan, essayez plutôt Anne-Catherine Gillet, Gérard Théruel, Jean-François Borras…
En revanche, la liberté de tempo est voulue, c'est même tout un art (le rubato, l'agogique selon les cas). J'en dis quelques mots dans cette notule. Marie-Nicole Lemieux n'est certes pas la meilleure chanteuse du monde, mais elle est parfaitement capable de tenir un tempo, aucun doute là-dessus.


L'époque actuelle manque singulièrement de travail ou de volonté (et je ne parle même pas des mises en scène).

Pour aller plusieurs fois dans les conservatoires entendre la relève, je puis vous assurer que non seulement le travail y est très présent, mais que le niveau du moindre étudiant instrumentiste du CNSM est très supérieur à n'importe quel musicien du rang des années 60. C'en est vertigineux.


Je viens de lire un livre sur les castrats et un de ceux-ci disaient qu'avec la fin des castrats, c'était la fin du bel canto. Que dire de notre époque.....

La fin des castrats coïncide en effet, chronologiquement, avec la fin du belcanto. Après, bien sûr, il n'y a pas de rapport de cause à effet.

Pour ma part, entre l'offre discographique très vaste, la qualité accrue des accompagnements et le soin plus grand apporté au style et au texte, je suis plutôt convaincu que nous vivons un âge d'or. C'est moins vrai si on considère uniquement les voix, et en particulier dans les répertoires les plus exigeants en matière de projection (Verdi et Wagner, disons), ce qui explique les diverses de goût entre mélomanes, sans même se déranger à convoquer la question de la subjectivité en art.

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@ Xavier :

¶ Pour les instrumentistes, oui, on en a souvent discuté, on n'a jamais joué à un tel niveau. J'ai vu il y a quelques mois des jeunots du CNSM lire quasiment à vue des quatuors avec piano de Joseph Marx (donc pas des trucs aisés à deviner comme du Mozart ou même du Schumann), et avec un degré de finition incroyable. Alors que même chez les grands solistes de naguère, lorsqu'on prend des disques de musique de chambre, c'est tout baveux…

¶ Côté chant, il y a des limites naturelles et des influences de l'usage, donc c'est plus compliqué. Il est clair que, dans ta liste, Meier, Denoke ou Kaufmann n'ont pas l'éclat et la puissance des chanteurs d'autrefois, parce que leur conception du beau son a changé, et que le leur est moins optimisé de ce point de vue.
En revanche, en matière de finesse, en effet, ils ont un regard beaucoup moins global sur ce qu'ils chantent, c'est vrai. (Et puis il y a toujours des voix énormes ou très bien projetées, tu en cites plusieurs.)
Je crois que ça tient vraiment à l'inclination de chacun, aux priorités qu'on se met. Dans Verdi, où la voix est capitale, c'est vrai qu'on a des difficultés à bien distribuer certains rôles aujourd'hui, alors qu'on a plein d'italiens à peine connus qui le faisaient magnifiquement dans les années cinquante.

¶ Oui, voilà, je voulais surtout dire que même si on ne peut pas voir si régulièrement que ça les œuvres lorsqu'il s'agit de concert (et qu'on pourrait donc fort bien se contenter de réentendre une intégrale Beethoven ou Mahler tous les deux ans, ça le vaut amplement !), je crois qu'il est important, ne serait-ce que pour la démarche et la façon dont on conçoit le répertoire, de ne pas s'y limiter, et de proposer d'autres choses au public.
Surtout dans les grandes capitales où il y a la masse critique d'auditeurs pour remplir – c'est évidemment une ligne beaucoup plus compliquée à tenir pour une salle à Besançon ou même Rennes.

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@ Alain (3) :

Trouve moi une mezzo-soprano qui chante comme Ebe Stignani à l'heure actuelle.

Une belle voix franche et vibrante, un peu comme les italiennes à l'ancienne ?  Cristina Melis, Luciana D'Intino, Mihoko Fujimura, Doris Soffel, Anna-Caterina Antonacci…

Trouve moi un ténor de la qualité de Nicolai Gedda à l'heure actuelle,

Que le jeune Gedda, c'est difficile ; que le vieux Gedda abondamment documenté chez Philips, c'est facile. Là encore, ça dépend du répertoire et des attentes de chacun. Mais dans cette catégorie de lyrique assez léger, la concurrence n'est pas ce qui manque : Mark Milhofer, Toby Spence, Marc Laho, Bernard Richter, William Burden, Stanley Jackson, Robin Tritschler, Andrew Staples, Yann Beuron, Benjamin Bernheim, Bruno Ribeiro, Mikhaïl Dunaev, Dmitrij Popov… Celui qui s'en rapprocherait le plus serait peut-être James Gilchrist, mais il n'est pas très phonogénique, il faut vraiment l'entendre en vrai.


Quant au niveau des orchestres actuels... J'avoue ne pas avoir entendu mieux en Bach que ce que dirigerait Karl Richter. On parle beaucoup de Nezet Seguin, mais ces interprétations de mozart sont... disons très...boum boum car le mixage privilégie fortement les basses (on se croirait dans une discothèque) et ne valent pas les versions de Karajan.

Là encore, question de goût : Karl Richter joue cela de façon lisse et romantique, donc délibérément pas comme c'est conçu. Ça fonctionne assez bien (surtout parce qu'il a de grands chanteurs pour soutenir sa vision), mais ce n'est pas une vision exclusive – personnellement, j'aime pas, je trouve ça mollement articulé.

Si c'est le mixage, alors Nézet-Séguin n'y est pour rien. Mais justement, j'entends remarquablement les parties intermédiaires dans ses disques, alors que les versions plus anciennes (Karajan en particulier, sans même parler des coupures dans les œuvres !) sont beaucoup plus désinvoltes sur les instruments au cœur de l'harmonie.


De même, Simonneau dans son livre, parle de pièces de Mozart prévu pour 24 instruments qu'on joue maintenant avec...60. Donc, pour ce qui est du l'authenticité de l'oeuvre...

Les interprétations « musicologiquement informées » respectent désormais ces considérations – alors qu'on jouait autrefois volontiers les Quatre Saisons avec un orchestre brucknérien (d'ailleurs ce peut fonctionner, j'aime beaucoup Bernstein-NYP, Scherchen et même l'infâme Karajan-Mutter !).

Les questions d'authenticité sont très riches, plus ambiguës qu'il n'y paraît et méritent vraiment de se pencher dessus – plus qu'aux instruments ou aux effectifs, ça tient à la restitution des justes phrasés, et la frontière n'est pas toujours facile à tracer avec le goût.


J'ai entendu une version "moderne" de la RV683 de Vivaldi (Amor, hai vinto).. je n'arrivai même pas à reconnaitre la mélodie de base tellement il y a avait digression dans la partition.

Précisément, le principe de ces musiques à da capo (avec reprise intégrale de la première partie) sont de laisser à  l'interprète la possibilité de varier. Maintenant qu'on a repris l'habitude de le faire, on se rend compte à quel point il était absurde de rejouer la première partie à l'identique !  C'est le respect de l'intention du compositeur, ça.


Quand on regarde par exemple cette version de Alceste:
https://www.youtube.com/watch?v=D2PW3uLMbuQ
On se demande si on a bien lu le livret ou si on est dans une version d'un opéra qui s'appelle "que dois-je faire de mes mains". Authenticité de l'oeuvre?

Je ne vois pas trop où se situe le problème dans cet enregistrement (à mon gré le meilleur jamais fait de l'œuvre). En tout cas, tout est articulé pour ne pas laisser cette musique s'enliser dans des carrures répétitives (telles qu'elles sont écrites), et respecter le principe déclamatoire de sa composition.


Bon, je m'excuse. J'ai un peu dérivé du sujet initial.

Ce n'est pas une revue ni un forum, le hors sujet est permis. :)

7. Le dimanche 29 janvier 2017 à , par alain

Je vous remercie de votre commentaire très riche par rapport à mes écrits.

Par rapport à mes propos sur Nicolai Gedda, j'ai fort apprécié que vous me citiez le nom de Yann Beuron qui est pour moi un très bon ténor (humble dans sa démarche en plus).

Juste pour revenir à Alceste. L'interprétation de la vidéo dont j'ai donné l'adresse est peut-être jolie, mais la mise en scène donne envie de couper l'ordinateur au bout de 5 minutes. Ces pauvres chanteurs perdus au milieu d'une scène vide et ne sachant pas quoi faire de leur mains, çà donne malheureusement envie d'aller voir ailleurs. J'ai eu le même constat sur un "Orfée et Euridyce" qui en plus d'avoir une mise en scène disons... cul cul la praline... avait en plus l’extrême qualité d'être chanté en français par des chanteurs dont on comprenait un mot sur dix. Ce qui a donné envie d'aller voir ailleurs.

8. Le dimanche 29 janvier 2017 à , par DavidLeMarrec

Hé bien voilà, il suffit d'écouter les bons chanteurs, en somme.

Ah, vous visiez la mise en scène de Bob Wilson ! C'est un genre. Je trouve que ça cadre vraiment bien avec Gluck (cette nudité, précisément), mais on peut tout à fait trouver ça pénible, les profils immobiles au milieu de la lumière bleue.

9. Le dimanche 29 janvier 2017 à , par alain

Ah, ces sacrées mises en scène... Georges Prêtre a dit dans une entrevue que la musique et les chanteurs sont le bijou et que la mise en scène est l'écrin qui met en valeur ce bijou. Il a ensuite rajouté que les metteurs en scène se prenaient maintenant pour le bijou. On en arrive donc par exemple, en Belgique, sur une version de La flute Enchantée à avoir Pamina qui masturbe Sarastro dans une baignoire.
Ces mises en scène creuses et dépouillées, où les kalashnikov ont fait leur apparition dans "l'enlèvement au sérail" ou on assiste à des scènes de simulationos de viols dans "Don Giovanni" ne mettent absolument pas en valeur ni les orchestres relégués à un simple rôle de musiciens de bar (si j'ose dire) et les chanteurs qui ne peuvent mettre en relief des airs dans des scènes qui n'ont plus rien à voir avec les airs à chanter.

10. Le mardi 31 janvier 2017 à , par antoine

Mon cher David, vous venez d'aborder une question qui m'horripile. Je suis soûlé par les enregistrements, réenregistrements, réréréréré..., des mêmes symphonies de Mozart, Beethoven, Brahms et autres, des mêmes concertos pour violon, piano, des mêmes sonates, à un tel point que je me demande si ce n'est pas le résultat d'un mélange de la flemme de chefs ou instrumentistes radoteurs et de l'idée que de telles pochettes se vendent mieux aux pignoufs bas de plafond musical. Fort heureusement, quelques exceptions trop rares comme Naxos ou CPO nous convient à l'écoute de Casella, Tyberg, Godard, Andriessen, Dietrich, Borresen et d'autres encore de premier ordre et qui bénéficient désormais de mon écoute quasi exclusive.

11. Le samedi 4 février 2017 à , par Diablotin :: site

Sans parler de raretés pour le "tenancier de ce blog", j'approfondis en ce moment les 8 symphonies de Rautavaara, auxquelles je n'avais pas prêté jusqu'ici l'oreille attentive qu'elles méritent...
Il me semble que les "mélomanes expérimentés", petit à petit, entrent dans la découverte de raretés en élargissant progressivement, et parfois lentement, le répertoire "de base" qu'ils maîtrisent et en orientant leurs choix selon leurs goûts, et plus ou moins par analogie : c'est en tout cas ainsi que je procède. Si j'ai aimé Sibelius, je pourrais aimer Nielsen, ou Rautavaara, par exemple...
Sans compte que sur un marché de niche, la notion de rareté est assez subjective selon le point de vue auquel on se place ! Sorti des très grandes oeuvres du répertoire, pour le quidam moyen, on rentre dans le domaine de la rareté ;-) !!!

12. Le samedi 4 février 2017 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir !

@ Alain :

Pour les mises en scène, honnêtement, je trouve difficile de juger en lisant simplement la présentation que vous en faites ; combien de fois mon opinion a été diamétralement opposée à ce que je me figurais aimer ou blâmer, dans ce domaine !  Si j'ai une bonne direction d'acteurs (et un propos pas trop éloigné du sujet, tout de même), je suis prêt à accepter beaucoup de choses. Et inversement, si j'ai une mise en décors en guise de mise en scène, j'aime autant la version de concert. [D'ailleurs, pour moi, rien ne vaut la version de concert légèrement mise en espace, ça évite toutes les fanfreluches inutiles aussi bien que les fantaisies des relectures arbitraires.]

Mais c'est là pure question de sensibilité personnelle : j'ai des camarades qui ont trouvé des mises en scène formidables qui m'ont paru à moi des attentats contre une lecture honnête de l'œuvre (même massivement transposée, que ça parle vaguement du sujet !), ou au contraire semblé confites dans la tradition (et surtout dans l'absence de directives et de répétitions). Chacun à ses positionnements et ses limites. Pour moi, mes limites, c'est Schenk côté tradi (l'événement est quand un personnage bouge un pied…) et les transpositions sans plus aucun rapport (Le roi Roger de Warlikowski). Pour d'autres ce sera Ronconi ou Guth, voire Toffolutti ou Pelly. Ça dépend vraiment de chacun, et c'est le sujet de débats à n'en plus finir entre ceux qui s'étranglent d'indignation contre les metteurs en scène qui ont oublié les perruques poudrées, et ceux qui méprisent ouvertement les ploucs qui n'aiment pas les lavabos du Lager.

Mais lorsque c'est réussi, et qu'une mise en scène active seconde des musiciens de haut niveau, non, ce n'est pas avilir la musique, au contraire, cela porte l'opéra à un degré supérieur, celui du fameux art total, qui n'existait pas vraiment lorsque tout le monde chantait en front de scène dans les années soixante.  (Les vidéos du festival d'Aix, même dans des opéras pourvus d'un livret virevoltant, sont des témoignages très parlants – et particulièrement terrifiants – de la chose.)
Bien sûr, il y avait aussi de bonnes mises en scène (comme la fameuse Arabella de Rudolf Hartmann pour la réouverture de l'Opéra de Munich).

--

@ Antoine :

Oui, bien sûr, il y a un manque d'effort, mais pourquoi faire des efforts pour des œuvres qu'on va moins jouer, et qui vont moins faire vendre ou remplir ?  Même les magazines spécialisés ne bruissent que de la prise de rôle de Plácinas Netrebsay en Brünnandot, ou de la dernière intégrale événément des concertos de Beethoven dans la millième édition critique (car, chez les musicologues, c'est la même chose, il faut bien manger…).

En plus, lorsque l'on joue, il y a une ivresse particulière à sentir la maîtrise de ce qui est familier, le déchiffrage est probablement plus enivrant pour l'auditeur que pour le musicien.

Aller dans le sens inverse demande donc un véritable désintéressement, qui mérite toute notre considération, mais il est difficile d'en vouloir aux autres. Évidemment, le boss de JPC (je suis vraiment curieux du modèle économique de CPO, je suis persuadé que c'est la danseuse du patron, et que les pertes sont mutualisées avec la boutique) mérite une place d'orchestre au Paradis.

--

@ Diablotin :

Oui, elles sont bien ces symphonies, et plutôt les premières que les plus célèbres – le lien avec Sibelius demeure ténu, mis à part le caractère étale, mais c'est vrai qu'on est dans une succession exploratoire logique.

Tu as complètement raison, Mendelssohn est déjà un nom exotique pour ceux qui ne s'intéressent pas du tout au classique. Et même chez ceux qui s'y intéressent de loin, Chostakovitch peut paraître assez interlope. Quant aux vrais mélomanes, le fonds est tellement immense qu'ils n'ont pas forcément le temps – sauf si les couplages de concert les y invitent… – de se plonger dans des stars de la composition (donc des gens assez obscurs que personne n'arrête jamais au supermarché, voire dans les salles de concert…) comme Rautavaara.

Tu m'as donné envie, d'ailleurs : je me suis réécouté Auringon Talo (quel bijou de douceur, on dirait du Mozart en mode sibélien), et j'enchaîne avec les deux premières symphonies. <3

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