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[Carnet d'écoutes n°103] – DIE WALKÜRE – Goerne, Hong-Kong, van Zweden


Pardon, je balance ça de façon tout à fait gratuite et pas le moins du monde détaillée ou argumentée, simplement une invitation à l'écoute.

Rheingold était très attendu, et pas particulièrement marquant, même pour Goerne, qui sonnait un peu trop absorbé dans l'orchestre et l'acoustique, et pas non plus à son aise pour dire dans ce format un peu ample. La version simultanée parue avec Rattle et la Radio Bavaroise était, elle, captivante, et ça a réglé la question des réécoutes.

En revanche, ici, la réussite est impressionnante. Certes, Jaap van Zweden reste toujours assez lumineux et parfois un peu aimable, les cuivres pas aussi nets que dans les plus grands orchestres de la planète, mais à partir de la fin de l'acte II, le chef semble s'enflammer, et la première moitié du III (après un rare cas de scène de walkyries réellement drolatique) est d'une intensité rarement entendue : tout fuse, tout s'enchaîne, les plaintes, les révoltes, le drame, et le lyrisme de Zweden trouve ici son meilleur usage. Les cordes du Philharmonique de Hong-Kong sont, elles, d'une précision et d'une finesse qu'on n'aurait pas pu rêver dans les meilleures phalanges des années 70.

Côté vocal, en plus, c'est plutôt la fête : Stuart Skelton en forme (et complètement habité à l'acte II), Heidi Melton très intense (dans le genre de Sieglinde-cousine-de-Brünnhilde, c'est assez parfait), Falk Struckmann qui poursuit son élévation vers les sommets (il irradie comme un diamant noir…) et même Petra Lang, sans être séduisante, s'exprime sans effort – timbre peu gracieux, mais pas l'impression qu'elle pousse sa voix –, avec beaucoup d'engagement. Moins convaincu par Michelle DeYoung (plutôt déclinante à présent), mais on ne peut pas se vanter d'avoir souvent ce genre de distribution. Pas tant les noms que le fait qu'ils soient tous simultanément dans leur meilleur jour !

Matthias Goerne offre enfin la palette espérée : alors que l'articulation des mots est un peu lâche (et se perd dans la salle), il réussit le même paradoxe extraordinaire que dans le lied ; la diction est certes très globale, peu acérée, mais le détail de l'expression est comme infini. La douceur de la ligne, la finesse des inflexions, la saveur des phrases sont réellement ineffables. Les graves, souvent sacrifiés si l'on veut des interprètes capables d'éclats dramatiques (et donc pourvus d'aigus stables, on ne peut pas tout avoir…) sont d'un moelleux (et d'une finesse expressive) que je ne crois pas avoir déjà entendu. Et, chose plus étonnante, s'il n'a pas les angles des habituels barytons dramatiques, les épisodes de colère demeurent spectaculaires.

Si l'on aime Goerne, et si l'on veut renouveler l'écoute de l'œuvre (l'un des plus beaux remerciements de Sieglinde, au passage), c'est clairement un des meilleurs choix parmi les parutions récentes (ou anciennes, au demeurant).


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Commentaires

1. Le jeudi 17 novembre 2016 à , par antoine

van zweden est le chef le mieux payé de la planète, c'est donc la moindre des choses...Ma version préférée, le premier acte enregistré par Kempe

2. Le dimanche 20 novembre 2016 à , par DavidLeMarrec

Covent Garden 57, Bayreuth 60 (probablement le meilleur Ring du Neues Bayreuth, mais l'acte I de la Walkyrie est précisément un peu moins exceptionnel que le reste), Bayreuth 61 ?

Ou bien un véritable enregistrement en studio, que je n'ai pas écouté ?

3. Le dimanche 20 novembre 2016 à , par Diablotin :: site

Une "Walküre" de plus ? Je me demande très honnêtement à qui ce disque peut s'adresser, à ce stade d'une discographie qui devient pléthorique : peut-être aux amateurs de Goerne ?
Concernant Kempe, Covent Garden 1957, sans hésiter !!! Mais il faudra s'accommoder d'une prise de son "délicate"... Et je ne suis pas sûr, non plus, que les Neues Bayreuth du début des années 60, avec des distributions qui ont eu du mal à se fixer dans le Ring, soit plus indiqué que tout ce qu'on a pu entendre dans les années 50. Mais cela est un autre débat !

4. Le dimanche 20 novembre 2016 à , par DavidLeMarrec

Au contraire : ce qui se vend le mieux, ce sont les 5 de Beethoven et les Walküre – qui, en effet, s'adresse clairement aux fans de Goerne, j'en connais beaucoup qui se sont jetés dessus, moi le premier qui fais mine de valoriser la rareté. Il y a plein d'enregistrements dont on peut se demander à qui ils s'adressent (les Ring de Kuhn, Young ou Weigle, tous fort intéressants voire excellents, n'ont pas de public naturel en principe, vu les références préexistantes – à l'exception de ceux qui l'ont vu en salle). Mais celui-là, il me paraît plutôt facile à écouler.

Pour moi, vraiment Bayreuth 1960 (en 61, il y a Otto Wiener en Wotan, ce n'est pas très exaltant), là où la finesse de la direction est la plus saillante, vraiment un bijou. Et puis il y a Uhde et Stolze au sommet, le Rheingold est particulièrement phénoménal. C'est surtout la Walkyrie qui est un peu en deçà, avec Hines et des jumeaux très bons, mais tellement moins caractérisés que ceux qui tenaient les rôles dans ces mêmes années…

5. Le dimanche 20 novembre 2016 à , par antoine

David, il s'agit d'un enregistrement (essai?) de la fin des années cinquante avec le Staatskapelle de Berlin, tout en finesse, coule comme du Mozart!

6. Le dimanche 20 novembre 2016 à , par Diablotin :: site

@ Antoine : je pense que tu évoques les extraits de "Rheingold", enregistrés en 1959 pour EMI avec la Staatskapelle de Berlin : c'est très bien en effet -Frantz (Wotan), Kusche (Alberich) Metternich (Donner), Siewert (Erda), Schock (Froh)...-, et disponible dans le coffret "Les introuvables du Ring wagnérien" ou en CD séparé paru chez Berlin Classics. Mais à ma connaissance, il n'a rien enregistré de "Walküre" hors intégrale du Ring. Kempe est un wagnérien fin et subtil, qui propose une vision aux équilibres orchestraux assez différents de ce qu'on peut entendre ailleurs.

7. Le dimanche 20 novembre 2016 à , par DavidLeMarrec

Ah, si c'est ça, oui, superbe version, hélas incomplète. Toute cette collection d'extraits (à commencer par les opéras italiens et français en allemand) est absolument fabuleuse, avec le plus bel orchestre de la discoraphie à chaque fois dans des prises de son à crever de bonheur.

D'autant plus étonnant qu'en dehors de Metternich, le plateau n'est pas très avenant, mais c'est une magnifique version en effet. Hélas incomplète, sinon ça se poserait en grande référence, c'est vrai !

8. Le dimanche 20 novembre 2016 à , par antoine

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