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Bizet - Les Pêcheurs de Perles à l'Opéra-Comique


Un mot sur la première, tiré du fil de la saison.

On peut retrouver des considérations plus générales sur l'économie de l'oeuvre ici - ce fut la septième notule publiée sur CSS.

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Soirée 40 : Les Pêcheurs de Perles à Favart

(Lundi 18 juin 2012.)

La version retenue de l'oeuvre est celle que j'aime le moins, avec la seconde partie moins inspirée du duo "Au fond du temple saint" (et son récitatif préliminaire moins urgent), et l'absence du thème "O lumière sainte" à la fin de l'opéra.

Très belle soirée, avec une mise en scène astucieuse (le plateau représentant à la fois le rivage et la mer où les pêcheurs plongent), mais sans réelle direction d'acteurs, comme d'habitude à l'Opéra-Comique...

Pas très enthousiaste sur le Nadir pâle (et sans voix mixte) de Dmitry Korchak, mais très agréablement surpris par André Heyboer, qui sonne avec beaucoup plus de naturel en salle (la voix est certes ancrée vers le bas, plus qu'on pourrait l'attendre pour un rôle de ce registre, mais sans que son métal ne paraisse désagréable ni son timbre tassé).

Le choeur Accentus n'est pas un choeur d'opéra, et n'a donc pas l'habitude d'articuler (à l'exception de quelques moments très bien préparés), mais la beauté du son, ainsi que sa présence physique, sont assez phénoménales.

Un peu de mollesse pour cette première (et un son très "international" / anonyme), mais les musiciens en petit comité du Philharmonique de Radio-France ne sont pas aussi perdus qu'on aurait pu le craindre.

La secousse de la soirée est Sonya Yoncheva, lauréate d'Opéralia de Domingo, membre du Jardin des Voix de Christie, partenaire d'ensembles baroques comme le Concert d'Astrée, donc bien connue... mais tellurique en salle.
La voix, de nature pourtant très légère, est pourvue d'une densité extraordinaire qui irradie l'espace, et la déclamation est pleine de feu.

L'oeuvre culmine très logiquement (c'en sont les meilleurs morceaux !) sur "Me voilà seule" au II, le final de ce même acte, et le duo Leïla / Zurga au III. Les grands moments de Nadir sont moins aboutis.


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Commentaires

1. Le samedi 23 juin 2012 à , par DavidLeMarrec

Ugolino le profond, dans le fil de la saison :

DLM : "Un peu de mollesse pour cette première (et un son très "international" / anonyme), mais les musiciens en petit comité du Philharmonique de Radio-France ne sont pas aussi perdus qu'on aurait pu le craindre."

Elle est quand même un peu exagérée, cette phrase. Pourquoi auraient-ils été perdus ? Si tu parles de leur manque de pratique de l'opéra, c'est de très loin l'orchestre français le plus crédible dans Wagner, y compris sur la durée, alors ça va, ils sont capables de jouer un opéra de Bizet en entier...
Quant à la mollesse... j'ai trouvé la générale plus engagée que tout ce que j'ai entendu à l'OP depuis des années (surtout sous les abominables directions de Jordan), au moins dans les actes 2 et 3.

Question : le court solo de hautbois était joué de quel endroit de la salle ?



Je craignais que ce soit très épais, opaque et hors style. En fait, comme ils sont en très petit nombre, ça allait. En revanche, ça restait très neutre (vraiment pas la couleur française), et lors de gros flottements lors des premiers récitatifs, très décalés par rapport aux chanteurs, et joués lourdement, sans esprit, comme s'ils n'avaient pas (et c'est le cas !) l'habitude de ponctuer des interventions de chanteurs.

C'est logique : accompagner Wagner ou Bizet réclame des qualités très différentes, ce n'est pas parce qu'on peut l'un qu'on peut l'autre.

Mais la direction assez indolente n'arrangeait rien. Tu compares ça à Ph. Jordan, effectivement ça ressemble un peu à Jordan dans Arabella, mais c'est plus gênant dans une structure simple et nerveuse comme les Pêcheurs.

En somme, j'ai été mesuré dans mon expression parce que j'ai été agréablement surpris (et puis la texture même de l'orchestre n'est pas moche dans l'absolu), mais j'étais plutôt en-dessous de mon ressenti, vraiment pas enthousiaste sur l'orchestre.

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J'ai trouvé très chouette de faire chanter les choeurs depuis l'escalier du théâtre, ça sonne de façon beaucoup plus frappante que depuis les coulisses, mais je ne peux pas te renseigner pour le hautbois.

2. Le samedi 23 juin 2012 à , par Ugolino le profond

Je vais finir par être convaincu que la "couleur française" ne désigne dans les faits que l'incompétence technique d'un orchestre. Ce qui est crédible, après tout.

(et je n'ai pas comparé la direction avec celle de Jordan, je ne vois pas du tout le rapport entre les deux, ce n'était absolument pas indolent à la générale)

3. Le samedi 23 juin 2012 à , par DavidLeMarrec

La "couleur française" s'oppose en tout cas au fondu et à l'épaisseur, c'est certain. Donc oui, ce n'est pas la caractéristique de la plupart des grands-orchestres-internationaux. Mais cette couleur n'est pas intrinsèque aux orchestres (je vois peu de formations en France à qui j'attribuerais spontanément cette qualité), c'est plus une adaptation au style.
Pour caricaturer, on ne va pas jouer Pelléas avec du gros son brucknérien. Là, le son de cordes était déjà un peu robuste par rapport au répertoire, et les bois pas très caractérisés niveau couleur.

La mollesse ne t'a peut-être pas frappé (en tout cas, à la première, les premiers récitatifs, en plus d'être épais et très lents, étaient dans les choux question mise en place), mais par rapport à ce qu'on attend de "reprise" et de rebond dans ce type de répertoire - la substance musicale ne demande pas de s'attarder, je crois qu'on est d'accord -, on était très en deçà.
Pour le mesurer, il suffit d'écouter à peu près n'importe quelle autre bande des Pêcheurs, ça n'avait pas beaucoup d'angles ni d'urgence lundi soir. Et je trouve pourtant que l'oeuvre est souvent jouée de façon trop contemplative par la moyenne des chefs.

Après ça, tu ne me feras pas dire non plus que c'était atroce. Déjà, le résultat était bien plus en style que ce qu'on pouvait redouter, du fait de l'effectif très réduit qui avait été retenu ; ensuite, l'ensemble restait opérant, l'oeuvre n'était pas non plus dénaturée.
Mais je ne vois pas trop l'intérêt de mobiliser un orchestre de ce niveau dans un répertoire qui lui est aussi étranger, pour faire moins bien ce qu'un autre (sans aller chercher bien loin ni bien prestigieux, l'ONF par exemple, qui a moins de qualités techniques, mais les "recettes" pour ce type de musique) aurait fait mieux.

4. Le dimanche 24 juin 2012 à , par Ugolino le profond

Ah ça je suis d'accord, ils pourraient jouer de la vraie musique à la place.

Ils devaient probablement, le soir de la première, déjà être lassés de jouer cette œuvre.

5. Le dimanche 24 juin 2012 à , par DavidLeMarrec

Si c'est ton opinion sur l'oeuvre, il n'est pas si étonnant que tu n'aies rien remarqué. <]:o)

J'avoue avoir été étonné de te voir aller à ce genre de chose, même pour honorer une invitation !

6. Le mercredi 27 juin 2012 à , par DavidLeMarrec

Intéressant... J'étais à la dernière, et le Philhar était excellent... je touche un mot du phénomène .

Pour le solo de hautbois et harpe, j'ai eu l'impression que ça provenait des cintres : c'était dans la salle, plutôt du côté de la fosse, et légèrement occulté. Mais la légère réverbération, je ne suis pas sûr qu'il y en ait à cet endroit, en tout cas je ne le croyais pas.

7. Le vendredi 29 juin 2012 à , par Olivier

Bonsoir,
Dernière hier soir jeudi 28 juin 2012.
Je reprends votre plan.
Effectivement un très beau spectacle avec un décor sobre (avec un bleu suggestif et reposant). Nous n'avons pas trop ressenti l'absence de direction des chanteurs (cf. ci-dessous S.Yoncheva). Il est vrai que les danseurs apportent de l'animation et rompent le "statisme".
Nous avons apprécie D.Korchak. Cependant, comme nous, Favart a accordé ses suffrages à A.Heyboer (suffrages qui l'ont touché lors des rappels).
Nous avons dû être vraiment attentifs aux interventions du choeur (les sous-titres étaient nécessaires).
L.Hussain a , dans certains passages, "lâché" l'orchestre (les vents), et couvert chanteurs et choeur: dommage.
Nous découvrions sur scène S.Yoncheva. Elle allie à une voix pure et agile, à l'aise dans l'aigu, charmeuse ,une vraie présence scénique avec de belles et significatives attitudes corporelles et expressions du visage (surtout). Nous l'entendrons et verrons de nouveau avec un grand plaisir.
La vraie découverte de la soirée demeure l'efficacité de la musique de G.Bizet. Elle fait réellement progresser l'action, annonce les passages dramatiques, et comme S.Yoncheva, nous charme par ses trouvailles mélodiques.
Quels exemples retiendrez-vous démontrer cette efficacité de l'écriture?

8. Le vendredi 29 juin 2012 à , par Olivier

Bonsoir,
Dernière hier soir jeudi 28 juin 2012.
Je reprends votre plan.
Effectivement un très beau spectacle avec un décor sobre (avec un bleu suggestif et reposant). Nous n'avons pas trop ressenti l'absence de direction des chanteurs (cf. ci-dessous S.Yoncheva). Il est vrai que les danseurs apportent de l'animation et rompent le "statisme".
Nous avons apprécie D.Korchak. Cependant, comme nous, Favart a accordé ses suffrages à A.Heyboer (suffrages qui l'ont touché lors des rappels).
Nous avons dû être vraiment attentifs aux interventions du choeur (les sous-titres étaient nécessaires).
L.Hussain a , dans certains passages, "lâché" l'orchestre (les vents), et couvert chanteurs et choeur: dommage.
Nous découvrions sur scène S.Yoncheva. Elle allie à une voix pure et agile, à l'aise dans l'aigu, charmeuse ,une vraie présence scénique avec de belles et significatives attitudes corporelles et expressions du visage (surtout). Nous l'entendrons et verrons de nouveau avec un grand plaisir.
La vraie découverte de la soirée demeure l'efficacité de la musique de G.Bizet. Elle fait réellement progresser l'action, annonce les passages dramatiques, et comme S.Yoncheva, nous charme par ses trouvailles mélodiques.
Quels exemples retiendrez-vous démontrer cette efficacité de l'écriture?

9. Le samedi 30 juin 2012 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Olivier,

Si vous découvriez les Pêcheurs, c'est effectivement un spectaculaire bijou, remarquablement construit sur de petites tensions. Il est un peu compliqué d'expliquer le détail en quelques mots, mais les récitatifs sont volontiers modulants (d'où les couleurs), et les mélodies (contrairement à ce que fait généralement Gounod, par exemple) sont toujours associées à des carrures rythmiques assez dansantes, même les plus lents (la "barcarolle" de Nadir).

Les progressions sont en général aussi, comme vous le soulignez, remarquablement articulées, comme dans le final du II ou le duo Leïla / Zurga, qui fonctionnent come des fusées à étage, chaque nouvelle partie étant solidement arrimée et, tout en contribuant à la poussée d'ensemble, apporte une nouvelle fonction. Ainsi, dans le final de l'acte II, les choeurs, mêlés et entrecoupés de soli comme dans le Grand Opéra meyerbeerien, passent de la colère à l'épouvante, pour achever avec une prière, avec la gradation musicale appropriée (choeur homophonique pour la colère, imitations pour l'épouvante, couleurs très consonnantes pour la majestueuse invocation finale).

C'est vraiment dû à la conjonction de beaucoup de facteurs très soignés...

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Yoncheva est mieux que pure et agile, à mon sens : la voix a une densité et un impact assez rare pour ce type de tessiture. Elle ne se contente pas d'émettre ses harmoniques au-dessus de l'orchestre, elle projette aussi très vaillamment.

Effectivement, Hussain était plus "bruyant" pour la dernière, mais aussi très impliqué dramatiquement, et j'échange très volontiers l'indolence de la première contre ce petit déséquilibre (il y avait peu de cordes, tout de même), qui ne couvrait d'ailleurs jamais complètement les chanteurs.

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David Le Marrec

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