[CE] Mendelssohn, Magnificat : servile et brillant
Par DavidLeMarrec, dimanche 19 février 2012 à :: Intendance - Carnet d'écoutes - Musique romantique et postromantique - Domaine religieux et ecclésiastique :: #1916 :: rss
(Vidéo ci-après.)
Ce Magnificat de Mendelssohn pose une question. Comment peut-on à la fois être aussi ostensiblement groupie d'un modèle audiblement vénéré hors de toute mesure (Bach, en l'occurrence)... et produire quelque chose de supérieur à l'original ?
Supérieur, j'exagère assurément, puisque cette hiérarchie me paraît réellement difficile à établir techniquement entre les deux oeuvres (et encore plus au bénéfice de Mendelssohn si l'on considère les dates).
Très simplement, Mendelssohn s'est considérablement inspiré de J.-S. Bach pour en tirer, à partir des mêmes matériaux, un langage d'église aux couleurs romantiques, mais qui reprenne les mêmes procédés (en particulier le contrepoint très spécifique dans les sections chorales, mais aussi certaines tournures harmoniques, et jusqu'à une bonne partie de l'orchestration...). C'est le cas dans un certain nombre d'oeuvres, dont la plus célèbre est son oratorio Elias, incidemment un des sommets de sa production.
Mais dans ce Magnificat, le mimétisme est poussé à un degré assez hors du commun : les sections extrêmes (« Magnificat » et « Sicut erat in principio ») reproduisent véritablement le caractère de l'oeuvre de Bach, avec les mêmes attributs en termes de vocalisation.
Citer des captations d'amateurs a un certain nombre d'avantages : gain de temps, respect absolu des droits voisins (sans invoquer un fair use toujours sujet à discussion, et par ailleurs ce me semble assez sympathique dans le principe. C'est ici un enregistrement de choeurs amateurs italiens mis en ligne par le directeur musical de la soirée, Giovanni Panella (toutes les références sont disponibles en bicliquant sur la vidéo), et on y entend parfaitement les aspects qu'on voulait signaler aujourd'hui.
Un autre motet, Jesu, meine Freude, n'imite pas du tout la mise en musique de Bach (ce dernier utilise plus l'atmosphère du choral), mais on y retrouve une orchestration (hautbois doublant les violons, par exemple) totalement inspirée de ce qu'on trouve dans la Messe en si, notamment. Et les couleurs harmoniques sont encore plus proches, et assez peu romantiques cette fois, de J.-S. Bach.
On peut découvrir les pans les plus secrets de la musique de Mendelssohn dans l'excellente intégrale (en volumes séparés) de Frieder Bernius (chez Carus), ou, pour les plus économes, dans une version un peu plus ronde et floue (mais qui reste très bonne) de Nicol Matt (chez Brilliant Classics, coffret très peu cher).
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D'une façon générale, je suis frappé de la qualité exceptionnelle de ces oeuvres sacrées de Mendelssohn : alors même que le compositeur semble pétrifié devant un modèle supposé indépassable, il produit une musique que je trouve encore plus puissante que l'original, et qui, en tout cas, convertit de façon impressionnante le langage bizarre de Bach (à la fois baroque, puisant dans des formes plus archaïques, et totalement en avance sur son temps) en un résultant malgré tout opérant dans le cadre d'une esthétique romantique. Révérence.
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