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Gustav MAHLER - Symphonie n°2 - Nézet-Séguin, Rotterdam PO, Collegium Vocale


Dans l'attente d'une notule autour du concert Poulenc / Barber - Le Roux / Cohen, en peu longue à préparer puisque les lutins ont tenu à présenter chaque cycle joué, voici le compte-rendu du concert de ce soir dans l'acoustique toujours très correcte du Théâtre des Champs-Elysées.

Il n'y aura rien de bien original à dire, si ce n'est qu'on avait choisi avec un vrai discernement ce concert parmi les multiples Deuxième Symphonie présentes cette saison à Paris : un dimanche soir à 20h en début de saison, avec un jeune chef excellent et néanmoins pas encore célébrissime... donc un théâtre vide où l'on peut prendre ses aises. La jauge ne devait pas remplacer les 20% : orchestre à peu près rempli, et premier rang de corbeille et de premier balcon, avec quelques esseulés ailleurs.
Surtout, un orchestre néerlandais, et pas des moindres, donc forcément remarquable, et contrairement aux concerts Tilson-Thomas / San Francisco et Gergiev / Marinsky, avec le Collegium Vocale de Gand (et l'Accademia Chigiana Sienna) au lieu du choeur de Radio-France, dont on a déjà dit notre appréciation très respectueuse et néanmoins un peu mitigée.

Deux mots tout de même ?

Cette symphonie frappe toujours par sa puissante exaltation finale, lorsque l'auditeur, déjà plongé depuis trois quart d'heure dans cette musique, entend monter les motifs brefs d'un drame wagnérien, qui se développe de façon de plus en plus physique, jusqu'à la jubilation finale, avec les harmoniques qui s'entrechoquent de toute part, jusque dans le corps des spectateurs.
Il y a véritablement là une dramaturgie (ce dernier mouvement constitue un équivalent symphonique assez pertinent des opéras de Wagner), une gestion de la tension, et une explosion d'harmonies toujours tendues et enivrantes à la fois, qui subjuguent immanquablement.

Yannick Nézet-Séguin choisit des tempi bien vifs, jusqu'à mettre en danger ses musiciens dans les traits les plus précipités, et fait prédominer (malgré ses gestes violents sur les premiers temps de chaque mesure) une lecture très lyrique, où tout chante, où les angles sont surmontés par le goût de la mélodie. Il n'a pas la timidité de ne pas respecter les silences écrits, comme on le voit souvent, et conçoit même visiblement la fin de la symphonie, après les derniers appels du choeur, comme un retour vers le mutisme. Néanmoins, toute la tension de la dernière section reste considérable et contenue, sans ruptures, sans tutti agressifs.
De la très belle ouvrage qui confirme son rang, par contraste avec sa gestuelle assez pauvre. Pour se convaincre de son talent, il est recommandé d'écouter son Deutsches Requiem de Brahms paru il n'y a pas très longtemps (Philharmonique de Londres et son choeur, Elizabeth Watts, Stéphane Degout).

L'Orchestre Philharmonique de Rotterdam confirme ce qu'il fait entendre de lui au disque. Pas spécialement de pâte très fondue, de belles cordes lyriques (leur longueur d'archet est impressionnante !), des bois qu'on peut discuter au niveau du timbre (on entend un peu de "souffle", autrement dit le timbre n'est pas très dense ni rond), mais surtout des cuivres extraordinaires : un tuba rond et soyeux, jamais pétaradant, des cors et des trombones d'une transparence charnue, éclatants mais doux, des trompettes incisives et toujours délicates. L'énergie des percussionnistes laisse aussi rêveur sur la routine qui règne à ces postes dans d'autres orchestres.
Admirable en tout point, et dans une telle oeuvre, on en goûte pleinement le résultat. Je ne crois pas avoir entendu mieux en salle, en matière d'orchestre sur instruments modernes, aussi parce que ces couleurs chaleureuses et cette absence de brillant inutile correspondent à une sensibilité personnelle.

Kate Royal semblait terrorisée et à peine tenir sur ses jambes en se levant. La voix a peu porté dans le flot sonore, et lorsqu'elle était doublée par le choeur on ne l'entendait pas. Le choix n'était de toute façon pas idéal sur le papier : ni une voix puissante, ni une voix diaphane qui pourrait planer. Et en termes de charme, ce peut être une bonne diseuse (il n'y a pas meilleure Woglinde...), mais la voix n'a pas spécialement cette pureté qu'on recherche généralement ici. Néanmoins ce qu'on a entendu était beau.

Ekaterina Gubanova, avec un vibrato certes assez présent, fait valoir une voix ronde et charnue, dotée d'un allemand très précisément dit, impeccable dans l'Urlicht. Evidemment, les grincheux qui aiment se gâcher leur plaisir trouveront qu'elle n'est pas aussi poétique que la glorieuse Unetelle qui l'a enregistré avec Carlos von Dohnayan, mais c'était quoi qu'il en soit de la très belle ouvrage sur un segment certes valorisant.

Le Collegium Vocale Gent ("complété" par l'Accademia Chigiana Siena) présentait sa densité en harmoniques, sa netteté peu vibrée et sa précision d'articulation habituelles. On n'en profite pas autant que pour des Motets de Bruckner à l'abbaye-aux-Dames de Saintes, mais on s'en régale sans réserve.

Enfin, le public se révèle extrêmement attentif (les silences ne sont pas couverts par des toussements, ni un froissement de programme, rien), éduqué aussi (pas un applaudissement entre les mouvements), et très chaleureux à l'issue du concert (le parterre saluant debout malgré son âge parfois avancé). C'était l'autre grand avantage du choix de cette soirée : la qualité d'écoute.

Un enchantement que les lutins sont tout prêts à renouveler.


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David Le Marrec

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