Carnet d'écoutes - Giuseppe VERDI, Un Ballo in Maschera - Marcelo Alvarez, Ludovic Tézier (Bychkov, Paris Bastille 2007)
Par DavidLeMarrec, samedi 28 juillet 2007 à :: Carnet d'écoutes - Opéra romantique et vériste italien :: #668 :: rss
Bref commentaire, puisque nous sommes dans les parages.
En ce moment même sur France Musique[s], Ballo de Verdi avec Marcelo Alvarez. Le prince du phrasé expressif et de la musicalité au goût le plus exquis, dans ce rôle. Sans nul doute ce que l'on peut entendre de plus bouleversant dans un rôle de ténor de Verdi. Une science belcantiste qui sert toujours l'expression de la façon la plus précise. Des effets qui sont plus de l'ordre du morendo[1] que des ostentatoires messe di voce[2].
Attention cependant, le rôle est à la limite de ses possibilités en raison de sa lourdeur, et la voix pourrait s'abîmer à trop le chanter - il le pratique très souvent ces temps-ci. On remarque d'ailleurs, par rapport à Covent Garden en 2005, quelques effets qui masquent une petite fatigue vocale (peut-être seulement d'un soir, on ne sait). Cela dit, hors de question de lui conseiller de renoncer, son incarnation est trop indispensable. Quelle chaleur dans ses confessions amoureuses, quelle noblesse du port vocal !
Et une prise de rôle pour Ludovic Tézier. Voix splendide, riche, mordante, la technique italienne dans ce qu'elle a de plus admirable (Sereni, Zancanaro...), avec même une douceur plus française dans l'aigu (un rien moins d'assurance aussi). Quelques portamenti un peu prudents, pour asseoir les aigus.
Mais on est frappé, malgré la grande musicalité des phrasés, par la concentration essentiellement sur le chant. Ce Renato-là semble ailleurs. Dommage qu'il soit manifestement très impressionné par le fait de chanter en public. CSS et ses lutins se souviennent, en salle, d'un récital un peu terne [3], sans imagination (et avec des faiblesses vocales) : Dichterliebe bien timbré mais uniforme, Fauré solides, quasiment hors style, Duparc et Ravel (Don Quichotte à Dulcinée) avec des aigus qui partent en arrière.
Et aux bis, transfiguration : les mêmes pièces passent parfaitement, et des Liszt d'une grande conscience textuelle.
Dommage qu'il semble si préoccupé de la qualité de son chant, on perd vraiment beaucoup, alors qu'on abandonnerait si peu avec un peu moins de propreté...
[Par ailleurs, Angela Brown (une voix opaque et un peu molle[4]) chante vraiment très approximativement son texte, totalement inintelligible, et inexact. Cela dit, vraiment honnête, même si CSS a - tout à fait subjectivement - horreur des chanteurs qui considèrent leur texte comme une contrainte vocalique posée sur le chant, à contourner autant que possible.
Semyon Bychkov, à son habitude, se montre à plusieurs reprises à la fois plutôt indolent et bruyant dans les moments dramatiquement intenses - même si, ici, cela fonctionne fort bien.[5] On entend même quelques sublimes instants élégiaques suspendus.
Petite surprise sur Camilla Tilling qui semble fatiguée ; alors que son Oscar était si piquant à Covent Garden, ici, certains aigus sont un peu esquissés ou légèrement parlés ou criés, ce qui est étonnant pour cette nature de voix.]
Notes
[1] Diminution du son jusqu'à l'extinction.
[2] Attaque d'une note, particulièrement des aigus, piano, pour l'enfler forte et la diminuer à nouveau. On y ajoute souvent aussi le passage de la voix mixte à la voix de poitrine. Un tour de force technique, mais le plus souvent sans aucun intérêt expressif - et d'un goût ostentatoire plutôt douteux.
[3] Rempli à coups d'invitations dans un Grand-Théâtre quasiment vide. On a même dû insister, arrivant le soir même, pour payer notre place !
[4] Ce que les détracteurs du chant américain considèrent comme caractéristique : capable de tout chanter, mais terriblement uniforme, et peu séduisant.
[5] Il faut, de surcroît, se garder des conditions radio qui peuvent modifier sensiblement ces paramètres.
Commentaires
1. Le dimanche 29 juillet 2007 à , par Morloch
2. Le dimanche 29 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec
3. Le dimanche 29 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec
4. Le jeudi 16 août 2007 à , par Morloch
5. Le vendredi 17 août 2007 à , par DavidLeMarrec
6. Le vendredi 17 août 2007 à , par Morloch
7. Le vendredi 17 août 2007 à , par DavidLeMarrec