Chausson (Quatuor, Chanson perpétuelle) et Vierne (Quintette) chambristes à Garnier - (mars 2010)
Par DavidLeMarrec, mercredi 17 mars 2010 à :: Saison 2009-2010 - Quatuor à cordes - Domaine chambriste - Musique romantique et postromantique - Musique décadente - Opéras français d'après le romantisme :: #1497 :: rss
Après un brin de Lully, les lutins ont donc déposé leurs bagages à Garnier, avec une petite place en plein parterre, idéalement côté jardin pour admirer la pianiste.
Vu de cet endroit, la salle choucroute un peu moins, il y a même quelque chose de majestueux dans ces velours pourpres côtelés.
Le principe du concert était de proposer un écho instrumental aux représentations wagnériennes à Bastille. Le lien était peut-être un peu gratuit, mais ces musiciens sont bel et bien profondément influencés par Wagner, au point de l'imiter jusqu'à lui emprunter des sujets et des motifs dans leurs meilleures oeuvres - dans le cas de Chausson du moins (Roi Arthus, Symphonie, Chanson perpétuelle...). Sans entracte, chacune des deux séquences étaient commentées (Christophe Ghristi étant souffrant, je ne pourrai pas indiquer qui était l'excellente dame qui a présenté avec beaucoup d'érudition et de chaleur les pièces du programme). Le public, en grande partie composé de touristes qui se sont payés les heures les plus ennuyeuses de leur vie, n'a pas forcément apprécié à sa juste valeur, mais le concept, qui aurait peut-être mérité un rien plus de vulgarisation (certains ont dû avoir du mal à suivre s'ils ne connaissaient pas Franck ou quelques termes liés à la composition musicale), était très enthousiasmant.
Le programme lui aussi était des plus alléchants.
Le Quatuor Op.35 d'Ernest Chausson
Achevé par Vincent d'Indy, il est pénétré de l'idéal beethovenien d'une musique visionnaire et abstraite. Il y a parvient sans peine, mais les raffinements de la structure, le soin des modulations est tellement abouti et sinueux que le résultat devient, même dans la concentration du concert, fort peu lisible sans partition. J'aimais beaucoup l'oeuvre au disque, en l'écoutant de façon plus relâchée, mais rester longuement dans ce seul univers très cérébral, tout d'infimes nuances, de petites trouvailles profondes mais à peine sensibles, est un exercice qui n'est pas très gratifiant pour un auditeur. Sans doute exaltant à jouer, mais ce me semble plus une musique écrite pour les interprètes, pour ne pas dire pour s'adresser aux compositeurs qui pourront l'évaluer à leur juste mérite.
D'une manière générale, le quatuor issu de l'Orchestre de l'Opéra (Stéphane Causse, Marion Desbruères, Alexis Rojanski, Jérôme Fruchart) paraît à la fois très séduit par cette musique, et peu engagé, avec une espèce de routine, une absence de feu qui n'aide pas à se plonger pleinement dans ces oeuvres très complexes et délicates - qui ne suscitent jamais l'enthousiasme ardent des fulgurances de la musique de chambre allemande, rigoureuse, abstraite, mais ménageant des mélodies exaltantes ou des rythmes endiablés, très pulsés. Ici, tout est fluctuant : mélodie évanescente, structure vaporeuse ou toute de complications, harmonie sans cesse mouvante, difficile à identifier... Et caractères tout en nuance, jamais en contraste.
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La Chanson perpétuelle Op.37 de Chausson
Sur un poème (moyen) de Charles Cros aux rimes triples (ce qui n'est pas très gracieux et mirlitonne un brin), Chausson développe une mélodie à la fois radieuse et d'un caractère assez voisin de Tristan, avec cet adieu au monde assez singulier. Marie-Adeline Henry s'y distingue par une voix aux beaux moyens de puissance, mais capable d'allègement (ce dont elle se sert ici) avec beaucoup de naturel et de plénitude, un timbre d'un superbe tissu délicat, et une diction remarquable. Une révélation, idéalement adaptée à ce format de mélodie hybride, légèrement élargie (piano et quatuor à cordes).
Un des chefs-d'oeuvre de Chausson qu'il faut connaître de toute façon (très beau disque avec Alice Ader et Bernarda Fink).
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Le Quintette avec piano Op.42 de Louis Vierne
Composé en guise d'ex-voto à la suite de la mort de son fils au front en 1917, ce Quintette est, à l'exception d'une courte et surprenante section d'échos de fanfare presque joyeux, une très longue plainte morose, donc le discours pianistique se mêle d'atonalité, avec des cheminements sinueux hors de toute polarité, avec beaucoup de nudité.
C'est assez tristounet et un peu long, vu que la substance musicale y est essentiellement harmonique, ce qui bannit assez nettement les autres paramètres, et que piano et quatuor se fondent de façon assez homophonique, sans aucun contraste, sans dialogue non plus.
Ici encore, un bon souvenir discographique écouté de façon un peu lâche (et bien plus rarement que le Quatuor de Chausson), qui se mue en quelque chose de plus réservé - et, concernant ce quintette, en un ennui poli.
Le public du dimanche soir, assez néophyte, a dû passer de sinistres quarts d'heure, si même les fanatiques de chambrisme français y ont laissé des plumes...
J'étais surpris du côté à la fois assuré (quoique timide) et totalement absent de l'interprétation de Ruta Lenciauskaite, abattant ses touches avec la poésie d'un pianiste refaisant mentalement sa liste de courses, comme si le phrasé était chose accessoire. En lisant la biographie, j'ai été éclairé : elle est chef de chant à l'Opéra, et son métier est donc précisément d'être exacte, et pas de produire de l'interprétation. Elle a peut-être présumé de ses forces, ou manquait de temps, ou d'habitudes de travail sur ce chapitre, parce qu'elle semblait effectivement dans une sorte de déchiffrage prudent. C'est un peu l'ambiance de la soirée au demeurant, un véritable intérêt des musiciens pour cette musique, mais une exécution assez tiède qui ajoutait au pastel des pièces jouées.
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En somme, un concert passionnant par son programme, avec en particulier le grand moment de la Chanson perpétuelle, mais pas franchement exaltant à vivre. Comme quoi...
Commentaires
1. Le mercredi 24 mars 2010 à , par Bès
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