Carnets sur sol

   Écoutes (et nouveautés) | INDEX (très partiel) | Agenda concerts & comptes-rendus | Playlists & Podcasts | Instantanés (Diaire sur sol)


[concert 3] Lassus, Gombert, Josquin Desprez et Victoria aux Bernardins par les Tallis Scholars



Petit concert de fin de semaine hier soir, je reporte un petit mot que je viens de gribouiller pour de charmants voisins.



--

Je donne le programme officiel, mais il y a eu des choses ajoutées, notamment un motet d'Alonso Lobo :

Roland de Lassus / Orlando di Lasso : Alma redemptoris mater
Roland de Lassus : Media vita
Nicolas Gombert : Media vita
Nicolas Gombert : Lugebat Absalon
Josquin Desprez : Absalon fili mi
Roland de Lassus : Omnes de Saba
Tomás Luis de Victoria : Requiem
Par les Tallis Scholars dirigés par Peter Phillips.


Moi aussi je n'aurais jamais cru voir une telle foule pour du Gombert. C'est vrai qu'il y avait le tube de Victoria qui pouvait attirer, couplé avec les noms de Lassus et Josquin. Je dois avouer que c'est la variété du programme qui m'a moi-même amené là, même si je ne sentais pas trop le Requiem...

--

Deux mots de mon côté.

Les Bernardins sont des faquins d'avoir construit leurs Salles de Classe rue de Poissy au lieu de le faire logiquement Rue des Bernardins - ce peut en plus conduire quelques âmes égarées (je ne nommerai personne) à aller vider un ou deux chapelets à Saint-Nico avec les tradis de la meilleure pressade au lieu d'aller faire la queue en temps et en heure (et pour une fois ce n'est pas de moi qu'il s'agit).

Car j'ai fait la queue, comme tout le monde, même si en fort excellente compagnie, l'organisation du lieu s'étant montrée d'une rigueur pas vraiment ecclésiastique. Il me semblait pourtant que les Bernardins étaient un lieu d'activité culturelle de longue date... J'ajoute que bien qu'ayant fait la queue pendant une bonne heure, je n'ai pas eu la plaquette avec traduction, et que vu le répertoire, l'acoustique et la diction de surcroît un peu molle des Tallis, il valait mieux avoir une idée précise des motets pour suivre (ou deviner, comme pour l'Anyinyous Dei, qui sonnait plutôt comme un étrange Dominus Dei si l'on ne savait pas que l'on était dans la seconde moitié d'un Requiem...

Les lutins ont donc fait leur BT (test de reconnaissance à l'aveugle) sur place, et se sont sentis bien satisfaits d'avoir (devant témoin qualifié) identifié Lassus.

J'ai trouvé le lieu un peu frustrant : à moins d'avoir réservé par Internet et d'être arrivé une heure à l'avance (les deux conditions étant nécessaires simultanément), on ne voit rien, et on entend d'un peu loin, même si la relation physique demeure. Parce que l'espace est utilisé dans le sens de la largeur, très bizarrement, alors que l'acoustique agréablement réverbérante mais pas floue d'une architecture de type capitulaire (vu la taille, ce doit être autre chose, j'imagine, un très beau réfectoire peut-être) pouvait tout à fait supporter le placement dans le sens de la longueur.

De mon côté donc, je n'entendais pas très nettement les différentes parties, et pas à cause des Tallis.

--

Très beau programme de première partie, dominé par des Lassus très différents, de la manière subtilement élégante bien connue (un contrepoint souple et des mélismes gracieux) de Media vita à une veine très monteverdienne qui rappelle les couleurs des Vêpres de la Vierge (Omnes de Saba).

Quoique Josquin m'ait un brin plus séduit que le second, le style se fond tout à fait avec Gombert, amplement plus rigoureux et hiératique que chez Lassus, quoique pas sans charmes.

--

La seconde partie

La seconde partie était nettement moins enthousiasmante, avec un Requiem de Victoria privé de basson. En effet, la tradition espagnole voulait que les Requiem soient accompagnés au basson solo. Du coup, l'oeuvre, déjà assez homogène, trapue et plane, souvent sous forme d'accords (vraiment pas la pointe pour 1605 !). Et même en suivant le texte, ça reste un étalage de tournures assez répétitives, dont on peut finir par se lasser. C'est déjà le problème de ces répertoires, avec l'impression que l'expression singulière du texte n'influence pas l'écriture musicale, mais lorsque de surcroît le compositeur dispose d'une palette de moyens compositionnels assez nettement limitée, on finit par devenir un peu passif.

Et avec ça, on nous sucre le basson, qui est quand même le côté sympa de ces Requiem espagnols. ¡ Malditos sean !

En échange, on avait quelques introductions en plain-chant assez sympathiques, qui brisaient la monotonie d'ensemble.

--

Concernant les Tallis, j'ai beaucoup aimé leur pudeur, dont la sobriété n'est pas dépourvue de tendresse. Ce n'est pas très incarné, mais ça fonctionne bien en assumant cette perspective. Une très belle soprane en particulier (des sons extrêmement droits, presque stridents, mais une voix généreuse et fruitée, vraiment étonnant).
Et une justesse de l'ensemble hallucinante : on croirait entendre de l'orgue, non pas en volume, mais en sûreté et égalité de la hauteur du son du début de l'attaque à la cessation de tenue. Par ailleurs, les attaques sont si nettes et fermes, le son si bien soutenu que chaque note semble ne pas varier au cours de son émission. Grand niveau.

Avec l'acoustique en revanche, je percevais le timbre un peu métallique et nasal du ténor comme compressé en mp3 128 kbps, avec quelques résonances métalliques parasites, et la meilleure basse qui devait donner avec des graves "à halo" l'assise à l'ensemble manquait cruellement - non pas qu'elle ait été absence, mais qu'elle était tout à fait de dos par rapport à moi.

De très belles choses donc, même si je me serais volontiers privé de la seconde partie, avec ou sans contrepartie... Je n'avais de toute façon jamais entendu le Victoria en salle, même si je n'avais pas d'illusions sur l'introduction d'un basson qui n'était pas crédité sur les programmes : dans le pire des cas, ça resterait de l'instruction enrichissante.

--

P.S. : Second bon point pour les lutins : après vérification, la nef des Bernardins servait aussi bien de salle de cours que de réfectoire et de salle capitulaire, ce qui confirme donc nos impressions visuelles de la veille.


--

Autres notules

Index classé (partiel) de Carnets sur sol.

--

Trackbacks

Aucun rétrolien.

Pour proposer un rétrolien sur ce billet : http://operacritiques.free.fr/css/tb.php?id=1365

Commentaires

1. Le dimanche 27 septembre 2009 à , par lou :: site

Evidemment, David, maintenant que tu es monté à la Ville... En plus, la musique que j'aime.
Mais... dans les campagnes, on reçoit ARTE. Je te recommande l'exercice de mardi prochain. Tu y trouveras peut-être de quoi nourrir ta vocation de missionnaire.
(non, Mimi en banlieue ne se trouve pas dans la série Martine)

2. Le dimanche 27 septembre 2009 à , par Lord Ruthwec :: site

Très volontiers, mais je n'ai plus de téléviseur depuis assez longtemps... J'aurais l'occasion d'en voir des morceaux un peu plus tard, sans doute. (Très joli nouveau nom de domaine, au passage.)

3. Le dimanche 27 septembre 2009 à , par lou :: site

Oui, ça prend de la place dans un six pièces parisien de 9m² :)
Tu as accroché ton lit au mur, façon Rauschenberg ?
Bon, tu te rattraperas à Aubervilliers. Je prends des contacts. Dove Attia serait partant pour la Flûte - Papageno et Papagena herborisent et flirtent dans les caves des cités, mais je tiens à ma Carmen Seita. Je regarde à France 2, j'y ai un ancien élève qui a réussi (il n'est pas devenu professeur). Tu imagines ? J'imagine, je vois déjà les contrebandiers affalés attablés à la cafèt du coin, Escamillo évoquant les corridas mécaniques avec plein de caméras vidéo autour (pour l'oeil noir), les spectateurs venant raconter leur dernier caillassage... Seulement il me manque le rôle titre, une burkée (pour le message) techniquement au point (je parle de la sono) pour envoyer : "L'amûr est un djeune rebelle...". Une suggestion ?

4. Le dimanche 27 septembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

A mon humble avis, ça manque de nazis. Comment veux-tu que les gens sentent cette histoire si complexe comme si elle était proche d'eux, enfin ?

5. Le lundi 28 septembre 2009 à , par lou :: site

Le travail en équipe ! ça s'étoffe (en parlant de costumes).
Bien entendu, les carabiniers peuvent être ceinturés 'Gott Mit Uns', et Carmen, porter l'étoile jaune. Tout de même, la burka et les casques bleus, ça ne serait pas plus porteur ?
(quel était le sujet de cet article ?)
(((et tout le monde se fout des bébés méduses)))

6. Le lundi 28 septembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Tout de même, la burka et les casques bleus, ça ne serait pas plus porteur ?

A défaut d'aider à porter quoi que ce soit, ce sera assurément lourd. :)

7. Le mercredi 14 octobre 2009 à , par Jean-Charles

Le Collège des Bernardins n'a ouvert que depuis 2008, après de longs travaux. En passant rue Poissy auparavant, on voyait un ruine couverte de taules, c'était d'ailleurs une caserne de pompiers désaffectée. Le travail de rénovation qui a été réalisé est absolument exceptionnel, la ville de Paris avait d'ailleurs préféré céder l'endroit pour 1 euro symbolique au diocèse qui était prêt à prendre le lieu en charge plutôt que d'engager une rénovation pour laquelle elle aurait peiné à trouvé un budget.

La grande nef n'était ni une salle capitulaire ni un réfectoire. Elle était divisée en plusieurs espaces à taille variable. Selon les époques, on construisait des cloisons entre les piliers pour constituer cuisine (côté sud certainement), réfectoire, scriptorium, salle de cours, etc. Jamais l'espace n'avait été ouvert d'un bout à l'autre d'après ce qu'on ma dit.

La restauration est splendide, c'est un des sites médiévaux de Paris les plus extraordinaires, j'invite à y aller une fois la nuit tombée, les éclairages sont particulièrement réussis. Des visites sont organisées toutes les heures, c'est surtout intéressant pour y voir le niveau inférieur parce que la qualité varie beaucoup en fonction des guides (bénévoles).

Le site internet est très complet et permet d'en savoir plus sur le bâtiment et les activés qu'y organise le diocèse de Paris :
http://www.collegedesbernardins.fr/

Concernant le concert, l'acoustique était effectivement bien peu réverbérée mais ce n'est pas étonnant avec la densité humaine qu'il y avait pour absorber. Je pense d'ailleurs que nous étions en infraction complète avec toutes les règles de sécurité... Il a d'ailleurs bien fallu 15 min pour évacuer à la sortie, ce qui est 3 fois trop je crois.

8. Le mercredi 14 octobre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Bonjour Jean-Charles,

Merci pour toutes ces précisions. Pour l'usage, effectivement, c'est aussi ce que j'ai pu lire et que j'avais ajouté en post-scriptum. Et ce sont donc des cloisons disparues qui rendaient le lieu fonctionnel.

Tu étais donc à ce concert ? Personnellement, placé très de côté, c'est plus le manque d'impact que le manque de réverbération (elle était raisonnable) qui m'a gêné. Heureusement, parce que le quatuor à cordes dans une méchante église, c'est toujours une expérience mitigée si on n'est pas au premier rang. :)

Ajouter un commentaire

Le code HTML dans le commentaire sera affiché comme du texte.
Vous pouvez en revanche employer la syntaxe BBcode.

.
David Le Marrec

Bienvenue !

Cet aimable bac
à sable accueille
divers badinages :
opéra, lied,
théâtres & musiques
interlopes,
questions de langue
ou de voix...
en discrètes notules,
parfois constituées
en séries.

Beaucoup de requêtes de moteur de recherche aboutissent ici à propos de questions pas encore traitées. N'hésitez pas à réclamer.



Invitations à lire :

1 => L'italianisme dans la France baroque
2 => Le livre et la Toile, l'aventure de deux hiérarchies
3 => Leçons des Morts & Leçons de Ténèbres
4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
6 => Nasal ou engorgé ?
7 => Voix de poitrine, de tête & mixte
8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
9 => Feuilleton sériel




Recueil de notes :
Diaire sur sol


Musique, domaine public

Les astuces de CSS

Répertoire des contributions (index)


Mentions légales

Tribune libre

Contact

Liens


Chapitres

Archives

Calendrier

« septembre 2009 »
lunmarmerjeuvensamdim
123456
78910111213
14151617181920
21222324252627
282930