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Feuilleton - Concours International de Quatuor à Cordes de Bordeaux 2007 - VIII - Fin de la deuxième épreuve

Notre petite note quotidienne de l'état des lieux, avant la synthèse prévue.

Le concert du jury, le niveau de la journée, les critères du choix, la mode actuelle du jeu international.

(et, mise à jour : les quatre formations retenues pour l'épreuve finale)


Mise à jour : sans grande surprise eu égard à la valeur des ensembles ou à leur accueil favorable par le jury selon nos sources, voici les quatre quatuors retenus pour jouer le programme Schubert/Lalo demain :

  • Quatuor Voce (France)
  • Quatuor Atrium (Russie)
  • Quatuor Quiroga (Espagne)
  • Quatuor Benaïm (Russie)

CSS avait beaucoup admiré en effet la grande force romantique des Atrium, dans un traitement similaire pour tous les genres, mais à chaque fois enthousiasmant. Et plus encore les phrasés courts, les changements de couleur merveilleux, la pédagogie du propos, la lisibilité de chaque pupitre chez les Quiroga. Deux des formations qui nous avaient le plus impressionné dans ce flot d'exceptionnel superlatif, avec notamment les Matangi qui n'avaient pas été retenus lors de la première épreuve. Deux formations qui n'ont cependant, concrètement, aucune chance de faire l'unanimité, pour un résultat que nous ignorons bien évidemment.




Le concert d'hier soir (du jury) a été assassiné en des mots très durs (et malheureusement lucides) par les habitués, comme jamais.[1] CSS se satisfait très bien de la belle originalité du programme, mais la déception est compréhensible - surtout s'agissant du seul concert payant de la manifestation !




Pour le reste, journée encore plus splendide qu'hier, où se pressent des formations extrêmement personnelles, avec de grandes prises de risque - absolument pas l'atmosphère concours. Le résultat, pour quasiment la totalité des ensembles, est supérieur à ce que l'on a pu entendre dans les salles par des ensembles constitués et très célèbres.
Sur un programme imposé, qui plus est !

Une force d'imagination et une finition technique qui forcent le respect - et suscitent l'enthousiasme.

Si bien qu'au fond, la décision du jury ne pourra être, sans doute, qu'aléatoire (le rapport de force) et idéologique. Pour faire simple : comment décider si l'on préfère un Mozart peu vibré, un Mozart à phrasés courts, un Mozart rieur, un Mozart romantisant, un Mozart où domine le premier dessus, lorsque ces options sont menées à un degré d'aboutissement qui passe de très loin la perfection formelle ?
L'ensemble des choix réalisés peuvent être appréciés ou non, mais sont conscients, contruits et aboutis...




La notation se fait à chaque épreuve indépendamment de la précédente, ce qui suppose la victoire d'une formation suffisamment généraliste - c'était le cas des Parker (et du deuxième prix de 2005, que nous avions préféré), à un très haut niveau partout.

Or, certains quatuors ont ici le potentiel pour devenir la référence dans un domaine particulier. On ne récompensera donc pas nécessairement les meilleurs, mais plutôt une polyvalence à très haut niveau, une marge de progrès importante à favoriser. A ce propos, il semble que le récital des Parker, vainqueurs en 2005, soient arrivés à un degré édifiant, d'après les impressions unanimes recueillies de franges très différentes du public - à propos de leur concert en début de session, avec notamment le Second Quatuor de Ligeti.

Au demeurant, nous entendrons peut-être quelques bruits de couloir (on murmure que les Voce et Benaïm seraient très bien en cour concernant leur valeur artistique), mais CSS n'a jamais rien compris aux motivations profondes de ces arbitrages - il est vrai que l'exercice même du concours lui semble inconcevable dans ce domaine. La profonde personnalité et la maîtrise technique semblent ne pas suffire - le premier élément, en dépit de ce qu'en dit le jury, n'est pas nécessairement une qualité indispensable.
Le cru 2003, en particulier, nous avait laissé perplexe - deux seconds prix, Ebène et Aviv, qui étaient deux des rares formations à nous avoir modérément convaincu... Et il s'avère en effet que leur carrière est celle de valeureux seconds.

Bref, CSS se repaît au concert, CSS aurait à la rigueur un avis (à défaut d'un odieux classement), CSS communiquera les résultats, mais CSS ne comprend rien à la signification de tout ceci - hors la carrière assurée du vainqueur. Nous baignons dans un sentiment d'arbitraire assez abyssal, même si cet arbitraire qui distribue les dotations nous est fort sympathique.




Enfin, un mot sur la façon de jouer du quatuor aujourd'hui. Je suis frappé[2], en particulier, par la sauvagerie (parfois la brutalité) qu'on peut mettre dans du Mozart et du Schubert. Cela donne l'impression que les interprétations "musicologiquement informées" et les grands interprètes qui leur ont donné toute leur saveur ont exercé une profonde influence sur la perception de ces musiques, qui ne sont plus seulement des miniatures charmantes à jouer du bout des doigts, comme les arie antiche qu'on place en début de concert pour se chauffer la voix et manière de se rappeler qu'il existe de la musique avant 1800...
Et ces nouvelles approches, qui s'ajoutent aux préexistantes, apportent véritablement des résultats nouveaux et très vivants. On s'en réjouit.

De la même façon, les fins de mouvement de quatuors classiques ne s'achèvent plus inévitablement allargando[3], d'une façon un peu emphatique, mais souvent comme interrompus, véritablement en cohérence avec

  • d'une part l'héritage des périodes précédentes (la façon dont on peut finir un opéra dans les années 1700 à 1740 en France, sur un bout de récitatif presque banal...),
  • d'autre part le caractère badin de l'oeuvre elle-même.


Ce qui n'empêche nullement que nos cobayes assument au besoin une lecture résolument inspirée par le postromantisme (et avec bonheur !). Les dix derniers quatuors de Mozart (au programme), avec leurs mouvements lents très sentimentaux, s'y prêtent mieux que Haydn, il est vrai.

Cette influence sur les candidats des interprètes aux modes de jeu "authentiques" - dont on retient surtout la personnalité propre, quitte à éloigner les candidats du style exact, paradoxalement - est réellement sensible cette année.
Toutefois, on sent une réelle difficulté à oser le non vibrato, y compris dans Mozart, y compris dans Bacri.
Deux héritages s'affrontent - celui du quatuor et celui de la musicologie, si l'on veut[4].

Notes

[1] Par égard pour les artistes, nous ne ferons pas la tartufferie de citer ces propos en nous en démarquant. Je sais, c'est injuste une fois qu'on a l'eau à la bouche, mais CSS n'est pas un lieu d'équité, on y fait même travailler des lutins en violation de toutes les conventions internationales du travail des auxiliaires du Père Noël.

[2] Les lutins ne peuvent parler, ils ont séché.

[3] c'est-à-dire "en élargissant"

[4] Si l'on veut aller se coucher vite, disons.


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