Urgence
Par DavidLeMarrec, mardi 8 août 2006 à :: Disques et représentations - Portraits :: #349 :: rss
sur la BBC
La BBC, comme vous le savez, propose à la réécoute pendant une semaine, dans une bonne qualité audio, les concerts de ses [excellents] programmes.
C'est l'occasion d'en profiter, et pas seulement pour faire la causette avec Laurent : la première partie de la trente-deuxième Prom a tout particulièrement attiré mon attention.
Heaven is Shy of Earth, création mondiale de Julian ANDERSON, pour orchestre, choeur et mezzo-soprano, avec Angelika Kirchschlager. L'oeuvre appartient à une veine néotonale qui s'inscrit dans une sage succession harmonique de Richard Strauss, Zemlinsky et Britten, totalement sans innovations ni surprises. Pourtant, l'oeuvre, qui mélange latin et anglais (sur ce point aussi on se contente de suivre Britten), a, à mon sens, un charme fou, et me rappelle furieusement les procédés d' Ocean of Time de Lars Ekström, créé en 2003 à Stockholm. L'oeuvre d'Ekström, une des oeuvres très réussies de ma connaissance toutes époques confondues, se situe dans une veine lyrique postzemlinskienne plus affirmée, avec plus de dérision, et moins de discontinuités britteniennes, moins sombre aussi, mais les deux pièces sont voisines de façon saisissante sur le plan de l'harmonie et de l'orchestration.
Quant à Angelika Kirchschlager, il faudra que je revienne sur son cas. Précisons simplement qu'il s'agit de l'une des interprètes où le choix de la langue (un autre sujet à aborder) influe le plus sur la qualité du résultat. Et il se trouve que le latin et l'anglais lui siéent à merveille, presque aussi superlativement que le français, que vous pouvez apprécier dans notre série sur Pelléas.
Une grande soirée, qui ne ravira peut-être pas les partisans du progrès en musique (incontestablement on n'y invente rien), mais qui devrait enchanter les autres, pour cette oeuvre et cette exécution d'une grâce certaine.
Le texte mêle donc le latin de la messe traditionnelle et du Psaume 84 avec un poème d'Emily Dickinson. Le compositeur insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une pièce sacrée - ce qui n'est pas évident du tout à l'écoute de l'oeuvre assez "planante".
Blue is blue – the world through –
Amber – amber, dew – dew
Seek, friend, and see –
Heaven is shy of Earth…
Le compositeur a été fortement impressionné par le membre de phrase qui donne le titre à la pièce, par ce qu'il y a d'optimiste à faire la Terre plus enviable que le Ciel. Certes, on n'est plus dans la Messe. Mais comme de toute façon le Ciel n'est pas concrètement habitable (et les Saints pas fréquentables, même abstraitement), le problème est réglé.
Nous assistons donc à une célébration panthéiste où chaque section a sa couleur propre - à la façon du War Requiem, une fois encore. Certaines sont obtenues en utilisant des intervalles naturels, non tempérés, ou en désaccordant d'un quart de ton de petits groupes instrumentaux, ce qui crée le scintillement spécifique à cette musique.
Le compositeur souligne son attachement au texte et tient à conserver l'indépendance du discours de la mezzo-soprane, généralement assez lyrique, mais toujours dans un caractère opposé à l'orchestre. De la même façon, les textes latin et anglais se répondent plus ou moins explicitement.
Sir Andrew Davis dirige la chose, je vous laisse vous faire une idée.
Commentaires
1. Le mardi 8 août 2006 à , par Laurent :: site
2. Le mercredi 9 août 2006 à , par DavidLeMarrec
3. Le mercredi 9 août 2006 à , par Laurent :: site
4. Le mercredi 9 août 2006 à , par DavidLeMarrec
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