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Xerxès - H. Bicket, N. Stutzmann

Compte-rendu de Sylvie Eusèbe.


Munich (Allemagne), Bayerische Staatsoper, vendredi 30 décembre 2005, 18h. 30.
Haendel, Xerxès (Serse), opéra en 3 actes sur un livret de Silvio Stampiglia, 1738.
Harry Bicket (dir), le Bayerische Staatsorchester.

Mise en scène : Martin Duncan, décors et costumes : Ultz, chorégraphie : Jonathan Lunn, lumière : Alan Burett, chef de chœur : Andrés Maspero.

Ann Murray (mezzo-soprano) : Xerxès ; Christopher Robson (contreténor) : Arsamène ; Nathalie Stutzmann (contralto) : Amastre ; Umberto Chiummo (basse) : Ariodate ; Banu Böke (soprano) : Romilda ; Margarita De Arellano (soprano) : Atalante ; Christian Rieger (baryton) : Elviro.

En plein cœur de la ville, l’opéra de Munich est un beau et grand bâtiment rectangulaire construit sur le modèle du temple néoclassique habituel au XVIIIe siècle.
Passé une succession de halls tout en marbres clairs et tapis rouges, on accède à deux larges couloirs courbes qui épousent le contour extérieur de la salle et l’irriguent de ses spectateurs. Lorsqu’on y entre enfin, son volume et son aspect majestueux donnent plus qu’ailleurs le sentiment de pénétrer dans un sanctuaire : on se sent à l’abri et on parle plus bas. Les fauteuils sont recouverts d’un velours vieux-rose aux reflets argentés ; à l’orchestre ils s’alignent en des rangs particulièrement longs car ils ne sont pas divisés par des allées d’accès. Cinq vastes balcons superposés se déploient à l’arrière de la salle, un immense lustre la couronne.

Les spectateurs sont bien habillés, les femmes portent peu de bijoux, mais quelques-unes sont en robes longues sobres, très élégantes. Il ne semble pas mal vu de porter de la vraie fourrure, mais il est obligatoire de déposer son manteau au vestiaire. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on a le privilège d’être au parterre et d’occuper de si bonnes places au deuxième rang, presque de face !

La salle se remplie et des techniciens de surface bien alignés balaient la scène vide, large et profonde, dans un mouvement de groupe typiquement « Pina Bausch ». Puis les musiciens s’installent, le chef entre dans la fosse, salue rapidement et l’ouverture débute vivement.

Pendant celle-ci, les techniciens en salopette grise et T-shirt blanc assemblent les panneaux du premier décor, et positionnent à grand renfort de câbles une grosse branche toute moche et tordue qui même si on a jamais vu cet opéra est tout de suite identifiée comme « the Platane ». Xerxès entre dans un costume vert et jaune des plus voyants et absolument pas pratique pour marcher puisque deux infirmières genre tout-en-blanc-asile-de-fous, qui ne le lâcheront pas beaucoup de toute la soirée, doivent le soutenir précautionneusement jusqu’à son tendre végétal.

À peu près en même temps que tout ce remue-ménage, un grand cadre feuillu est descendu des cintres ; il vient encadrer le charmant tableau que forment Xerxès dans sa robe-camisole en satinette flashy et son chablis desséché. Ils sont tous deux aussi mal fagotés.

Les yeux, qui pourtant en ont vu d’autres, réclament un temps d’adaptation et l’esprit, qui pourtant semble assez ouvert, oscille entre consternation et ricanements nerveux.
Mais pas le temps de se remettre de ces premières émotions puisque Xerxès chante tout de suite, et là, c’est pas gagné non plus !

Voici ce que donne Ann Murray en Xerxès : voix vieillie, peu intéressante, sans timbre particulier et vraiment très fatiguée (les vocalises du dernier air « Crude furie degl’orridi abissi » ont certainement été éprouvantes pour tout le monde). Mais surtout, il est choquant de remarquer un si complet manque de charisme chez une chanteuse qui tient le rôle-titre de cette production depuis la première en… 1996 !!! Peu ou pas réellement de jeu, pas d’âme, pas d’engagement, même le célèbre « Ombra mai fu » est ennuyeux et décevant (et cela indépendamment de la suppression de la reprise). En bref, Ann Murray manque d’épaisseur dans tous les sens du terme !

Bon, on commence à comprendre dans quoi on a atterri et on résume : le personnage de Xerxès est traité comme un malade mental infantile et capricieux qui se prend pour un dictateur qui habite un palais de pacotille grouillant d’esclaves (les salopettes grises)… à moins que ce ne soit le contraire, Xerxès est un dictateur de pacotille traité comme un malade mental (quelle originalité dans cette analogie) qui évolue dans des décors tape-à-l’œil (d’où leur esthétique indigente) et est vêtu, comme d’ailleurs tous ses partenaires, de formes et de couleurs que l’on trouve dans les boîtes de « Quality Street ».

Mais laissons l’ironie facile pour reconnaître à cette production l’immense mérite de ne contenir ni vulgarité ou autres obscénités, ni violence ou hémoglobine… Ça a l’air d’être tellement rare qu’il ne faut pas manquer de le signaler. La dérision au premier degré est sans grande subtilité, mais cela est fait sans arrière-pensée, sans méchanceté, ni prise de tête pseudo-intellectuelle. Les quelques « messages » identifiés sont très politiquement corrects et ne fâchent personne (dictateur = fou, djellaba noire = obscurantisme), en somme, le parti pris ne prend pas de risque, et par ces temps tristes qui plombent l’opéra, c’est plus confortable pour tout le monde.

Heureusement, pour contrebalancer le rôle-titre, voici son frère Arsamène chanté par Christopher Robson : voix vieillie mais ô combien intéressante, émouvante et expressive ! Cet Arsamène ne semble pourtant plus avoir ni l’âge ni surtout le physique requis pour être aimé de la jeune et belle Romilda. Il est néanmoins si touchant dans sa simplicité désarmante et dans le naturel de ses attitudes. Véritable acteur et chanteur, Christopher Robson trouve, malgré des moyens vocaux parfois très limites, l’expression juste, l’intonation et le geste qui bouleversent. En somme, il est « aimable » au premier sens du mot, et le public lui rend longuement hommage à la fin de ses airs les plus remarquables (à l’acte I « Non so se sia la speme » et à l’acte II « Quella che tutta fé »).

Les décors et les costumes sont d’une inspiration initiale certes un peu orientale, mais les époques sont passées au shaker. Les décors ne sont pas de première fraîcheur, les matériaux de qualité très moyenne ont mal vieilli : panneaux éraflés, tissus froissés, traces de doigts sur les peintures… On espère que comme Ann Murray ils tiendront le coup encore une fois, puisque l’ultime représentation est prévue en juillet 2006.
Côté costumes, c’est hétérogène, coloré et fantaisiste.
Arsamène a droit à deux tenues, la première, très soignée, reflète sa splendeur hélas vite supprimée par son vilain frère, et se voit affublé jusqu’à la fin d’un bout de tissu informe et tout déchiré, dans lequel il arrive néanmoins à se draper fort dignement. Il n’y a que Xerxès pour changer de costumes au gré de ses nombreux airs, tous encadrés de manière assortie au tableau ainsi délimité. Je retiens à titre d’exemple l’air de l’acte III « Per rendormi beato ». Pour que Romilda ne l’oublie pas pendant son absence, Xerxès déguisé en Elvis Presley à costume bleu layette, lui chante son amour debout sur une sorte de char jaune poussin dans un pur style patronage local pour la fête annuelle du village. Le tout est entouré d’un cadre sur lequel s’alignent et s’allument des ampoules rouges qui malheureusement ne clignotent pas.

Et dans tout ça, que fait Nathalie Stutzmann en Amastre ? Voix en pleine forme, le seul regret que je puisse avoir pour elle est son manque de puissance (même si l’orchestre ne l’a pas toujours aidée par sa discrétion…), mais cela restera probablement toujours son unique point faible.

Ce rôle d’Amastre n’est pas au premier abord très séduisant : quelques airs trop courts pour s’installer vraiment dans le personnage, et très vocalisants pour signifier la colère sans nuance et quasi permanente de cette femme outragée à l’antique. À l’écoute du texte et de la musique, Amastre passe donc pour une furie bien remuante qui poursuit avec obstination un fiancé volage. Aussi je craignais un peu que Nathalie Stutzmann en fasse scéniquement beaucoup, et bien non ; l’entendre et la voir jouer Amastre donne une toute autre idée du personnage.

Première et brève apparition avec longue perruque brune bouclée, puis travestissement : elle prend l’allure de Yul Brunner dans « le Roi et moi », c’est-à-dire crâne rasé (si, si, vous avez bien lu, mais non, non, pas pour de vrai) et démarche martiale. Passé le premier choc, la coupe de cheveux radicale lui va assez bien et lorsqu’elle esquisse une danse du sabre dans son cafetan court violet vif cela lui donne l’air d’un bon génie sautillant et facétieux bien plus que celui d’un féroce cosaque. Pourtant, cette Amastre est plus désespérée qu’en colère ou d’humeur farceuse. Les airs de fureur apparaissent donc assez tranquilles et restent sur le mode léger qui caractérise l’ensemble des domaines de cette production.
Le chant est simple et peu ornementé (il est vrai que l’absence des reprises dans certains airs ne favorise pas les variations…) et les intonations baroques sont très modérées. L’inventivité de la contralto ne semble pas avoir été particulièrement sollicitée, peu de notes à l’accent exceptionnel dont elle nous régale si souvent. Pourtant, un magnifique grave conclue l’air « Or che siete, speranze, tradite » de l’acte II, et surtout des intonations vraiment belles et touchantes abondent dans les répliques du dernier récitatif face un Xerxès épuisé et complètement perdu.
Ses interventions sont sobres, parfois quelques touches d’humour sans prétention viennent contredire le propos comme pendant l’air de l’acte I « Saprà delle mie offense » qui voit Amastre s’essayer maladroitement au maniement du sabre.

Le seul air d’Amastre de l’acte III, davantage intimiste et dramatique que les précédents, permet à Nathalie Stutzmann de faire passer une émotion plus profonde. L’image proposée pour l’accompagner est celle d’une forêt symbolisée par des sapins de Noël en plastique et sans décoration dans des caddies de supermarché poussés par les Salopettes Grises de Xerxès. Tandis que le cercle des sapins à roulettes se resserre autour d’Amastre esseulée dans sa clairière peau de chagrin, elle chante son désespoir d’être elle-même la cause de sa souffrance « Cagion son io del mio dolore »… curieux mélange visuel et sonore…

Pour finir en beauté, sa dernière apparition se fait en perruque à tresses blondes genre Ysolde-des-années-50, et lève ainsi le voile sur sa santé mentale qui doit d’ailleurs être à l’image de celle de Xerxès pour lui témoigner cette fidélité aveugle et… récompensée !

De ma très bonne place, la vue est imprenable sur les musiciens de l’orchestre et il est passionnant de voir le continuo si actif et engagé. Je dois une mention spéciale à la violoncelliste Kristin von der Goltz au son riche et ample, ainsi qu’au claveciniste Mark Lawson qui, dès qu’il le peut, suit le spectacle en se tordant le cou. Je n’ai jamais aussi bien senti l’intérêt que les instrumentistes portent à l’opéra et ses chanteurs ; on est bien loin ici de certaines attitudes qui conduisent à laisser la fosse déserte à peine la dernière note évaporée.

Umberto Chiummo, le général Ariodate de Xerxès, est un chanteur dynamique à la voix chaude et sonore. La mobilité de son visage le rend très expressif, et joint à des costumes militaires fantaisistes, cela le rapproche d’un personnage de la Comedia del’Arte.

Ses deux filles sont habillées en rose Barbie, Banu Böke est une Romilda agréable qui se retrouve devant le rideau de scène hermétiquement fermé pour conclure de belle façon l’acte II par son air « Chi cede al furore », et Margarita De Arellano incarne une Atalante pleine de vie. Elle est particulièrement impressionnante pendant son air à la fin de l’acte I « Un cenno leggiadretto ». En même temps qu’elle le chante, elle le danse comme dans une revue du Lido, accompagnée par une petite troupe de girls à son image, et cela sert tout à fait son propos.

L’aspect loubard à lunettes noires donné à Christian Rieger dans le rôle d’Elviro (l’ancêtre de Leporello) contraste avec l’empressement bienveillant qu’il porte à son maître Arsamène. Il ouvre l’acte II avec Amastre dans une scène qui relève carrément du vaudeville. Elle aurait donc pu être traitée sur le mode de la bouffonnerie : « Ah, chi voler fiora » chanté en fausset (ce que n’essaye qu’à peine Christian Rieger), avec costume féminin plus affriolant qu’une djellaba noire… Dommage. Quant à son seul air « Del mio caro Bacco amabile », il montre les limites vocales du baryton qui pourtant possède une voix d’une belle profondeur.

Mais ce qui me fait le plus plaisir, c’est de voir que les chanteurs s’amusent vraiment. Des saynètes muettes se déroulent souvent en parallèle du premier plan musical, aux marges de la scène, au risque parfois de capter l’attention au détriment de celui qui est entrain de chanter. Si c’est pendant le dernier air de Xerxès, on l’a vu, ce n’est pas bien grave, et on détaille avec bonheur la troupe réunie autour du banquet pour les noces d’Arsamène et de Romilda. Mais lorsque l’on est perturbé par le défilé des djellabas noires juste derrière Atalante qui chante « Dirà che non m’amo », on ressent la nette frustration d’être privé du plaisir musical (c’est le comble) sans que le visuel ne compense cette perte.
Il est affligeant de sentir de cette manière insidieuse que la musique est supposée (par le metteur en scène ?) ennuyer le spectateur, puisqu’il faut forcément accumuler couleurs, mouvements et extravagances diverses pour le distraire, et malheureusement, pas uniquement au sens propre. Comme nous devons l’aimer, cet art lyrique, pour que même assaisonné ainsi nous n’en soyons toujours pas dégoûtés !

Je n’ai pas souvenir d’avoir vu ailleurs les instrumentistes, habituellement cantonnés dans la fosse d’orchestre, monter sur la scène pour saluer avec leur chef parmi les chanteurs et les figurants. Les solistes se font bien applaudir, surtout Christopher Ropson, et je trouve le public très indulgent (ou pas très exigent ?) pour ne pas tenir rigueur à Ann Murray de son désengagement trop visible.
Applaudissements et rappels concluent donc cette longue soirée, contrastée et inégale, mais qui me laisse tout de même le sentiment d’un spectacle assez complet.

S. Eusèbe, 09-24 Janvier 2006.


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Commentaires

1. Le dimanche 29 janvier 2006 à , par DavidLeMarrec

Merci beaucoup. J'ai lu ça avec avidité.

Grand admirateur d'Ann Murray, je crois me souvenir qu'elle n'est pas toujours d'un engagement féroce sur scène, en effet. Pourtant, la voix et l'incarnation ne lui font habituellement pas défaut, même s'il est indéniable qu'elle s'achemine vers la fin de carrière - elle a accepté Despina à Vienne, ces dernières années.


"Mais laissons l’ironie facile pour reconnaître à cette production l’immense mérite de ne contenir ni vulgarité ou autres obscénités, ni violence ou hémoglobine… Ça a l’air d’être tellement rare qu’il ne faut pas manquer de le signaler."

Surtout en Allemagne, à vrai dire, où les mises en scène sont souvent très violentes vis-à-vis des oeuvres. Pas forcément pour le pire, d'ailleurs.


"et par ces temps tristes qui plombent l’opéra"

De quoi s'agit-il ?


"Les décors et les costumes sont d’une inspiration initiale certes un peu orientale, mais les époques sont passées au shaker."

Ah tiens ! Ca me rappelle un Giulio Cesare du même tonneau. Giulio Cesare en Hitler, bien sûr, et Ptolémée en chef GI, Cléopâtre tantôt en costume orientalisant de sérail un peu libéré, tantôt en imper collabo pendant la bataille où elle est censée trahir. C'était en 1998. Rien de bien neuf.


"Et dans tout ça, que fait Nathalie Stutzmann en Amastre ? Voix en pleine forme, le seul regret que je puisse avoir pour elle est son manque de puissance (même si l’orchestre ne l’a pas toujours aidée par sa discrétion…), mais cela restera probablement toujours son unique point faible."

Oui, elle est très à sa place dans ce répertoire, et généralement inspirée, malgré une projection faible. Je pense que c'est lié à l'engorgement, au "mur" dans les résonateurs dont nous parlions l'autre fois.


"Umberto Chiummo, le général Ariodate de Xerxès, est un chanteur dynamique à la voix chaude et sonore. La mobilité de son visage le rend très expressif, et joint à des costumes militaires fantaisistes, cela le rapproche d’un personnage de la Comedia del’Arte."

Impossible de me rappeler où je l'ai entendu, mais je rattache son nom à un excellent souvenir - pas suffisant pour m'en rappeler, apparemment.


"Il est affligeant de sentir de cette manière insidieuse que la musique est supposée (par le metteur en scène ?) ennuyer le spectateur,"

Probable. Surtout sur ces opéras baroques d'une convention sclérosée... Il faut lire les propos de Michael Haneke, qui dit que l'opéra l'ennuie, qu'il méprise le public d'opéra et qui met en scène Don Giovanni ces temps-ci à Garnier, ou entendre Gérard Mortier parler de l'opéra comme un genre mort... Ce n'est pas rassurant sur le désir de bien faire !


"Je n’ai pas souvenir d’avoir vu ailleurs les instrumentistes, habituellement cantonnés dans la fosse d’orchestre, monter sur la scène pour saluer avec leur chef parmi les chanteurs et les figurants. "

C'est très rare en effet.


Eh bien, voilà du compte-rendu détaillé ! Bravo, vraiment.

2. Le lundi 30 janvier 2006 à , par Sylvie Eusèbe

Je suis heureuse que vous ayez apprécié et je vous remercie d’héberger ma prose chez vous !

Si je reviens souvent à Ann Murray dans mon compte-rendu c’est que j’ai vraiment trouvé son attitude incroyable. Que sa voix soit fatiguée, passe encore, mais on sent bien qu’elle a signé pour dix ans, que ça fait long, et qu’elle en a marre de ce rôle. Non seulement elle pouvait y penser avant, mais surtout c’est une partie de son métier de faire semblant… C’est un manque de professionnalisme caractérisé, et ça, je ne pardonne pas !

À quoi donc est-ce que je pense quand je parle de « ces temps tristes qui plombent l’opéra » ?
Tout au long des années 80, j’ai pas mal fréquenté Garnier, l’Opéra Comique ou le Châtelet, puis un tout petit peu la Bastille au début 90. À cette époque, on commençait à voir arriver les partis-pris brutaux, déprimants, laids et vulgaires qui sont désormais si fréquents. Cette antinomie entre ce que j’entendais et ce que je voyais a contribué à m’ôter l’envie de voir des opéras (c’est peut-être la principale raison mais pas la seule). Je me suis rabattue sur l’enregistrement qui me procure des émotions bien plus belles et fortes.

Je sais que je suis une inconditionnelle du passé, non pas dans le sens « c’était mieux avant », mais parce que le passé me permet de m’évader du présent, d’une manière douce et poétique. Que naturellement je sois plus sensible à l’art du passé (musique bien-sûr, mais aussi littérature et dans une moindre mesure peinture) n’empêche pas un contre-exemple criant : j’ai horreur de la danse classique mais suis très attachée à la danse contemporaine… Tout ça pour dire que je ne suis absolument pas hostile à la nouveauté en art, pourvue qu’elle se justifie, qu’elle apporte avec intelligence nouveau point de vue et nouvelle esthétique (rien que ça).

Et ce qui plombent depuis 20 ans les productions lyriques et également théâtrales (Allemagne en tête, je suis bien d’accord avec vous), c’est non seulement leur absence de nouveauté, mais surtout leur engluement dans une vaine rédemption des maux du XXe siècle. Metteurs en scène et autres acteurs de l’art lyrique sont incapables de dépasser la douleur dont nous avons tous hérité. De plus, ils semblent s’y complaire avec un acharnement qui met en doute leur bonne foi, et leur ratiocination stérile tourne à vide, sans espoir… Tant qu’il y aura preneurs (producteurs, public, musiciens, chanteurs et autres artistes), il n’y a pas de raison que ça change !

Et entre Michael Haneke ou Gérard Mortier, je ne choisirai pas le moindre mal et n’irai pas voir ce « nouveau » Don Giovanni !

3. Le mardi 31 janvier 2006 à , par DavidLeMarrec

Si je reviens souvent à Ann Murray dans mon compte-rendu c’est que j’ai vraiment trouvé son attitude incroyable. Que sa voix soit fatiguée, passe encore, mais on sent bien qu’elle a signé pour dix ans, que ça fait long, et qu’elle en a marre de ce rôle.
Ca m'étonne d'elle, tout de même. Elle n'est pas très mobile en scène, mais à ce point !

Et ce qui plombent depuis 20 ans les productions lyriques et également théâtrales (Allemagne en tête, je suis bien d’accord avec vous), c’est non seulement leur absence de nouveauté, mais surtout leur engluement dans une vaine rédemption des maux du XXe siècle.
Ah, ne m'en parlez pas... C'en est insupportable.

Tant qu’il y aura preneurs (producteurs, public, musiciens, chanteurs et autres artistes), il n’y a pas de raison que ça change !
Votre position est courageuse. Hélas il faut le savoir avant que de s'y rendre d'une part, et il faut renoncer à des représentations que tout le monde n'est pas prêt à abandonner. Mais c'est une réelle question.
Pour ma part, bien que je me félicite de l'évolution depuis les années 50, je ne suis pas satisfait non plus de cette normalisation de la transposition et de la violence faite aux oeuvres et aux spectateurs. Si c'est pertinent, je suis prêt à reconnaître de l'intérêt à n'importe quoi, mais il faut que ce soit pertinent !

Et entre Michael Haneke ou Gérard Mortier, je ne choisirai pas le moindre mal et n’irai pas voir ce « nouveau » Don Giovanni !
Aux dernières nouvelles, le I fonctionnerait plutôt bien (le II pas du tout), même si ça n'a aucun rapport avec Da Ponte.

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