La langue originale
Par DavidLeMarrec, lundi 2 mai 2005 à :: Discourir - Langue :: #17 :: rss
Je croyais être un puriste.
Lorsqu'on donne un (bon) opéra, il est impensable de ne pas respecter le texte d'origine, puisque le compositeur malmène souvent l'invention musicale au profit de la prosodie et de la dramaturgie, que le poids donné à la musique sur les mots est précis et capital, et aussi que chaque langue attache ses connotations propres à un terme, une tournure. Sans parler de la rythmique faussée !
Ecoutez donc Faust (Gounod) ou Boris en italien : toute la richesse vocalique se perd, sans compter la guignolité des textes adaptés selon une misérable standardisation de l'esprit.
Bref, j'étais farouchement pour les langues originales, et puis c'est fascinant, tout ça à découvrir !
Mais. Je me dis aussi. Lorsqu'on joue un opéra en tchèque, ou même en allemand, ou même en italien (ou même en français, mais c'est un autre problème, de composition ou d'interprétation), quel est le pourcentage de spectateurs dans la salle qui comprennent quelque chose de précis à ce qui est dit ? Qui remarquera sur quelle syllabe de quel mot tombe l'accent, et le sens profond - s'il y en a un - de tout cela ?
Et puis, cette barrière linguistique, ne participe-t-elle pas de la sélection sociale qui s'effectue à l'entrée de l'opéra ? Le grand public écoute de la variété dans sa langue, parce qu'elle lui dit quelque chose, justement. L'opéra ne dit rien. Et l'opéra qui ne dit rien, c'est de la mauvaise musique symphonique avec quelques braillards dessus.
Les surtitrages, on le sait, ne sont pas visibles de partout et ne pallient pas à une bonne connaissance du texte.
Bref, je m'interroge. Et, en somme, j'aimerais tellement entendre le Ring, Thora ou la Khovanchina en français, ce serait tellement plus direct par moments, mais surtout... tellement différent ! On donnerait aussi à chacun la possibilité de saisir vraiment ce qui est dit dans une oeuvre qui ne serait plus l'originale, mais qui aurait ses particularités propres, et serait entièrement intelligible en tant que telle.
Bien sûr, je ne demande surtout pas à ce que le français redevienne la norme.
Mais je me disais : si les théâtres au cours de leur saison programmaient plusieurs/quelques oeuvres dans la langue vernaculaire, ou alors organisaient pour une seule oeuvre une alternance, quitte à faire une reprise dans l'autre langue dans quelques années, au lieu de la réaliser dans la même ? C'est pas idiot, non ?
Je suis déçu. Je me pensais plus puriste que ça. Décidément, la vie n'est pas simple.
David - SeptièmeNain
Commentaires
1. Le lundi 12 décembre 2005 à , par kfigaro :: site
2. Le lundi 12 décembre 2005 à , par DavidLeMarrec
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