Le Sturm und Drang musical (& Haydn 39)
Par DavidLeMarrec, dimanche 12 novembre 2023 à :: Disques et représentations :: #3337 :: rss

Après avoir énormément aimé le volume n°3 de la série « Sturm und Drang » des Mozartists qui vient de sortir (une scène dramatique d'Annibale in Torino de Paisiello, une symphonie de Koželuch très animée, et une page totalement éperdue de l'Alceste en allemand d'Anton Schweitzer !), j'avais été au contraire peu passionné par le n°1 (moins d'œuvres rares, et nettement moins singulières).
Et voilà que je me régale avec le volume n°2 ! Grâce à l'une des meilleures symphonies de Vaňhal, d'abord – celle en ré mineur Bryan D1 –, complètement trépidante et servie par une interprétation nerveuse, mais aussi, plus inattendu, la Symphonie n°39 de Haydn, dont je n'avais aucun souvenir. On imaginerait difficilement meilleur exemple du Sturm und Drang, avec ses sautes d'humeur très marquées et dramatiques, sans pour autant se départir du style et de la forme classique. Car le Sturm und Drang n'est pas du romantisme, c'est plutôt un mouvement lié à la sentimentalité prisée par le XVIIIe siècle, qui met certes l'émotion – y compris négative et/ou paroxystique – au centre de son esthétique, mais du reste avec les codes et les aspirations propres au classicisme, et non en rupture vers des formes nouvelles comme le fait le romantisme. On pourrait presque dire qu'il s'agit d'une couleur, d'un registre (un peu à la manière des auteurs de nouvelles du XIXe siècle qui pouvaient produire des récits tantôt réalistes, tantôt fantastiques ?).
Je trouve que le mouvement, essentiellement présent en littérature et en allemand, n'est pas toujours intuitif à identifier en musique, dans la mesure où celle-ci est toujours en retard par rapport aux innovations littéraires, et surtout qu'à l'oreille, on entend bien qu'il s'agit du classicisme, avec un goût pour les contrastes qui n'est pas incompatible avec ce style. De même que les opéras à sauvetage et autres sujets sentimentaux d'opéra comique ne relèvent pas du romantisme, le Sturm und Drang a son esthétique propre, et ne ressemble pas du tout au dynamitage beethovenien !
Je trouve que cette formidable Symphonie n°39, en plus d'être l'une des plus inspirées du maître, accentue un peu plus fort ces traits et permet de mieux sentir le rapport entre forme classique conservée et alternance d'affects spectaculaire.
(Dans la playlist, je vous ai inclus deux version particulièrement différentes : Ádám Fischer exalte vraiment les silences, les ruptures et les couleurs, et en fin de liste, Ian Page – avec The Mozartists – qui trouve des affects très contemporains dans sa gestion des mélodies.)
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