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Vidéo Lohengrin Bayreuth : Andris Nelsons / Hans Neuenfels


Comme certains lecteurs de CSS ont manifesté ici ou là leur intérêt pour un avis sur cette production, voici ce que je répondais brièvement en commentaire à Sentierdelune :

Oui, j'ai vu la production (partiellement : actes I et III). J'y allais peu confiant, ayant gardé rancune à Hans Neuenfels de son sabotage délibéré de Fledermaus. Non pas que l'oeuvre de Strauss me soit particulièrement chère, mais la dénaturer volontairement (changeant la disposition des actes et les dialogues) dans le but proclamé dans la presse de faire un pied-de-nez aux riches autrichiens qui avaient financé Mortier jusque là, j'ai trouvé ça ridiculement petit. Le résultat était moche, vulgaire et peu intelligible.

Je n'ai pas eu le même sentiment pour ce Lohengrin. On disposait d'une bonne direction d'acteurs, pas toujours suffisante et malgré tout un peu surjouée, mais les relations entre personnages (même si elles faisaient porter la responsabilité sur Elsa alors qu'il me semble que le personnage fécond à questionner est davantage Lohengrin qui empile les contraintes sur Elsa et les conditions défensives à leur union) étaient assez bien décrites, ça fonctionnait vraiment bien. Le fait de laisser Elsa et Lohengrin seuls pour rythmer un peu ces scènes de foule (qui entrent et sortent alors que ce n'est pas prévu), ça donnait un certain rythme, ça éclairait les propos des personnages de façon intéressante.

Ensuite, la scénographie, oui, c'était assez moche et pas toujours cohérent. Quand c'était sobre, c'était bien (la chambre du III, parfait). Les rats, sans être à proprement parler gênants, m'ont paru relever du concept un peu forcé. (Et pour l'oeuf à l'acte III, théâtralement révélé sous un drap noir, le décalage était trop important, j'ai eu envie de rire.) La transformation de la foule n'est pas inintéressante, mais allez justifier l'illusion théâtrale quand vous changez entre deux scènes des rats roses en humains à canotier...

Donc disons que sans être éperdu d'admiration ni forcément accréditer les choix de "transposition" ou de déformation de l'oeuvre, j'ai trouvé que ça fonctionnait bien, en tout cas en gros plan. Parce que de loin, j'ai plus de doute, c'était assez statique et les gestes maladroits.

Côté musique, Andris Nelsons sublime : je l'avais trouvé lyrique de façon un peu univoque dans la Dame de Pique, mais ici, la poussée dramatique constante, l'élan, vraiment parfait. Les choeurs sont toujours aussi fantastiques.

Pour la distribution vocale, j'ai trouvé Annette Dasch tout à fait correcte, même si elle semblait fatiguer effectivement. Très bien dans l'absolu, mais si on attend un "supplément" en entendant une production Bayreuth, on peut être surpris qu'ils n'aient pas trouvé plus aisé comme Elsa, qui n'est pas un rôle si difficile à distribuer. Chose amusante, l'endroit où j'ai le plus aimé Dasch est le baroque. Mais la voix me paraît s'assécher considérablement ces dernières années (son Elvira à Verbier n'était pas fabuleuse non plus).

Peu entendu Petra Lang puisque ses grandes interventions sont à l'acte II. Très tendu à l'acte III, pas très juste, mais du panache. Dans une optique je-peux-faire-aussi-peur-que-Varnay-et-toujours-essayer-de-faire-aussi-moche, j'ai trouvé ça très réussi.

Surprise très positive pour Jukka Rasilainen qui chante avec une voix assez claire et pourtant avec un son vieilli et patiné. Il s'en tire clairement très bien, sans doute parce que le rôle est bien plus dans sa voix que Wotan, et qu'il peut éviter les contorsions disgracieuses.

Un brin déçu par Georg Zeppenfeld, dont j'attendais beaucoup et qui est "seulement" très bien, mais pas forcément marquant. Probable que la prise de son ne lui rende pas justice, les résonances de voix de basse (surtout avec le physique longiligne...) sont en général occultées par les prises de son. Je suis content cela dit de ses succès, lorsque je l'ai découvert en 2005, j'espérais un avenir à la hauteur de son talent, et il l'a.

Reste Klaus Florian Vogt. J'y ai retrouvé le vibrato "blanc" (gros changements d'intensité plus que de hauteur) que je n'aime pas trop, mais il a considérablement amélioré l'homogénéité de ses voyelles (ses [i] étaient vraiment moches, encore en septembre dernier), et j'ai trouvé l'ensemble assez prenant.
Cela dit, bien qu'en théorie l'émission haute de Vogt représente une forme de rêve (mon ténor wagnérien idéal, ce serait Paul Franz), je suis d'accord, ça n'a pas la profondeur de ce que fait Kaufmann ici, c'est certain. Mais si on doit attendre de trouver aussi fouillé que Kaufmann avant d'écouter d'autres ténors, nous ne sommes pas rendus...
Côté couleur vocale, au contraire c'est parfait pour moi, j'y retrouve, certes un peu plus transparent et sans l'ambiguïté virile qui en faisait tout le prix, quelque chose de la grâce de Kónya.

Sinon, je ne suis pas vraiment d'accord, ce n'est pas une voix légère, c'est très projeté et même plutôt puissant. Il fait bien plus de bruit que Kerl, par exemple ! Le fait qu'il émette en haut au lieu d'écraser son larynx et de râcler sa gorge n'empêche pas que le faisceau sonore soit très concentré, et c'est le cas.



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David Le Marrec

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