Assortiment spirituel
Par DavidLeMarrec, dimanche 15 février 2009 à :: En passant - brèves et jeux :: #1142 :: rss
Tiré de l'ouvrage de Vincent Lajoinie Le basson n'est pas contagieux (plus récemment auteur d'une suite lyrique pour grand satire : Le ténor provoque des maladies graves).
Comme il est de nécessité dans ce genre d'ouvrage, tout n'est pas au même niveau d'inspiration. Mais la langue en est savoureuse, et l'érudition de façade, mêlée à un goût assez raffiné du calembour, franchement plaisante.
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PAIN
Du grec "Panos" : sorte de clou acéré qu'on enfonçait dans les oreilles des esclaves pour leur faire avouer la cachette des petites cuillères.
En jargon orchestral, ce terme désigne une quantité x de fausses notes - théoriquement variable entre une et l'infini - dont aucune n'a été initialement prévue par le compositeur, qui ne peut de ce fait prétendre à aucune propriété artistique sur celles-ci, ni au 4/12ème de la SACEM.
Syn. : canard, patate, pêche, etc. (On notera que tous ces synonymes sont comestibles.)
Traditionnellement, on classe les différentes sortes de pains selon un grand nombre d'écoles, qui toutes ont leurs critères de sélection bien précis. L'école classique, par exemple, en propose une division rationnelle suivant les pupitres, alors que l'école N. Boulanger tient plutôt compte de leur goût - bon ou mauvais - pour distinguer entre les pains croustillants et ceux qui ne le sont pas. L'ébauche de classification qu'on va lire, due à un célèbre heckelphoniste qui a tenu à conserver un louable anonymat, se présente comme une synthèse de ces différentes tendances, bien qu'elle soit habituellement considérée comme hérétique.
"Le demi-pain" : se dit d'un pain à peine ébauché, avant d'être prestement remplacé par la note réelle. Fréquent chez tous les instrumentistes contraints à de longues tenues (cf. cor, trompette, etc.). Dans certains dialectes, ce pain est parfois nommé "pain demi".
"Le petit pain" (ou "croissant") : désigne un simple pain courant, exécuté discrètement par des instrumentistes timides dans des circonstances furtives. Le petit pain n'importune pas le mélomane.
"Le pain de campagne" : s'exécute bravement et sans détour, dans une bonhomie joviale, le plus souvent à la suite d'un excès de boissons fermentées. On cite le cas de M. Gerd Ridon, premier cor de la philharmonie amateur de La Garenne-Bezons, qui en 1912 exécuta les trente premières mesures de "La Walkyrie" face au grand autel, avant de s'apercevoir qu'il n'était pas au théâtre municipal, comme le lui avait déjà fait remarquer le bedeau.
"Le pain parasol" : se joue à plusieurs, si possible avec tout l'orchestre. Consiste à déployer, à partir d'un pain donné, le plus grand nombre de variantes possible. En Palestine, cette forme de jeu est nommée "multiplication des pains".
"Le pain perdu" : autre nom du petit pain.
"Le pain d'art" : du nom du célèbre poète grec, consiste à tenter d'améliorer consciemment les fautes de goût du compositeur (par exemple, s'il a confié des doubles-cordes au trombone, ou de longues tenues à la harpe). Très prisé des musiciens avertis, ce type de pain l'est extrêmement peu des chefs d'orchestre, encore moins des compositeurs.
"Le pain pascal" : pain qui accable son responsable d'une lourde culpabilité. Il ne faut jamais en accuser un instrumentiste, surtout s'il ne s'appelle pas Pascal.
"Le pain égérique" (Grévisse conseille la liaison) : résulte d'une attention moins portée aux détails sordides de la partition qu'aux charmes de celles que la grâce et la beauté ont désignées comme les égéries de l'orchestre. Ce type de pain bénéficie d'une grande indulgence de la part des chefs d'orchestre, qui en sont généralement les premiers responsables.
"Le pain quotidien" : ne s'applique qu'à certaines catégories d'instrumentistes. Bien que majoritairement chrétiens, ceux-ci profitent lâchement de leur avantage numérique pour renouveler chaque jour ce triste exploit en toute impunité (cf. violons).
"Le pain bâtard" : se dit d'un pain dont on ne sait s'il faut en rejeter la responsabilité sur l'instrumentiste, le chef ou le compositeur. Le XX° siècle le voit proliférer avec bonheur.
Extrait de : Friedrich von Barboteu, Phénoménologie stylistique du Pain, Tome IV ; Brothenburg, 1747.
Commentaires
1. Le lundi 16 février 2009 à , par lou :: site
2. Le lundi 16 février 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
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