Feuilleton - Concours International de Quatuor à Cordes de Bordeaux 2007 - VI - quelques remarques
Par DavidLeMarrec, vendredi 6 juillet 2007 à :: Quatuor à cordes :: #652 :: rss
Remarques générales sur l'intérêt du concours, vu depuis l'angle de l'auditeur.
Quelques remarques à l'issue de cette première épreuve (on revient prochainement sur la seconde journée).
=> Tout d'abord, Schubert tient très bien la durée et la répétition. Que ce soit dû à la fragmentation en sous-thèmes de caractère très contrastés de ce Quartettsatz, à ses fulgurances mélodiques, à la fougue de ses fortepiani, quoi qu'il en soit, sa présentation rabâchée deux jours durant nous aurait plutôt ouvert l'appétit à son sujet qu'éternellement rassasié - à notre plus grande surprise.
=> Ensuite, la qualité toujours très élevée de ces journées, où l'on perçoit qu'il existe, la plupart du temps, une nuance assez mince entre les ensembles les plus célèbres et ces jeunes concertistes. Si, pour quelques-uns, la technique peut se parfaire, et pour, disons, une moitié, la personnalité s'affirmer, bien des quatuors présents au disque (ou même célébrissimes) pourraient à tout le moins améliorer le second paramètre.
Bref, on est là dans les plus hautes sphères, et il s'agit véritablement d'un concert de taille peu ordinaire, un vrai concert tout à fait professionnel. Avec quelques perles qui dépassent allègrement certains grands noms côté engagement ou inventivité.
Rien à voir donc avec les concours de chant, même au plus haut niveau, où l'on trouve pas mal de déchet, y compris chez les lauréats. Bien sûr parce que le chant est un instrument beaucoup plus aléatoire, où la nature, les conditions, la perception de l'instrument tiennent une place très importante. Qu'il s'y ajoute de surcroît d'autres paramètres (langue, traitement du texte, réception du timbre de la voix humaine...).
Mais peut-être surtout parce qu'un quartettiste a le devoir (et la possibilité, tout simplement) de s'entraîner bien plus longtemps chaque jour. Avec ce régime spécial, les chanteurs devraient, en somme, avoir le temps de développer une maîtrise linguistique remarquable et une culture parfaite de ce qu'ils chantent. Le premier paramètre est de plus en plus répandu depuis une trentaine d'années.
=> Enfin, cette configuration spécifique du concours est l'occasion d'entendre des pièces très peu jouées en concert, à condition toutefois d'accepter d'entendre la répétition des oeuvres imposées (contrainte surtout intéressante pour la création).
Il est vrai que, de même que pour le lied, les concerts de quatuor ont tendance à ressasser toujours les mêmes chefs-d'oeuvre, en en négligeant bien d'autres d'envergure similaire - et en fatiguant son auditoire régulier. Hier soir, les Pražák, de passage à Bordeaux pour la troisième fois en six ans, interprétaient pour la... troisième fois le Quatuor Américain de Dvořák. [Inutile de préciser que nous sommes demeurés dans nos douillettes pénates.]
Dans ces pièces peu jouées, on trouve bien sûr des pièces apprises car jugées utiles pour le concours, mais qui ne seraient jamais jouées en concert. Parce que le public ne les aime guère. Et tout simplement parce qu'elles sont d'un intérêt très limité. Oui, les quatuors de Schumann, au hasard - sans doute de loin le versant le plus austère et le moins abouti de sa production.
Mais on trouve également des pièces dont les noms ne font pas déplacer le public, dont la difficulté le rebute, dont l'exécution n'est pas entrée dans les moeurs des ensembles qui se produisent sur le territoire. Et, outre le plaisir d'entendre des répertoires peu fêtés, celui de profiter de joyaux. Exemples ? Les quatuors opus 12 et surtout opus 80 de Mendelssohn, les quatuors romantiques russes (nous avons eu Borodine 2, Tchaïkovsky 1 et 2), les Brahms. Parmi ces Brahms, certains sont apparentés aux Schumann, de façon réussie, avec une structure en motifs brefs qui rappelle les symphonies du même Brahms ; d'autres sont dans la veine folklorique, proche des Danses Hongroises, ou, si l'on veut, de Dvořák - mais sans rhapsodisme exagéré, avec le savoir-faire de vrais développements.
En somme, une bénédiction qui vaut bien des concerts prestigieux mais convenus. Surtout que nous aurons, en plus d'une création (peu de quatuors s'y risquent spontanément), un Lalo imposé pour l'épreuve finale, une vraie rareté !
Commentaires
1. Le samedi 7 juillet 2007 à , par Inactuel :: site
2. Le samedi 7 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec
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