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Carnet d'écoutes - Robert SCHUMANN, Das Paradies und die Peri (Le Paradis et la Péri), Op.50 - Daniel Harding, Stockholm

Diffusion hier soir sur France Musique[s] de l'oeuvre, avec la distribution suivante :

Sally Matthews : la Péri
Malin Christensson : soprani
Ingeborg Danz : l'ange
Christoph Prégardien : narrateur
Andrew Staples : ténor
Christopher Maltman : baryton
Choeur de la Radio Suédoise
Orchestre Symphonique de la Radio suédoise

On en profite pour évoquer un détail de l'oeuvre qui nous amuse.

(Et on évoquera incidemment certains pans du Mendelssohn dramatique sacré.)


Vous l'aurez sans doute déjà remarqué, sur CSS, on est un rien badin, de temps à autre. Non, pas seulement sur Mahler, mais aussi sur Debussy - souvenez-vous, nous proposions quelques rapprochements envisageables mais improbables.

Manière d'expédier l'interprétation, on saluera les solistes, et on regrettera le sens peu différencié du style des formidables orchestres nordiques. Dans Schumann, l'épaisseur ne pardonne pas, surtout que l'oeuvre est orchestrée de façon particulièrement peu inventive et lisible.
Daniel Harding, réputé pour sa tendance aux phrasés tranchés, ce qui est fascinant chez Schubert (on se souvient d'une Neuvième très précisément menée), très intéressant chez Mozart (climats cyclothimiques inédits) et un peu frustrant chez Brahms, peine ici à extraire l'oeuvre d'un flot de cordes opaques. La faute peut-être à la tradition stylistique de l'orchestre, mais comme souvent, les oeuvres vocales de Schumann, mal servies orchestralement, peinent à révéler leurs réels mérites.




En tout état de cause, le principe de ce type d'oratorio se trouve mené à son degré de perfection, avec une ferveur, un relief et une orchestration d'une autre trempe chez Mendelssohn, dans Paulus et surtout Elias, explicitement inspirés des Passions de Bach, mais qui en poussent bien plus loin la mobilité des ensembles et la poussée dramatique.

Helmut Rilling fusionne ces traditions d'un siècle d'intervalle avec un rare bonheur dans ce couplage enregistré en 1994 pour Haenssler Classics, et reparu sous licence chez Brilliant Classics pour une misère.
Paulus : Juliane Banse, Ingeborg Danz, Michael Schade, Andreas Schmidt.
Elias : Christine Schäfer, Cornelia Kallisch, Michael Schade, Wolfgang Schöne.
A chaque fois, Gächinger Kantorei Stuttgart et Bach-Collegium Stuttgart sont magistralement de la partie.

On peut aussi considérer l'adaptation de la Passion selon saint Matthieu, réalisée en 1841 pour la même église Saint-Thomas de Leipzig. Les clarinettes y ont évidemment leur part, le clavier disparaît du continuo (qui est en revanche étoffé dans les figures violoncellistiques), etc. Tempi lents bien évidemment.
D'ordinaire, les versions exécutées sur orchestres traditionnels sont simplement tirés de la partition de Bach, sans modifications notables. Il existe cependant une version qui reprend la rénovation mendelssohnienne, celle de Christoph Spering :
ou

  • Chorus Musicus Köln, Das Neue Orchester ;
  • Wilfried Jochens (Evangéliste), Peter Lika (Jésus) ;
  • Angela Kazimierczuk (soprano), Alison Browner (alto), Markus Schäfer (ténor), Franz-Josef Selig (basse).
  • Paru chez Opus 111 en avril 1992, deux disques pour un total de 132 minutes.


Ce n'est pas nécessairement la version la plus bouleversante de cette passion[1], mais le document se prête bien à une mention ici, en guise de document stimulant.




Mais notre petit émerveillement aura été[2] pour la parenté surprenante entre le traitement de la gamme descendante de la dernière intervention du ténor-narrateur et une autre intervention orchestrale d'opéra, assez éloignée stylistiquement et chronologiquement.

De toute façon, mieux vaut s'en émerveiller avant l'apothéose bien gentille que nous concocte Schumann.

Chez Schumann (version Harding) :

Et puis ceci :

Vivaldi, Il Farnace (version Jordi Savall, Furio Zanasi chante).




La parenté se passe de commentaire, et pour deux raisons.

D'abord parce qu'elle est réellement flagrante, même gamme, sur la même pulsation calme et rebondissante.

Ensuite parce que nous ne voyons aucune possibilité d'établir une influence entre les deux oeuvres.




Donc cette remarque ne sert à peu près à rien.

N'était la beauté du geste.

Bonne soirée.

Notes

[1] Furtwängler, Solti, Herreweghe I, van Veldhoven, Harnoncourt III, McCreesh, dans des genres très différents, voire Rilling, sont tous de belles réussites que je peux recommander. Bien que Scherchen, introuvable aujourd'hui, ratatine la concurrence.

[2] Vous le savez bien, il nous en faut peu, ç'aurait pu être une méditation sur la forme JT ou mieux, sur les interventions de Mélanie Delloye-Betancourt. Oui, vous revenez de loin, mais ne perdez rien pour attendre.


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Commentaires

1. Le mercredi 23 mai 2007 à , par Bajazet

C'est tout ?

:-(

Bon, j'avoue que j'ai du mal à être modéré au sujet de cet oratorio de Schumann, qui me met dans un état second. Ce que vous dites est bel et bon, mais enfin quid de cet amenuisement sublime du lyrisme à la fin de la 2e partie (déploration sur la mort du jeune homme, "Schlaf wohl") ou sur cet enthousiasme débordant (prendre ces 2 derniers mots au pied de la lettre) de la séquence ultime, impensable chez Mendelssohn (le modèle, pourtant) tellement Schumann y déchaîne une jubilation qui semble infinie, presque effarante ?

Jubilation effrayante… tiens, il n'y a que les Allemands pour réussir ça. Le Magnificat de Bach me fait presque peur, il y a quelque chose de panique là-dedans, que je retrouve chez Schumann ou chez Schönberg. Les Italiens n'ont jamais connu ça, les bienheureux.

2. Le mercredi 23 mai 2007 à , par Bajazet

Au fait, CPO a récemment publié la Passion selon saint Jean de Bach réorchestrée par Schumann. J'ignorais que ça existait. C'est bien tentant…

3. Le mercredi 23 mai 2007 à , par DavidLeMarrec

C'est tout ?

C'est-à-dire, la pensée est courte, ou le propos pas assez enthousiaste ? -<]:-])

Bon, j'avoue que j'ai du mal à être modéré au sujet de cet oratorio de Schumann, qui me met dans un état second. Ce que vous dites est bel et bon, mais enfin quid de cet amenuisement sublime du lyrisme à la fin de la 2e partie (déploration sur la mort du jeune homme, "Schlaf wohl")

Oui, il y a quelques beaux passages, notamment en fin de chaque partie.


ou sur cet enthousiasme débordant (prendre ces 2 derniers mots au pied de la lettre) de la séquence ultime, impensable chez Mendelssohn (le modèle, pourtant) tellement Schumann y déchaîne une jubilation qui semble infinie, presque effarante ?

Je trouve ça assez convenu, un peu comme le choeur de réjouissance à la fin du Vampyr. Et même un rien pompier.
La jubilation chez Mendelssohn, c'est autre chose ! Le choeur final du Psaume 42, ou les premiers choeurs d'Elias, quand bien même l'argument en est la détresse...
Pâle copie, de mon point de vue. Belle musique, à connaître lorsqu'on aime le genre, de même qu'on commencera par les sonates de Beethoven avant celles de Czerny, fort belles mais moins abouties.


Jubilation effrayante… tiens, il n'y a que les Allemands pour réussir ça. Le Magnificat de Bach me fait presque peur, il y a quelque chose de panique là-dedans, que je retrouve chez Schumann ou chez Schönberg. Les Italiens n'ont jamais connu ça, les bienheureux.

C'est une lecture a posteriori, ça ; on peut trouver tout aussi terrifiante cette jubilation sans nuage des italiens.


Au fait, CPO a récemment publié la Passion selon saint Jean de Bach réorchestrée par Schumann. J'ignorais que ça existait. C'est bien tentant…

Ce serait intéressant si Schumann savait orchestrer. Il a fait un bel effort pour ses symphonies, mais ça l'a manifestement fatigué pour la musique vocale, aussi bien Genoveva que les Scènes de Faust. Comme les symphonies de Bruckner, ces oeuvres gagneraient à être orchestrées correctement, ce serait sans doute une révélation.

Une Passion de Telemann réorchestrée par Wolf, je ne dis pas, mais une Passion de Bach par Schumann, ce sera ni plus ni moins que du Klemperer.

Bon courage, alors !

4. Le mercredi 23 mai 2007 à , par Bajazet

Ben fallait le dire tout de suite, que vous n'aimez pas Schumann ! ;-)

"La jubilation chez Mendelssohn,c'est autre chose" J'acquiesce, et c'est précisément parce que c'est autre chose que je discuterai la dévaluation de ce Schumann par comparaison au grand Felix. Je suis le premier à idolâtrer ses psaumes "Wie der Hirsch schreit" ou "Kommt, laßt uns anbeten" qui sont des sommets du romantisme musical, mais vous ne trouvez donc pas à Schumann une qualité d'emportement, d'exaltation inquiète, d'hystérie assez inconnue à Mendelssohn ?

Quand je parlais de la séquence finale, du reste, je ne me bornais pas à la partie rapide, mais j'incluais le solo de la Peri "Es fällt ein Tropfen", cette musique d'aube qui est une merveille.

5. Le mercredi 23 mai 2007 à , par DavidLeMarrec

Ben fallait le dire tout de suite, que vous n'aimez pas Schumann ! ;-)

Vaine provocation, je suis trop souvent, hélas, l'avocat de garde pour défendre l'orchestration de ses symphonies.

Mais ce que je préfère chez lui se situe plutôt du côté du trop rare Concerto pour violon, et bien sûr des Märchenerzählungen Op.132 qui ont inspiré le bien-aimé Kurtág pour son trio avec piano.


"La jubilation chez Mendelssohn,c'est autre chose" J'acquiesce, et c'est précisément parce que c'est autre chose que je discuterai la dévaluation de ce Schumann par comparaison au grand Felix. Je suis le premier à idolâtrer ses psaumes "Wie der Hirsch schreit" ou "Kommt, laßt uns anbeten" qui sont des sommets du romantisme musical, mais vous ne trouvez donc pas à Schumann une qualité d'emportement, d'exaltation inquiète, d'hystérie assez inconnue à Mendelssohn ?

Bien sûr, mais pas dans la Péri. Plutôt dans le final des Scènes de Faust, dans les fins d'acte de Genoveva. Et bien sûr dans sa musique instrumentale, à commencer par le quintette avec piano et les symhonies.

Je rapprocherais plutôt l'univers sonore de la Péri des quatuors à cordes.


Quand je parlais de la séquence finale, du reste, je ne me bornais pas à la partie rapide, mais j'incluais le solo de la Peri "Es fällt ein Tropfen", cette musique d'aube qui est une merveille.

Je suis bien plus séduit par le dernier récit du ténor, mais pourquoi pas.

6. Le jeudi 24 mai 2007 à , par Ouf :: site

Ben en plus tu nous coupes la jubilation..... C'est frustrant !

Oui, je vous rejoins dans vos appréciations du fabuleux Psaume 42 (que j'ai eu l'immense chance et bonheur de chanter sous la direction du Maestro Corboz lui-même en personne), et du final des Scènes de Faust (que pour le coup, j'adorerais chanter une fois dans ma vie !). Mais pour le coup, je trouve David bien sèvère pour ce Paradis avec Péri obligée, que je réecoute chaque fois avec un plaisir renouvelé.

Au passage je signale une nouvelle version, chez Carus, du Paulus de Mendelssohn, par Frieder Bernius, le spécialiste incontesté de la musique chorale de Mendelssohn. Ce devrait être pas loin de la perfection.... et ne risque certainement pas de rougir de la comparaison avec celle de son collègue Stuttgartois Rilling.

7. Le jeudi 24 mai 2007 à , par Bajazet

Confession nocturne : j'avais été à deux doigts de faire l'aller-retour Toulouse-Paris en 24h pour entendre Delunsch dans ce Psaume 42 de Mendelssohn. C'était avec l'Orchestre de Paris, je crois, il y a 2 ou 3 ans. Le même orchestre avait d'ailleurs fait le Paradis & la Péri il y a quelques années, avec Lynne Dawson sauf erreur.

J'ai découvert cet oratorio à la TV au tout début des années 80, c'était l'époque où la TV retransmettait encore des concerts à des heures de grande écoute. Festival de St-Denis, Sawallisch dirigeait, Julia Hamari faisait l'Ange, Horst Laubenthal (sauf erreur) le narrateur, Helen Donath la Péri. Je me souviens que dans la partie finale, Donath était tellement gagnée par l'émotion qu'on la voyait pleurer en chantant. C'était très impressionnant.

Plus tard, c'était vers 1993 je crois, j'ai entendu l'œuvre en concert au Châtelet avec Janowski à la tête de l'Orchestre de Radio-France. Pamela Coburn en Péri, prosaïque et sans rayonnement, Dalia Schaechter en Ange (aucun souvenir). Je m'étais copieusement ennuyé.

8. Le jeudi 24 mai 2007 à , par DavidLeMarrec

Ouf :
Ben en plus tu nous coupes la jubilation..... C'est frustrant !

Oui, je vous rejoins dans vos appréciations du fabuleux Psaume 42 (que j'ai eu l'immense chance et bonheur de chanter sous la direction du Maestro Corboz lui-même en personne), et du final des Scènes de Faust (que pour le coup, j'adorerais chanter une fois dans ma vie !). Mais pour le coup, je trouve David bien sèvère pour ce Paradis avec Péri obligée, que je réecoute chaque fois avec un plaisir renouvelé.

Au passage je signale une nouvelle version, chez Carus, du Paulus de Mendelssohn, par Frieder Bernius, le spécialiste incontesté de la musique chorale de Mendelssohn. Ce devrait être pas loin de la perfection.... et ne risque certainement pas de rougir de la comparaison avec celle de son collègue Stuttgartois Rilling.

Bonsoir, auguste souverain des supplices,

Oh, mais je ne dis pas que c'est de la mauvaise musique, c'est juste mal orchestré et c'est dommage. Et, ayant ces autres Mendelssohn et Schumann dans l'oreille, je ne suis pas ébloui par la singularité de l'oeuvre.

Pour la musique chorale de Mendelssohn, j'ai été époustouflé par le travail de Nicol Matt avec le Choeur de Chambre d'Europe (Brilliant). Il y a là l'intégrale, et les psaumes sont très réussis, avec des solistes remarquables, ce qui ne gâche rien. Isabell Müller-Cant, en particulier, a, avec un format plutôt Schäfer, un timbre qui rappelle fortement Mattila. Ce n'est pas déplaisant, ma foi. :-)
(Oui, Bajazet, je sais, il y a Schade, mais il se tient bien.)
Et surtout ce choeur parfaitement homogène, façon RIAS. Un délice.

9. Le jeudi 24 mai 2007 à , par DavidLeMarrec

Merci pour ces souvenirs, vénérable Bajazet. Une preuve de plus que Donath est une voix plus épaisse qu'il n'y paraît au disque, donc ?

10. Le jeudi 24 mai 2007 à , par Bajazet

Pour Donath, je ne saurais dire, ne l'ayant jamais entendu live, mais c'est une voix sans doute moins fragile qu'il ne semble, même si le grave a toujours été faible. Ce concert de Sawallisch était à la Basilique de touite façon, donc une voix aiguë comme la sienne est assez aisément portée, j'imagine, malgré la confusion de l'acoustique.

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David Le Marrec

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