Schubert - WINTERREISE - Stutztmann, Södergren - 5 novembre 2005
Par DavidLeMarrec, vendredi 11 novembre 2005 à :: Disques et représentations - Poésie, lied & lieder :: #93 :: rss
Deux ans après son disque avec le même programme, toujours aux côtés d'Inger Södergren, et un an après sa sortie, revoici Nathalie Stutzmann en récital pour le Winterreise, dans un Grand-Théâtre abominablement vide, surtout pour un samedi soir (parterre à peu près plein, une à deux personnes par loge).
J'avais déjà été marqué par les attaques systématiquement droites de Stutzmann, et les libertés inventives prises avec la partition par Södergen. Rien de cela n'est démenti ce soir.
En situation, cependant, les expressions du visage apportent un supplément, disons une justification par rapport aux choix bizarres des interprètes.
On y retrouve cette voix engorgée, comme contrainte, ces notes droites, aux angles blancs, cette peine à projeter au point que la voix semble toujours demeurer bloquée "en dedans". La systématisation d'effets de tension par l'absence de vibrato, l'arrêt du legato dès qu'un son vibré est émis peuvent finir par irriter. Dans Das Wirsthaus, l'allègement du matériau conduit à mettre en relief toutes les faiblesses techniques, aucun son n'est fini, c'en est irritant.
Chez Södergren, on notera quelques gratuités (comme l'accent sur la troisième croche de la figure en triolet de la mélodie, pour Wasserflut, mais surtout un jeu très intelligent entre pédale et non pédale, des contrepieds intéressants par rapport aux choix interprétatifs les plus répandus - la déploration unanime ou le grinçant.
Passés certains tics chez Stutzmann, donc, quelques vrais moments de grâce paraissent, ici et là : Auf dem Flusse, Frühlingstraum, Der greise Kopf (très engagé, malgré le non respect des piani dans l'aigu), Die Krähe (pour la poésie ineffable du piano, surtout, avec un rubato inhabituel), Der Wegweiser (avec ces sons droits totalement assumés et une issue plus amère qu'hallucinée) et surtout le plus impressionnant Einsamkeit qu'il m'ait été donné d'entendre, avec un premier degré parfaitement porté, sans nulle ironie, tout d'émerveillement et de douleur.
D'une manière générale, Nathalie Stutzmann bannit la réjouissance sauvage et l'amère ironie du cycle, en privilégiant une version beaucoup plus proche du premier degré, comme épurée des conventions d'interprétation. Scéniquement, elle se mire dans le fleuve, recule d'effroi devant la corneille, la suit des yeux avec angoisse, sans qu'il y ait une véritable incarnation - qui serait en effet hors sujet. Pas de pathos, pas de désillusion non plus : ce cycle est celui du cheminement, lent et douloureux, vers la mort.
On peut regretter que la voix ne s'épanouisse pas plus, excepté quelques rares piani extatiques en seconde moitié de cycle, que le systématisme du non vibrato rende l'ensemble un peu démuni en beauté sonore, mais la conception se tient globalement, et l'invention féconde et décalée de la pianiste est très bienvenue dans ces pages maintes fois parcourues.
Le public du Grand-Théâtre de Bordeaux a réservé une ovation debout aux artistes, chose qui n'avait pas été le cas lors de la venue de Matthias Goerne en décembre 2001 pour interpréter ces mêmes poèmes. Le fait que Nathalie Stutzmann soit une habituée du lieu n'explique sans doute pas tout.
Aucun bis n'a été proposé - il est somme toute plutôt rare que les interprètes s'y tiennent.
David - correspondantimpermanent
Commentaires
1. Le mardi 29 novembre 2005 à , par Sylvie Eusèbe
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3. Le mercredi 7 décembre 2005 à , par Sylvie Eusèbe
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